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Les chuchotis du lundi : Thierry Marx for president, la Food Society est arrivée à Montparnasse, Kevin Gourret perle de Quimper, un galopin nommé Julien Simonnet, Youssef Gastli fait coup double, adieu à Heinz Winkler, Arnaud Le Levier le retour, Matteo Vianello le Vénitien du Finistère

Article du 31 octobre 2022

Thierry Marx for president

Thierry Marx © Maurice Rougemont

Il est sur tous les fronts, à la brasserie de la Tour Eiffel, au Mandarin-Oriental, avec sa table doublement étoilée, où il travaille en « sur mesure »,  comme à la brasserie chic le Camélia, côté boulangerie, à Paris, entre la rue Laborde et l’avenue Marceau, où il promeut les « bread maki », multipliant livres, dictionnaire de survie, témoignages, roman policier et recettes. Thierry Marx, c’est bien de lui qu’il s’agit, boulimique et suractif, vint d’ajouter une corde à son arc, battant largement Stéphane Manigold dans la course à la présidence de l’UMIH, Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie, premier syndicat patronal de l’hostellerie-restauration, l’emportant au second tour par 71,66% des voix. Autant dire un plébiscite ! Il expliquait, à l’AFP, vouloir «  aller vers un syndicat professionnel qui soit davantage force de proposition que d’opposition, notamment sur l’impact social et environnemental, l’attractivité et la formation des personnels ». « Une industrie qui représente 7% du PIB et emploie 1,3 million de personnes, ajoutait-il, est  en devoir d’améliorer le traitement de ses salariés, avec notamment une meilleure mutuelle santé « . Réduire l’impact carbone de ses assiettes, militer pour la réinsertion des jeunes notamment des milieux défavorisés, développer la formation du personnel : voilà quelques uns des aspects du programme que devrait mettre en place le président Marx, qui sera secondé dans sa tâche par Eric Abihssira, président de la Fédération de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme (FHRT) de Nice Côte d’Azur, gérant du restaurant Côte Lounge à Nice et de l’hôtel « Best Western Plus Nice Cosy », qui devient son vice-président.

La Food Society est arrivée à Montparnasse

L’entrée de la Food Society © GP

L’émoi parisien du moment : les multi-gourmandises de la « Food Society », au 68 avenue du Maine, face à la gare Montparnasse, dans l’ex centre commercial Maine-Montparnasse, remis au goût du jour après cinq ans de travaux. 3500 m2 et 15 stands en tout genre – dont ceux en version franco-africaine, sous l’enseigne de « Mojo », avec une brochette de coeur de canard et un mordant poulet yassa, du voisin Mory Sacko (dont le restaurant « Mosuké »se trouve à 200 m.), les délices syriens de My Tannour, les crêpes complètes façon Breizh de Krügen, les jolis burgers de Blend, les exquises pizzas de Louielouie, le couscous du « Bled » signées Yemma, le bibimbap du Comptoir Coréen, les produits marins de la Presqu’île, l’Italie raffinée de l’Osteria Ferrara, les gâteaux créatifs de « Fou de Pâtisserie », le café expresso griffé « Coutume ». Cadre déjanté, dans une déco brute de décoffrage signée Lionel Jadot, le tout géré avec allant par le néo-lyonnais Franck Delafon, sous l’égide du Moma Group et d’Unibail : le lieu détonne. Ouverte depuis un peu plus d’une semaine, cette « Food Society » sert entre 3000 et 6000 couverts/jour. Si le succès financier est, comme tout a l’air d’y mener, au rendez-vous, cette première expérience parisienne devrait voir vite éclore des annexes, d’abord à Nice, puis à Bordeaux.

Kevin Gourret perle de Quimper

Kevin Gourret © GP

Le neuf magicien de Quimper, dans un cadre japonisant à fleur d’Odet : le jeune Kevin Gourret. Cet « ancien » des Airelles à Courchevel et de la Messardiere à Saint-Tropez a dédié à son fils Isao cette enseigne néo-nippone (« Sao ») sibylline et intrigante. Le service mené avec alacrité par les dynamiques Flavio Walspurger, côté vins, et Jennyfer Grave, qui explique chaque met avec un évident souci pédagogique, va de l’avant, et tout ce qui est servi ici est d’une fraicheur sans faille et d’une limpidité très singulière. Ainsi les fines bouchées apéritives qui se nomment croustillant de pain au beurre maison, mayonnaise au piment fumé, coques et fleurs de tagetes, tartelette de poivron en texture, huître de l’île de Sein avec saucisse de Molène fumée aux algues et sauce ponzu ou encore radis juste « sortis de terre » au beurre de gomasio. Il y a encore la variation autour du brocoli avec ses œufs de truite et sarrasin soufflé. Puis la balade en forêt que constituent les cèpes rôtis, avec crumble café et châtaigne, noisettes torréfiées, crème de topinambour et réduction de café et champignon, façon cappuccino de champignons. On en reparle vite…

Un galopin nommé Julien Simonnet

Julien Simonnet © GP

Il a travaillé aux côtés de Sylvain Sendra chez Itinéraire, a été se faire voir à Roscoff au Rackham alors étoilé, avant Jaïs Mimoun au Jaïs dans le 7e,  sans omettre un passage chez William Ledeuil à Ze Kitchen Galerie et avec Vincent Crépel chez Porte 12. A voyagé au Japon, se frottant à Zaiyu Hasegawa du deux étoiles « Den » à Tokyo. C’est dire que Julien Simonnet, 28 ans possède un sacré bagage, ne manque pas de métier. Il a racheté le Galopin de la rue Sainte-Marthe, sur une jolie place ombragée du 10e parisien, aux frères Tischenko, travaille en « one man chaud », proposant un menu unique en cinq étapes . Cela fonctionne le soir, plus le samedi midi. Et un public d’afficionados conquis vient se faire fête ici, histoire de goûter aux idées du moment. Tartelette feuilletée et oignons doux avec œufs de truite, mimolette râpée et poutargue, Saint Jacques en coquilles, tomate en pickles, navet, ail confit et dashi font bel effet. Il y a encore l’oeuf parfait sur un lit d’haricots blancs rôtis au miso et beurre, la barbue sauce vierge aux algues nori et shiso, le filet de bœuf Angus, lactaire délicieux et radicchio au jus de viande et beurre à l’anchois. Avant  le crumble mais et sarrasin, crème glacée rutabaga, sauce chocolat au lait et piment fumé. Voilà de la graine de grand chef ou on n’y connaît rien !

Youssef Gastli fait coup double

Youssef Gastli © GP

Youssef Gastli? On l’avait suivi chez Plume dans le 7e, rue Pierre Leroux, où il jouait la cuisine française créative à prix sages. Mais on pensait qu’il avait déménagé. Le voilà faisant coup double, revenant à ses racines, avec une neuve table dédiée à la Méditerranée en général et aux saveurs de Tunisie en particulier. Originaire de Nabeul, à une soixantaine de km au sud de Tunis, formé à l’Institut Bocuse d’Ecully, ayant accompli des stages au Meurice époque Alléno, mais aussi au Crillon, chez Senderens, aux côtés de Jérôme Banctel, il était reparti en consulting dans son pays d’origine en s’imaginant créer une table là-bas. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Youssef est revenu à Paris, créant Plume. Il double aujourd’hui la mise avec Dune, 35 rue des Jeûneurs, dans le  Sentier, près de la Bourse et des Grands Boulevards, juste à côté du Joïa d’Hélène Darroze. La décoration est signée de sa femme, architecte, qui fait des clins d’oeil là à leurs origines communes. La carte virevolte, se propose en petites assiettes à partager, façon « kemia ». Les « vongole » (autrement dit les palourdes) à la kerkennaise (tomate, ail, oignons, huile d’olive, zaatar) sont à tomber par terre, comme la chakchouka au poulpe, la shawarma d’espadon qui font des mets de soleil. Affaire à suivre.

Adieu à Heinz Winkler

Heinz Winkler et la truffe blanche © DR

Il fut, à 32 ans, le plus jeune trois étoiles allemand et, en même temps, le plus jeune trois étoiles italien de son temps. Explication : Heinz Winkler était né en 1949, en Italie dans le Haut-Adige, à Brixen qui se dit aussi Bressanone. De culture germanique, formé en Italie (au Laurin à Bolzano), en Allemagne, en Suisse (au Schlosshotel Pontresina, puis au Kulm à St Moritz) et en France (chez Paul Bocuse), il obtint ses trois étoiles en 1981 au Tantris de Munich où il succéda à Eckart Witzigman. Il y conserva les trois étoiles qu’il transportera dans sa Winkler Residenz d’Aschau en Bavière, superbe Relais & Châteaux avec son aile baroque de 1402, où il pratiquait sa “ cuisine vitale ”, créative, fraîche et légère, avec l’usage mesuré des herbes et des légumes, plus une constante inspiration méditerranéenne. Sa crème de citron au fumet de poisson, sa gelée d’écrevisses à la mousse de fenouil, ses lasagnes à la truffe blanche, son croquant de volaille farci de ratatouille, comme sa selle d’agneau en croûte d’olives révélait d’une précision technique sans faille. La rigueur germanique alliée à la fantaisie italienne : c’était sa marque dans une auberge baroque qui n’aurait pas déplu à Sissi impératrice. Il restera l’un des grands chefs de l’Allemagne du Sud, l’un des pionniers de la grande cuisine moderne mêlant terroir, racines, légèreté et exigence de santé. Il nous a quitté jeudi soir dernier, beaucoup trop tôt. RIP lieber Heinz !

Arnaud Le Levier le retour

Christine et Arnaud Le Levier © GP

Arnaud Le Levier ? On l’a connu au tout début de ce blog, il y a une décennie. Il était alors l’étoile surprise du pays bigouden, proposant une cuisine sérieuse dans un cadre un peu « Club’ Méd ».  Avec son épouse Christine, il voulait changer d’air, histoire de rompre avec les saisons trop courtes. Ils ont passé sept ans au grand duché du Luxembourg,  sur les bords de la Moselle, côté route des vins, chez Gérard Mathès à Ahn. Les voici de retour au pays. Leur maison qui se nommait « Pen Ar Avir », s’appelle désormais « AC Le Levier », « AC » pour Christine et Arnaud, mais aussi pour leurs trois fils qui les accompagnent, César, Arthur et Clovis, et pour qui ils ont accompli ce « retour du pays ». Le lieu avec sa terrasse sur la rivière fait le coup du charme. Et, en cuisine, les moules de Cornouaille avec crème de butternut, le ceviche de vernis des Glénan, la terrine de foie gras à la pulpe de betterave ou les sardines marinées, avocat et wakamé indiquent qu’Arnaud, passé jadis en Allemagne du Nord à Goslar, n’a aucunement perdu la main. Même si le registre maison s’est simplifié et si les burgers côtoient désormais la pêche du jour.

Le Vénitien du Finistère

Matteo Vianello © GP

Matteo Vianello ? On a découvert ce Vénitien, bien né et trentenaire, chez Sellae dans le 13e parisien sous l’égide de Thibault Sombardier. Cet ancien du Jules Verne époque Ducasse et de Thoumieux, sous l’égide de Jean-François Piège, a suivi ici même sa compagne native de Carhaix-Plouguer. Il a créé une demeure contemporaine – Erasmo à Carhaix – où il s’amuse à composer des menus qui donnent toute leur place aux produits d’ici, frottés à la tradition de la Sérénissime. Ainsi, les sardines bretonnes en Saor, en escabèche, avec pignons, vinaigre, oignons, raisins, comme à Venise, la bacala mantecato, autrement dit la morue « montée » en brandade, mais aussi les ravioles d’escargots au bouillon d’ail doux et sarrasin torréfié et les endives grillées, façon chicorée de Trévise, avec bresaola, fromage de Castelmagno, réduction de mandarine, qui composent des entrées à partager de grand goût. On embraie sur le dos de cabillaud à la crème de topinambours, navets daïkon et émulsion de champagne ou encore quasi de veau, gâteau de pommes Anna, poireaux, sauce gribiche. On boit, au verre, le Sofi rouge de Franz Haas dans les Dolomites et on achève sur le tiramisu nouvelle vague avec sponge cake et glace café ou les figues fraîches avec pollen de fleurs et glace à la noix de Sorrento. Viva Italia en Finistère !

A propos de cet article

Publié le 31 octobre 2022 par

Les chuchotis du lundi : Thierry Marx for president, la Food Society est arrivée à Montparnasse, Kevin Gourret perle de Quimper, un galopin nommé Julien Simonnet, Youssef Gastli fait coup double, adieu à Heinz Winkler, Arnaud Le Levier le retour, Matteo Vianello le Vénitien du Finistère” : 3 avis

  • HEPPEL

    Vous progressez sur l’appellation des villages tyroliens, bravo pour Brixen, mais vous insistez sur Bolzano…
    Le Tyrol italien est à 62% germanophone, donc pas de Bolzano, mais Bozen…

  • jluc

    bonjour, merci pour ces télégrammes gourmands

    toujours très heureux de vous suivre écumer la bretagne, dont la scène gastronomique s’est littéralement révolutionnée et dont les inépuisables ressources, animales tant que végétales, continuent à inspirer une jeune génération curieuse et entreprenante, et ce n’est pas terminé!

    toujours aussi surpris cependant de vous voir passer d’une côte à l’autre de cette large péninsule, sans jamais, sauf erreur de ma part, passer par pontivy (ce qui constitue quand même une énigme routière pour quiconque emprunte les routes bretonnes) ni rendre compte de hyacinthe et robert, pourtant bib au michelin, pourtant 14 au g&m, pourtant maison aussi ambitieuse que personnelle, où damien le quillec cuisine très largement au niveau de l’étoile, mais manifestement ne pénètre pas vos réseaux…

    l’en aurait-on exclu?

  • FRANCK

    Bonjour
    Juste une petite remarque concernant Mr Thierry MARX, j’espère qu’il pensera aux conditions de travail des livreurs UBER EATS, la majorité sont des travailleurs sans papier !!!!!!
    En même temps il fait de la pub pour UBER EATS
    Quand on a des convictions , il faut faire attention à son comportement
    Quelle belle avancée sociale , la mutuelle sociale

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