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Les chuchotis du lundi : Israël attend le Michelin, le nouveau défi de Yossi Shitrit, Tel Aviv à l’heure des femmes, David Toutain ouvre Feuille à Hong Kong, Christophe Raoux chef exécutif du groupe Bocuse, Takashi Kinoshita à Meursault, Alexandre Gauthier se déploie à Merlimont, Meurice et Ducasse : 5 ans de plus

Article du 17 avril 2023

Israël attend le Michelin

Haïm Cohen © GP

Depuis que l’on sait que le Ministère du Tourisme Israélien a donné son feu vert (financier) à l’apparition du guide Michelin en Israël, sachant que, dans un premier temps, seule Tel Aviv, avec une participation financière de la ville, serait concernée, la planète des chefs telaviviens s’agite pour savoir qui sera cité et qui aura une ou deux, voire trois étoiles. Pour la 2e étoile, à tout seigneur tout honneur, on songe légitimement au père de la jeune cuisine israélienne, Haïm Cohen, sexagénaire en forme et homme de télé autant que praticien des fourneaux, aujourd’hui au Yafo-Tel-Aviv jadis chez Keren à Yafo. Mais la légitimité a-t-elle encore un sens dans le guide « sans ligne éditoriale » défini ici même la semaine passée par Alexandre Taisne et concernant l’ère Poullenec ? De nombreux jeunes chefs (ou moins jeunes), avec des tables créatives aux additions souvent élevées, se bousculent au portillon et s’interrogent sur leur avenir en rouge et en vert (pour le symbole de l’étoile locavore), car nombre de chefs israéliens nouvelle vague ne travaillent que les poissons de la pêche côtière et les légumes de qualité. Eyal Shani, bien sûr, avec Abraxas et HaSalon, Yossi Shitrit (évoqué ci-après) pour Hiba, Hillel Tavakuli, avec ses idées épicées venues d’Iran, chez Animar, Shirel Berger, petite fée végétarienne chez Opa, le mystérieux et dispendieux OCD de Raz Rahav et son menu de 19 plats, déjà célébré par les 50best, Yuval Ben Neriah, que l’on connut chez Herbert Samuel puis chez Taizu, et qui à l’enseigne de A, prône une cuisine « asiaterranéenne« , sans oublier le wonderboy Tomer Tal chez George and John de l’hôtel Drisco ou encore le cuisinier artiste Moti Titman chez Milgo Milbar, sans négliger Sharon Cohen (Shila et Café Europa), Timna de Nir Mesika et le duo Omer Shadmi Muller et Daniel Zur au Alena du Norman Hotel, HaBasta, près du Shouk HaCarmel, ou encore Brut sur Nahalat Benyamin. Bref, et on en oublie au passage, jamais la scène israélienne n’a été aussi riche qu’en 2023. Le 1er Michelin Israël-TelAviv devrait sortir au printemps de l’an prochain. En revanche, la grande scène de Jérusalem – où règne notamment la bande d’Assaf Granit, Uri Navon et Tomer Lanzmann, chez Mahaneyehuda, mais où Shlomo Gamilieli et Itamar Navon de Mona et Jacko’s Street de Raf Revivo et Zakai Houja ont également leur mot à dire – ne serait concernée que dans l’avenir.

Shirel Berger © DR

Le nouveau défi de Yossi Shitrit

Yossi Shitrit © GP

Yossi Shitrit? On l’avait connu chez Kitchen Market, au dessus du marché du port (le Namal), puis chez Mashya, dans le très design hôtel Mendeli Street, où l’on n’était pas bien sûr que ce jeune homme doué, mué en tête chercheuse de la nouvelle cuisine israélienne, ne mettait pas à côté de la plaque. Le voilà vraiment chez lui, au rez-de-chaussée d’une tour moderne d’un quartier d’affaires, de l’autre côté de Tel Aviv centre, séparé d’un boulevard roulant, mais où il est le voisin, pas immédiat certes, bien qu’en parallèle, de Haïm Cohen au Yafo-Tel Aviv dans sa tour Electra. Sa table à lui se nomme « Hiba » (mot arabe, revendiqué par ce wonder boy de 46 ans aux racines marocaines, qui signifie à la fois « magie » ou « tendresse » ou encore « don de dieu »). Et c’est vrai que cette salle à manger dans les tons bruns où il accueille le soir seulement, avec une cuisine ouverte, possède quelque chose de magique. On vient pour un menu dégustation en une dizaine de séquences où Yossi, ancien élève de l’école Lenôtre, passé au Moulin de Mougins du temps de Roger Vergé, mais aussi chez Daniel Boulud à New York, avant de revenir chez lui en Israël et de devenir un de ses porte-drapeau, fait montre de création à la fois studieuse, mesurée. L’unique menu surprise s’apparente à une cérémonie gourmande où les explications pédagogiques viennent en contre-point des choix éclectiques du malicieux sommelier Ben Levavi. Des clins d’oeil au Proche-Orient en général, à la Galilée, comme comme aux collines de Jérusalem et à la Cisjordanie proche ? Il y a de ça dans cette cuisine d’ouverture, à la fois franco-levantine et enracinée ici même, tout à fait dans l’actualité et bien digne de glaner les étoiles. On vous en dit plus très vite…

Ben Levavi © GP

Tel Aviv à l’heure des femmes

Ayelet Perry © GP

Les cheffes à Tel Aviv ? Elles sont mises en avant avec fierté. Dans une capitale gourmande qui établit ses propres règles, elles règnent sur leur univers avec ténacité. Ainsi, Ayelet Perry, la reine du poisson, chez Cassis, qui ne travaille que la pêche proche du port de Jaffa, et a jadis été formée en Californie, avec Hubert Keller à Fleur de Lys et chez Wolfgang Puck chez Spago. Elle oeuvre en bordure de plage, en limite de Bat-Yam et au sud de TLV, midi et soir, chaque jour que dieu fait. Ainsi encore, Shirel Berger, déjà citée plus haut, végétarienne de choc, qui, d’après Jessy Bodec, meilleur sommelier d’Israël 2015, « accomplit des miracles avec des fruits et légumes« , le soir seulement, chez Opa, près de Levinski Market. Et qui est,  toujours d’après Jessy, « la seule qui fait pourrait décrocher d’emblée une étoile » avec sa cuisine flamboyante et légère. On pourrait citer encore Rima Olvera, américaine mariée à un israélien présente à TLV depuis vingt ans déjà, qui fait florès à l’Oasis sur Montefiore, et vient de  créer, avec succès, un bar à vin très gourmand, à l’angle des rue Nahalat Benhyamin et Levinski : Rehab. Ou, enfin, la toute jeune Naifa Mulla, d’origine druze et révélée par le Top Chef israélien, mise en avant par Moshik Roth, l’ex deux étoiles d’Amsterdam, et qui crée l’événement dans Neve Tzedek, avec une table toute neuve  baptisée à son prénom, en lisière du centre d’art Suzanne Dallal, où elle revoit la cuisine arabe du Proche-Orient avec fougue et talent. On y revient vite. Signe des temps: la maison, ouverte le soir seulement, affiche complet jusqu’en août prochain…

Naifa Mulla © GP

David Toutain ouvre Feuille à Hong Kong

David Toutain et Joris Rousseau © GP

Il sort peu de Paris, a conseillé un temps l‘hôtel Héritage le Telfair à l’ile Maurice, mais reste le plus souvent enraciné dans son 7e arrondissement fétiche, là où il se perfectionna jadis aux côtés d’Alain Passard. Le génial David Toutain, normand de l’Orne, qui fait feu de tout bois rue Surcouf à Paris, se déploie désormais à Hong Kong, avec le groupe ZS Hospitality, dans le quartier d’affaires de Central, au 198 Wellington Street. Son chef sur place ? Joris Rousseau, un homme de confiance, passé chez Yannick Alléno, au Cheval Blanc de Courchevel, mais aussi à Paris chez Ledoyen, puis chez Christophe Bacquié au Castellet qui fera du « Toutain sans Toutain« , mais avec « l’esprit Toutain« , dans le goût locavore, marin et champêtre, utilisant poissons de la pêche environnante et légumes des fermes de l’île de Hong Kong. Ouverture prévue en mai prochain.

Christophe Raoult chef exécutif du groupe Bocuse

Christophe Raoult © GP

MOF voyageur, lauréat de l’épreuve en 2015, formé dans le groupe Ducasse, devenu chef exécutif du Café de la Paix et de l’Hôtel Intercontinental puis du Peninsula, avant David Bizet et après Jean Hurstel, professeur en chef à l’école Ducasse, puis passé en Suisse, côté Genève, au groupe M3, il vient de prendre les brasseries et restaurants du groupe Bocuse avec le titre de chef exécutif.  Il y remplace Eric Pansu, MOF 1996, qui travaille dans le groupe depuis trente ans et prend sa retraite en septembre prochain. La spécialité de Christophe Raoux, confirmant sa réputation de « grand nettoyeur » : la remise au net des classiques de la maison, avec ses talents d’organisateur et de pédagogue qui devrait s’appliquer dans les enseignes du groupe (à Lyon, Annecy, Paris) avec netteté.

Takashi Kinoshita à Meursault

Takashi Kinoshita © GP

Il voulait se rapprocher du coeur de la Bourgogne, de ses voies royales (côtes de Nuits et de Beaune), alors qu’il rongeait un brin son frein à Courban, à l’extrême nord de la Côte d’Or, aux lisières de la Champagne, côté Aube et Haute-Marne, où l’on vient chasser dans les forêts du Châtillonnais, où il avait, très vite obtenu l’étoile. Formé à Tokyo, présent en France depuis plus de quinze ans, Takashi Kinoshita a Å“uvré chez Jean-Pierre Billoux à Dijon, au Pré aux Clercs, où il a appris le français sur le tas, puis chez le MOF Robert Bardot, ex du Flambard à Lille, au Moulin à Huile à Vaison-la-Romaine, est devenu un Bourguignon de classe. Le voilà désormais chef du restaurant la Cueillette au Château de Cîteaux à Meursault. Ouverture prévue de sa table en juin.

Alexandre Gauthier se déploie à Merlimont

Alexandre Gauthier © GP

Et de cinq pour Alexandre Gauthier, qui, après la Grenouillère, la Froggy’s Tavern, l’Anecdote, le Café Grand Place et, bien sûr, la Grenouillère, lance, cette semaine, sa brasserie marine, simplement nommée « Sur Mer », à Merlimont-Plage. Dans cette sage station balnéaire de la Côte d’Opale, sise à 20 minutes de son fief de Montreuil-sur-Mer (Pas de Calais), il révolutionnera l’offre gourmande locale. Au programme : des poissons nobles et moins connus, des coquillages et crustacés, des moules frites, deux viandes tout de même pour les rétifs à la mer, le tout à prix plutôt sages, afin de rallier autant la clientèle locale que les gourmets curieux venus d’ailleurs. Le lieu, avec 120 couverts (dont 60 en terrasse) façon bateau, imaginé dans les lignes futuristes et le style international cher à Le Corbusier devrait être ouvert toute l’année

Le Meurice et Ducasse : 5 ans de plus

Amaury Bouhours au Meurice © GP

Entre le Meurice et Alain Ducasse, l’idylle se poursuit. Franka Holtmann, directrice générale du palace de la rue de Rivoli, qui appartient au Groupe Dorchester, a annoncé la prolongation du contrat liant le grand chef monégasque à la maison dont elle a la charge. Le restaurant deux étoiles, avec aux fourneaux Amaury Bouhours, son annexe plus relaxe, le Dali, le room service, plus la pâtisserie dévolue au maestro sucrée, super-star d’instaram, Cédric Grolet, continue dans la voie déjà fixée. Désormais absent du navire amiral du groupe à Paris, le Plaza Athénée, où officie Jean Imbert, avec ses anciens adjoints Jocelyn Herland et Mathieu Emeraud en cuisine, Denis Courtiade alias « bisouman » en salle, Alain Ducasse insufflera au Meurice sa passion pour la Naturalité. Cuisine d’aujourd’hui et de saison, de la nature et du temps présent : voilà le style maison assigné par AD au Meurice pour les cinq années à venir…

Les chuchotis du lundi : Israël attend le Michelin, le nouveau défi de Yossi Shitrit, Tel Aviv à l’heure des femmes, David Toutain ouvre Feuille à Hong Kong, Christophe Raoux chef exécutif du groupe Bocuse, Takashi Kinoshita à Meursault, Alexandre Gauthier se déploie à Merlimont, Meurice et Ducasse : 5 ans de plus” : 1 avis

  • Benoît

    « La spécialité de Christophe Raoux, confirmant sa réputation de « grand nettoyeur » :La remise au net des classiques de la maison. » Qu’entendez vous par là ? La soupe VGE sera sans foie gras ?

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