Les chuchotis du lundi : Michelin France 2024 : affres et espoirs de l’attente, du côté des deux étoiles, les 3 étoiles et l’année Banctel, Jean-François Piège à Saint-Tropez, qui pour succéder à Eric Frechon? Johan Thyriot écolo drômois, la sensation Hanabi

Article du 18 mars 2024

Michelin France 2024 : affres et espoirs de l’attente

A l’heure où paraissent ces lignes –  une grosse demi-journée et même un peu plus avant la proclamation des résultats – , nul ne sait avec exactitude, du moins en totalité, qui seront les lauréats de l’édition du Michelin France 2024. Choisissant la carte de la distillation au compte-goutte, jouant avec le stress, les attentes, les espoirs, les craintes de toute la profession, le guide rouge a livré la liste de ses chutes, pertes, rétrogradations et suppressions (au nombre de 32), il y a deux semaines déjà et confirmé, samedi matin, ce qui se disait dans le Landerneau gourmand depuis un bon moment : qu’une pluie d’étoiles serait annoncée ce 18 mars. 62 tables seront promues au total (contre 44 en 2023), dont 52 gagnant une première étoile (contre 39 en 2023). Parmi ces 52 adresses, 23 ont ouvert dans l’année et, auraient, selon les inspecteurs, déjà passé le test de la «régularité et de la robustesse».  Certains y voient l’approche des JO qui permettrait de faire de l’édition neuve du guide rouge une démonstration de force éclatante pour la gastronomie française. Cette »générosité » soudaine et apparente tranche avec la pingrerie habituelle du guide concernant le sommet de la pyramide.

Du côté des deux étoiles

Benoît VIdal © GP

Si on s’interroge encore sur les futures deux étoiles (elles devraient être au nombre de huit), on peut annoncer avec quelques certitudes, que Benoît Vidal, en sa nouvelle adresse d’Annecy, devrait retrouver celles obtenues à Val d’Isère à l’Atelier d’Edmond, Christophe Bacquié, dans sa nouvelle maison du Luberon (Mas les Eydins), reprendrait, lui, deux des trois étoiles jadis gagnées au domaine du Castellet dans le Var, tandis que Ronan Kervarrec au Saison de Saint-Grégoire près de Rennes, retrouverait les deux étoiles acquises, il n’y a guère, à l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion, comme d’ailleurs Christophe Cussac aux Ambassadeurs du Métropole de Monaco qui les obtint ici même sous l’étiquette « Robuchon Monaco » et  Sylvestre Wahid aux Grandes Alpes à Courchevel qui les reçut rue Saint-Dominique à Paris, chez Thoumieux. A Paris précisément, Alan Taudon à l’Orangerie du Four Seasons George V, Martino Ruggieri, à la Maison Ruggieri, et  Frédéric Anton au Jules Verne seraient tous trois récompensés. Quid de Sébastien Tantot à la Bonne Auberge de Saint-Jean-aux-Bois (Oise), annoncé comme un outsider sérieux? Ou encore de Sinichi Sato, qui eut jadis deux étoiles au Passage 53 du passage des Panoramas et a créé, avec discrétion et des menus à prix d’or, Blanc rue de Longchamp, dans l’ancien Faugeron qui fut un temps la maison Hiramatsu ? On le saura tout à l’heure.

Christophe Bacquié © GP

Les trois étoiles et l’année Banctel

Jérome Banctel © GP

Si rien n’est sûr et si le Michelin nous annonce quelques surprises de taille, un nom fait l’unanimité de la chronique et des rumeurs : celui de Jérôme Banctel qui, au restaurant le Gabriel de la Réserve à Paris semble au sommet de son art et de son sujet. Nombre de couverts réduit, attachement confirmé à ses racines bretonnes, technique irréprochable et idées uniques qui fusent dans l’air du temps (comme cette magnifique carotte au jus de gingembre acidulé)  : voilà un brillant sujet dont nul ne devrait contester la consécration. A ses côtés et sur la même marche, on nous suggère de toute part qu’un autre cuisinier valeureux, oeuvrant, lui, en province, devrait accéder à l’olympe des trois étoiles. Rappelons ceux que nous citions ici même la semaine passée : Olivier Nasti au Chambard de Kayserberg, manière de panser un tantinet les blessures infligées à l’Alsace depuis la chute de la 3e étoile à l’Auberge de l’Ill en 2019 et les récentes pertes du Cheval Blanc à Lembach et du Buerehiesel à Strasbourg – Michelin, on le sait, a coutume d’habiller Paul pour déshabiller Jacques -, Yoann Conte à Veyrier-du-Lac, récent promu au rang de chef de l’année par Gault-Millau – mais on sait que Michelin n’aime guère se faire brûler la politesse par autrui. Ou encore Hugo Roellinger à Cancale et Mathieu Guibert d’Anne-de-Bretagne à la Plaine-sur-Mer. On oublie au passage Alexandre Gauthier et sa magnifique Grenouillière, que les eaux débordantes de la Canche ont assailli et menacent encore, ou encore Jérôme Schilling, récent MOF, à la Villa Lalique de Lafaurie-Peyraguey, et, bien sûr, Sébastien Faramond qui fait feu de tout bois à la Table de Pavie, signée Yannick Alléno à Saint-Emilion, où nous avons fait l’un de nos meilleurs repas de l’année. Tous ces prétendants sont de haute qualité et leurs maisons touchent le sommet. Le problème est que le Michelin, qui adore ménager les surprises, devrait sortir un nouvel atout de sa manche. On nous promet ainsi une table surprise côté Sud…. Et l’on s’attend à la promotion de Fabien Ferré à la Table du Castellet, qui demeura dix ans ans dans l’ombre de Christophe Bacquié, après ses classes chez Troisgros durant trois ans. Pour ce natif d’Autun en Saône et Loire, âgé de 35 ans, formé jadis aux Terrasses à Tournus chez Jean-Michel Carette puis au Moulin de Martorey, deux ans durant, avec Jean-Pierre Gillot à Saint-Rémy, ce serait une sacrée promotion – passant de zéro étoile en 2023 (c’est la date de sa reprise de la Table du Castellet et la table n’est même pas signalée dans le guide 2023) à trois en 2024 ! Voilà, à l’évidence, un cas unique…

Fabien Ferré © GP

Jean-François Piège à Saint-Tropez

Jean-François Piège au Grand Restaurant © GP

On le voit depuis quelques années en candidat parfait à la 3e étoile. Mais ce ne sera pas encore cette année. En tout cas, Jean-François Piège mène sa barque personnelle avec adresse. Lui, qui fut outsider du Michelin à l’Olympe suprême à l’époque du Crillon puis le chef deux étoiles de Thoumieux, s’est constitué un petit empire de bouche de qualité. Le Grand Restaurant, son deux étoiles, ses bistrots et tables à thème, comme la Poule au Pot, le Clover Grill, l’Epi d’Or, le Clover Gordes (aux Airelles Gordes), le Clover Green, Mimosa, plus le Clover Bellavita à Taïwan, vont s’enrichir d’un petit dernier avec le Jardin Tropezina, la table de plage des Airelles-Château de la Messardière sur la baie de Pampelonne. Au programme une cuisine méditerranéenne à la fois généreuse et légère, simple savante en tout cas inspirée. Ouverture à la fin de ce mois.

Qui pour succéder à Eric Frechon?

David Bizet © GP

On se le demandait  déjà il y a quinze jours : qui peut remplacer Eric Frechon au Bristol ? Son adjoint le MOF Franck Leroy a un an de plus que lui et on peut l’imaginer en chef exécutif assurant, provisoirement, la permanence. Son double à Epicure, la table trois étoiles de la maison, le japonais Shintaro Awa, 38 ans, peut, lui, assurer la transition. D’autres noms continuent de circuler dans le Landerneau parisien. Après celui du MOF Tom Meyer de Granit (qui a démenti), de Virginie Basselot du Negresco, également MOF et ancienne du Bristol sous le label Frechon (cas encore de Yann Maget, qui fait feu de tout bois à Locguénolé), on a évoqué l’hypothèse Alain Ducasse qui pourrait placer là un de ses lieutenants. Ces temps-ci, le nom qui revient le plus souvent est celui de David Bizet, actuellement chef exécutif du Peninsula Paris et titulaire de 2 étoiles à l’Oiseau Blanc, ex du Four Seasons George V avec Philippe le Gendre puis Christian Le Squer, jadis chef à l’Orangerie – toujours au FS George V- , ex, brièvement, du Taillevent, dont le profil sérieux et rigoureux plairait à la famille Oetker, propriétaire du Bristol. On parle également de Glenn Viel,  actuel chef 3 étoiles de l’Oustau de Baumanière et que le propriétaire de la maison, Jean-André Charial, considère comme son fils spirituel. Mais rappelons que Glenn est né à Versailles qui n’est guère loin de Paris et qu’il est devenu, depuis deux ans, l’un des jurés les plus appréciés de Top Chef…

Glenn Viel © GP

Johan Thyriot écolo drômois

Johan Tyriot © GP

Johan Thyriot ? On a connu ce Lorrain tombé amoureux de la Provence à Tarascon, chez MEO, alors qu’il venait d’y obtenir son étoile. Formé à la Chèvre d’Or à Eze-Village, passé chez Michel Bras à Laguiole et après avoir tenu pour lui sa maison sur l’île d’Hokkaido, ce natif de Meuse – à Ligny-en-Barrois – s’est retrouvé aux Cures Marines de Trouville en en conservant l’étoile. Le voilà désormais  dans la Drôme, près de Montélimar, aux fourneaux et à la direction du domaine du Colombier de Malataverne. Il y joue le locavore avec brio, les produits de la Drôme provençale en majesté, l’huile d’olive d’ici, l’agneau du Tricastin, la truffe de Richerenches, le picodon comme les poissons du Grau du Roi, et surtout les légumes de son potager bio et les poivres rares dont il assaisonne tous ses mets. Un menu chez lui est un voyage au coeur des choses, une balade buissonnière, un itinéraire de goût. Au Michelin, il vise avec évidence l’étoile verte, celle de l’écologie raisonnée.

La sensation Hanabi

Robert Sanchez avec John & Damian © GP

C’est la nouvelle sensation fusion à Paris : Hanabi, ou feu d’artifice en japonais, dans un hôtel appartenant au groupe « Adresses Hotels » des Saltiel dont on connaît au moins, Monsieur Georges près des Champs-Elysées et La Ponche à Saint-Tropez (veillés par le chef Thomas Danigo). Ce petit 5 étoiles de charme, sis entre Opéra et Bourse, au 17 rue du 4 septembre à Paris 1er, se nomme « Hana ». Il a été décoré avec soin et des idées de déco orientaliste par Laura Gonzalez. Et côté cuisine, le concept a été mis en place par Shirley Garrier de The Social Food, photographe culinaire et styliste pleine d’idées qui mixe ici traditions japonaises et françaises. Le trio de cuisine très performant, avec Robert Sanchez, d’origine péruvienne, qui a notamment travaillé avec Guy Martin au Grand Véfour et Eric Frechon  au Bristol, et ses adjoints, le chilien John, le polonais Damian, travaillent en cuisine ouverte à produire des assiettes à la fois savoureuses, surprenantes, étincelantes.

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Publié le 18 mars 2024 par

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