Rino
« Rino (Paris 11e): je vous écris d’Italie »
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C’est d’une Italie un peu française, que je vous écris. D’autres que moi ont contribué à créer le buzz autour de cette petite adresse un brin magique du nouveau 11e qui mange, mini par la taille, grande par la qualité. Rendons hommage à mon confrère en blog, Bruno Verjus, de Food Intelligence (nous fûmes jadis un peu cousins à la mode de Bretagne, mais c’est une histoire familiale un peu compliquée) et qui fut présent à son premier service ! Goûtant ainsi les toutes premières créations de Giovanni Passerini, ex second de Peter Nilsson à la Gazetta, proche du Marché d’Aligre.

Service en terrasse © GP
Giovanni, dit Rino, s’est donc lancé seul ou presque, avec sa cuisine placard apparent(e), ses quelques tables et banquettes, son non-décor, sa terrasse d’été, son serveur natif des Pouilles qui conte les menus du jour. Le midi, on est entre 18 et 22 (la complète avec 3 plats) €. Le soir, c’est ou 38 (4 plats) ou 50 (six plats) €. Je me suis rallié à la première formule du soir, et pour un tour de la question, ce fut cinglant et probant. Bruno parle de « Rino Féroce ». Joli pour le jeu de mots. J’ajouterai que la précision des goûts, la justesse des saveurs, le millimétrage des cuissons sont au rendez-vous. Et qu’on n’est guère ici dans le bistrot, malgré les apparences, même dans le gastro, vifs, judicieux, qui crée et recrée sans complexe à partir des idées et du marché du jour. Tendre Rino, séducteur et habile, autant qu’agile…
Rino/Giovanni, qui est Romain d’origine et n’a pas perdu son bel accent, cuisine à l’italienne au fil du marché voisin (celui d’Aligre) avec ses saveurs et ses idées à lui. D’où ces mini raviolis d’aubergines à tomber par terre avec ses petites sardines de Méditerranée, son jus limpide, son rien d’oignon rouge. Qu’un petit chardonnay/aligoté du Val de Saône relève à pic (mais il y aussi un joli blanc du Piémont, sans doute plus alcooleux, servi au verre en contrepoint).
Ensuite? Le cabillaud pilpil avec tomate et basilic sa crème émulsionnée à la consistance de mayonnaise, son blanc de poisson extra-frais, qui s’effeuille sous la fourchette, le jus allongé à l’huile d’olive, plus les petits haricots blancs, cueillis le matin même au marché d’Aligre, mais qui font songer aux haricots Zolfino toscans, servis en tout cas, craquants, joliment « al dente ».
J’ajoute le morceau de veau servi rosé, en limite de la sous-cuisson, avec sa très fine mousseline de citron confit, sa tendreté parfaite, ses quelques légumes racines bien à propos. Plus le joli dessert très travaillé, unissant pêche joliment pochée à la cannelle, glace au lait et pain perdu. Du travail d’artiste, de ciseleur zélé, sans nulle esbroufe. De l’esquive, de l’adresse, du funambulisme, du respect du produit, du doigté, de la légèreté: voilà ce qu’on trouve là, dans le goût de ce que sert la jeune cuisine montante du moment, sous le sceau et le panache de Pascal Barbot à l’Astrance, de Jean-Luc Rabanel en son atelier d’Arles ou encore de Christophe Pelé à la Bigarrade et, bien sûr, Adeline Grattard au Yamtcha, du « laissez moi faire », au gré du marché et de la saison. Qui peut être barbant ou passionnant. Et qui est ici fin, vif, léger. Juste de ton.
Pas de carte écrite, donc, des mets changés chaque jour, oubliés le lendemain et la semaine suivante, et une ardoise tout de même ici, qui donne le ton d’un lieu à part. Plus l’accent chantant de l’Italie heureuse qui nous agrippe et nous séduit, sans jamais forcer le ton. Bref, bien difficile de ne pas aimer Rino.
Epoustouflant, mais préférer le soir, rapport qualité-prix. On reconnait la patte « gazetta » dans ce qu’elle a de meilleur. Inconditionnel du palais de Gilles Pudlowski, j’en viens à tirer mon chapeau à Bruno Verjus pour les siens aussi (voir également « Qui Plume la Lune »). Merci à vous deux des beaux moments que vous nous faites partager.