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Les chuchotis du lundi : ceux qui tirent leurs marrons du feu, Stéphane Courbit rachète Ladurée, Stéphane Froidevaux redonne (enfin) une étoile à Grenoble, Giuliano Sperandio doit booster le Taillevent, Guy Savoy et Patrick Roger fêtent Pâques, prières pour Shalom Kadosh, Didier Aniès à Glion

Article du 29 mars 2021

Ceux qui tirent leurs marrons du feu

Le duo de Selva, Felipe et Hugues, avec leur ceviche © GP

Il y a ceux qui vont mal, s’interrogent dans l’angoisse sur la réouverture des restaurants (on parle désormais de mi-juin), envisagent l’avenir avec pessimisme, mettent la clé sous la porte, et ceux qui prennent l’initiative d’aller de l’avant. En temps de pandémie galopante et de fermeture obligée, de click & collect et de livraison à domicile, jamais les nouvelles enseignes de cuisine étrangères n’ont ainsi autant fleuri à Paris sur le mode de la street-food soignée, de l’exotisme bien tempéré, du professionnalisme en version assouplie et mobile. Des exemples? Les propositions libanaises de Ya Bayté signée Imad Kanaan de Hébé ou de Saj- la galette libanaise revue par Alan Geaan, les saveurs amazoniennes de Selva selon le chef colombien Felipe Camargo, ancien de chez Gaston Acurio chez Manko, et son partenaire français Hugues Chevallereau, fortiche sur le bel usage du ceviche et du « riz chaufa » avec son « aeropuerto » de porc croustillant, les délices vénézuéliens de Mikopuy du chef Maxim Godigna et ses empanadas au maïs ou encore la cuisine algérienne régionale (notamment celle d’Oran et d’Alger) revisitée avec brio sous le nom de « Mama Nissa » par la jeune Hanane Tancrede, ancienne de l’Essec, décidant de changer de vie en retrouvant le livre de recette de sa mère Anissa. Toutes ces initiatives sont bien le signe d’un renouveau. Comme ces « gastros » revenant à la cuisine de leurs racines ou celles de leurs chefs : la Loge Thélème, annexe de la Scène Thélème, se muant en « Omu Rice » à la japonaise dont nous parlions la semaine passée, comme l’équipe bretonne des Canailles du 9e se livrant à la soupe miso et au chirashi, en suivant la ligne de leur second nippon. Ou encore l’audace de Enrico Bertazzo, brillant chef-patron des Affranchis (9e) et de l’Entredgeu (17e), formé à l’Atelier Robuchon et à l’Ambroisie, se souvenant de ses racines padouanes et de ses années d’apprentissage chez Gianfranco Perbelllini à Isola Della Scala près de Vérone, lançant une offre à domicile (Dariole), 100% italienne et 100 % authentique avec brio. On vous en reparle vite. Notre confrère le Figaro-Magazine vient, en tout cas, de titrer, sur le même thème, ces trentenaires qui défient la crise, citant ainsi les initiatives d’Alexia Charraire (les Vergers Saint-Eustache), reine des fruits et légumes à Rungis, qui a créé ses Paniers Mixtes pour les particuliers, Juan Arbelaez , qui vient de racheter, à la barre du tribunal de commerce, le très tendance « Ma cocotte », décoré par Philippe Starck, aux puces de Saint-Ouen, avec son associé Benjamin Patou, enfin le duo conquérant de Big Mamma, Victor Lugger et Tigrane Seydoux, qui ont lancé Napoli Gang, recrutant 80 salariés pour l’occasion livrant quelque 2000 pizzas par jour. Il semble que la crise sourit aux audacieux…

Alexia Charraire et son « panier mixte » © GP

Stéphane Courbit rachète Ladurée

Ladurée à Megève © GP

C’est le rachat de prestige du moment dans l’industrie gourmande. Après une négociation express, Stéphane Courbit, que nos lecteurs connaissent bien pour le rachat des Airelles à Raymonde Fenestraz à Courchevel et le groupe hôtelier de Lov Collection, a racheté Ladurée. Cette grande maison pâtissière, employant 1760 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, accuse 10 millions d’euros de pertes et ne devrait pas rouvrir son magasin-salon de thé situé sur les Champs-Elysées, fermé depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Outre sa maison historique de la rue Royale à Paris, Ladurée détient 60 magasins en Europe, 22 en Asie, 12 en Amérique du Nord et 9 au Moyen-Orient. Pour reprendre cette belle entreprise à l’image de marque mondiale, on pensait à divers entreprises de luxe et passionnées par la gourmandise, comme le groupe Barrière, Accor et le Duff.  C’est finalement Stéphane Courbit (Lov Group, Banijay, Betclic, Les Airelles) qui a décroché la timbale, empochant 80 % du groupe, les 20% restants demeurant à la famille Holder (Paul, Saint-Preux), qui détenait la maison depuis 1993. Outre son empire dans la production audiovisuelle (Banijay, qui compte 120 sociétés présentes dans 22 pays et produit des programmes populaires comme Koh-Lanta, Touche pas à mon poste, Black Mirror ou Masterchef), Stéphane Courbit est à la tête d’un groupe d’hôtellerie de luxe, les Airelles, qui comporte, outre sa demeure éponyme à Courchevel (où Pierre Gagnaire signe la carte de Piero), La Bastide à Gordes (avec le Clover Gordes de Jean-François Piège), Mademoiselle à Val d’Isère (dont la première carte était signée Hélène Darroze), le Pan Dei Palais (avec le Dolceva), le château de La Messardière à Saint-Tropez, sans omettre la trattoria Zetta signée, comme le Dolceva, Marco Garfagnini, et doit ouvrir Le Grand Contrôle, établissement de grand luxe de 14 chambres, dans l’enceinte du Château de Versailles, avec Alain Ducasse. Classé à la 74e place des plus grosses fortunes professionnelles françaises du classement annuel de Challenge, avec 1,2 milliard d’euros, Stéphane Courbit  va désormais pouvoir faire connaître les créations de Ladurée dans tous ses établissements. Rappelons que Julien Alvarez, l’ex chef pâtissier du Bristol, est devenu tout récemment le chef exécutif de la maison Ladurée. Une bonne manière de redonner un coup de nerf, de jeunesse et de prestige à une maison qui, jusqu’ici, avait surtout misé sur le concept macaron de luxe.

Stéphane Froidevaux redonne (enfin) une étoile à Grenoble

Stéphane Froidevaux © DR

Le Michelin avait il oublié Grenoble? Après plus de trente ans de disette étoilée, voilà enfin une table couronnée au guide : celle de Stéphane Froidevaux, installé depuis quatorze ans déjà dans l’ancien musée du peintre Fantin-Latour, avec sa partie brasserie, sa partie gastronomique, ses fantaisies gourmandes. Stéphane, natif de Montbéliard, passé plus de huit ans chez Marc Veyrat, à Annecy, Veyrier et Megève, a trouvé sa voie dans une cuisine spontanée et des saisons, avec le beau jardin potager ordonné dans  le parc de sa maison par son frère Mickaël. 14 ans pour obtenir une étoile, c’est long, surtout lorsqu’on fut longtemps le second d’un trois étoiles – d’autant qu’il obtint assez vite une étoile jadis à l’Antidote de Monetier-les-Bains. 30 ans pour une grande ville comme Grenoble, où Jo Rostang, le père de Michel et de Philippe, régna jadis depuis le faubourg de Sassenage, c’est plus encore. Comme le dit le Dauphiné Libéré, Stéphane Froidevaux a mis fin à 30 ans de malédiction grenobloise.

Giuliano Sperandio doit booster le Taillevent

Giuliano Sperandio © DR

Il est né à Imperia en Ligurie, il y a 38 ans, a travaillé en Toscane au Pellicano de Porto Ercole, à la Terrazza à Rome et à la Siriola à San Cassiano, mais s’est fondu avec aise dans la grande cuisine française, pratiquant des maisons fameuses, comme Gagnaire, en tant que commis pâtissier, au Chiberta ou  Ledoyen (côté banquets), sans omettre de travailler douze ans dans l’ombre de Christophe Pelé, ouvrant avec lui la Bigarrade et le secondant au Clarence. Jouant désormais le premier rôle, choisi par les frères Gardinier, pour succéder à Jocelyn Herland au Taillevent, « mixant le registre de la grande cuisine française tout en l’inscrivant dans une modernité affichée et une impertinence assumée« , Giuliano Sperandio a pour mission de le booster, sans oublier les plats de tradition de la grande maison de la rue Lamennais (comme le fameux cervelas de fruits de mer initié ici par Claude Deligne) qu’il reverra à sa manière. « J’ai un rôle de transmission : rendre hommage aux grands chefs qui ont fait l’histoire du Taillevent (comme Alain Soliveres et son risotto d’épeautre, pour lequel un clin d’oeil est prévu), mais surtout asseoir le Taillevent dans son temps et déjà penser à ce qui sera ma succession« .

Guy Savoy et Patrick Roger fêtent Pâques

Guy Savoy et Patrick Roger fêtent Pâques © DR

« Œuf et printemps en gelée – Purée de petits pois et œuf mollet bio, gelée de légumes, légumes croquants (asperges, fèves, mini-poireaux, petit-pois), condiment oignon/estragon. Paleron de boeuf autour de Pâques – Paleron braisé, jus de boeuf au chocolat 100 % Grand Caraque, demi-sphères garnies d’une ganache au chocolat Patrick Roger pure origine Madagascar, carottes multicolores et polenta. Paris-Londres – Mousse de tatin de pommes au thé Darjeeling, crème chantilly à la vanille et pâte sucrée – Création signée Guillaume Godin. Orangette à partager Patrick Roger Orange confite enrobée de chocolat noir Patrick Roger pure origine Madagascar.  » Signe que le confinement donne de belles idées : voilà le menu imaginé en duo par le trois étoiles amateur d’art et pensionnaire de l’hôtel de la Monnaie, Guy Savoy, avec son ami le chocolatier-sculpteur Patrick Roger. Ces deux amoureux des bonnes choses au tempérament artiste proposeront cette « fête de Pâques » les 3, 4 et 5 avril, au tarif de 150 € l’unité. A commander en avant-première cliquant .

Prières pour Shalom Kadosh

Shalom Kadosh © GP

Il est, depuis quatre décennies, l’homme qui a réconcilié cuisine gastronomique et principes de diététique religieuse  en Israël, le « Bocuse casher », qui n’a cessé d’établir des ponts entre les chefs français et le pays où, selon la bible, « coule le lait et le miel« . Exerçant son art au Leonardo Plaza à Jérusalem, mais aussi, membre du club des « Chefs des Chefs », au service du président de l’Etat d’Israël, il est un symbole de paix et d’amitié. D’ailleurs son nom le dit : Shalom signifie « paix » et « Kadosh « saint ». Or, c’est cet homme de paix qui a été lourdement agressé la semaine passée devant une station de service de Jérusalem, par un individu qui venait de lui arracher son portefeuille, alors qu’il se rendait au mariage de sa fille. Shalom Kadosh est actuellement hospitalisé à l’hôpital Hadassah d’Ein Kerem. Tous nos voeux de bon rétablissement, toutes nos prières, en ce début de la Pâque juive, l’accompagnent.

Didier Aniès à Glion

Didier Aniès © GP

On avait laissé Didier Aniès à Monaco, où il gérait 110 personnes, au Fairmont Monte-Carlo, et mettait en place le Nikki Beach, sur une terrasse « bling bling ». Le voilà devenu chef exécutif de l’Institut de Glion en Suisse, au nord du Léman. On sait que la Romandie raffole des MOF français, comme l’Ecole hôtelière de Lausanne, qui en a accueilli sept en tout, dont Philippe Gobet MOF 1993 ex chef exécutif de l’EHL qui a passé le flambeau à Christian Segui, MOF charcutier-traiteur 2011,  Michel de Matteis MOF 1991, venu du Royal Palm à l’île Maurice, Fabien Pairon, MOF charcutier-traiteur 2011, Thomas Marie, MOF boulanger 2007, Julien Boutonnet, MOF pâtissier-confiseur 2015, et le dernier venu, Thomas Fefin, MOF maître d’hôtel 2019. MOF 2000, Didier Aniès, natif de Limoux dans l’Aude, passé chez Issautier à Saint-Martin-du-Var, au Palais Maeterlinck à Nice, au Royal à Mandelieu, au Cagnard à Cagnes, à La Coupole de l’hôtel Mirabeau à Monaco avant de demeurer dix ans à la direction des fourneaux du Grand Hôtel du Cap-Ferrat. A Glion, il prend la place de Benoît Carcenat, MOF 2015 et, ancien sous-chef du restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, et il rejoint Chantal Wittmann, l’une des rares femmes MOF  de la promotion 2011 dans la catégorie maître d’hôtel.

A propos de cet article

Publié le 29 mars 2021 par

Les chuchotis du lundi : ceux qui tirent leurs marrons du feu, Stéphane Courbit rachète Ladurée, Stéphane Froidevaux redonne (enfin) une étoile à Grenoble, Giuliano Sperandio doit booster le Taillevent, Guy Savoy et Patrick Roger fêtent Pâques, prières pour Shalom Kadosh, Didier Aniès à Glion” : 9 avis

  • Memmi

    Bravo j ai beaucoup aimé votre article…

  • Cher Gilles,

    Te voila une bonne raison pour venir faire un tour au bord du Léman et nous rencontrer à l’Ecole hôtelière de Lausanne une fois la Covid derrière nous.
    Amicalement,
    Philippe Gobet
    Ambassadeur de l’Excellence Group EHL

  • Milopoulos

    Pas mal..intéressant

  • C’est corrigé! Merci de nous lire…

  • Lecomte

    Première fois que je prends le temps de lire ces articles.
    Bravo, très instructif. Concis, info intéressantes.
    J’habite à 50 mètres du Taillevent ….
    Carte alléchante mais prix prohibitifs.!
    Par contre le petit frère le 110 toujours très agréable à fréquenter.
    Merci à tous

  • CEDRIC BOURASSIN

    Bonjour M.Pudlowski,

    M.Gobet est Ambassadeur de l’Excellence pour le groupe EHL.
    Cependant le chef du Berceau Des Sens c’est Moi! 😉

    Le chef Executif du groupe EHL s’appelle Christian Ségui MOF charcutier/traiteur

    merci et excellente journée

  • Valérie Vrinat

    Bonjour Gilles,
    Dans l’article concernant l’arrivée de Giuliano Sperandio au Taillevent, il ne s’agit pas du risotto d’épeautre d’Alain Senderens mais d’Alain Solivérès.
    Amicalement
    Valérie

  • Merci pour la précision!

  • Durand Anthony

    Bonjour À vous,

    Concernant le dernier article il s’agit de Christian Segui et non Philippe.

    Belle journée

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