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Les chuchotis du lundi : Tournadre jette l’éponge, en piste pour Demczyna, une terrasse pour l’Atelier Robuchon, les succès de Manoj Sharma, le tournant des Caudalies, l’au-revoir à Edgard, Gomez la boule à zéro, Mazzia lance Rio, Nicole et Gagnaire au Majestic

Article du 13 juillet 2020

Tournadre jette l’éponge

Gilles Tournadre © Maurice Rougemont

Encore un deux étoiles qui jette l’éponge et abandonne la piste aux étoiles. Après Yoann Conte, qui a fermé sa grande table, durant l’été, au profit d’une gastronomie plus relaxe à Veyrier du Lac, près d’Annecy, Didier de Courten à Sierre côté Valais , la Green House de Londres où s’illustra jadis le français Arnaud Bignon, Alexandre Bourdas, bien sûr, qui a transformé son Saquana d’Honfleur en table à sushis, voilà son voisin Gilles Tournadre, star de Rouen depuis un quart de siècle et affilié aux Relais & Châteaux, qui met fin à sa longue période étoilée. Le motif ? Une fatigue générale et une aspiration à une certaine forme de sagesse et de sérénité. A 65 ans, le grand Gilles a décidé de renoncer aux angoisses qui précèdent les annonces de promotions ou de retraits, lui qui a toujours échappé à la vague médiatique des rumeurs en tout sens. « C’est du stress continuel. Lorsque l’on est consciencieux, on craint de perdre ses étoiles à tout moment… »  Il a décidé de s’en préserver en interrompant, fin décembre, la formule actuelle et de repartir avec une nouvelle carte moins chère et moins ambitieuse. Toujours présent dans plusieurs bistrots de la ville (la Place, Gill côté Bistrot, le 37), il devrait ouvrir prochainement, avec son partenaire Philippe Coudy, une nouvelle table dans l’historique Aître Saint-Maclou, un extraordinaire patio médiéval abritant l’ancien charnier de la ville.

En piste pour Demczyna

Gatien Demczyna © GP

Il fut le chef deux étoiles le plus discret de Courchevel, au Montgomerie du K2 Altitude. Gatien Demczyna, nouveau maestro du Couvent des Minimes à Mane en Luberon, où il a remplacé Jérôme Roy, reparti pour sa Touraine natale, il a l’ambition de retrouver la même distinction au Cloître, la table étoilée du lieu. Ce timide qui se soigne, né à Lyon, né dans une famille de charcutiers-traiteurs, passé sous l’égide de Nicolas Sale au Castellet au Beaucet, puis aux Pêcheurs à Antibes, est un orfèvre des assiettes architecturées, mettant en valeur le produit de haute tenue. Sa table gastronomique n’ouvre que fin juillet, mais son talent est déjà là, indéniable, transparaissant aussi au bistrot maison dit « le Pesquier » que dans sa future table qui se rode, avec l’artichaut violet en jeux de textures, relevé d’un jus de coquillages au safran de Forcalquier, ou le ris de veau et la berce, avec la tête et le pied de veau en cylindre croustillant, plus une piémontaise de légumes au jus acidulé. La botte secrète de la demeure? Un pâtissier hors pair, d’origine ligure, Alessandro Parodi, passé  chez Norbert Niederköfler, le 3 étoiles de l’Italie du Nord, côté Haut Adige, le St. Hubertus de San Cassiano, dont l’abricot du Luberon au naturel et lacto fermenté, avec sa glace au mascarpone et miel de châtaignier, constitue un chef d’oeuvre provençal de haute volée.

Une terrasse pour l’Atelier Robuchon

En terrasse chez Robuchon © GP

L’un des effets bénéfiques du récent déconfinement à Paris? La possibilité pour beaucoup de belles tables, qui n’en possédaient pas, de créer une terrasse, quitte à empiéter sur les trottoirs et sur la rue, avec l’assentiment express de la mairie de Paris. Parmi les deux étoiles, le premier « Atelier de Joël Robuchon », sis au pied de l’hôtel Pont Royal, au cœur de Saint-Germain-des-Près, et dirigé par le dynamique Axel Manès. La maison fait le plein à Paris sans discontinuer en ce début d’été si curieux pour la restauration  parisienne. Tandis que les palaces ferment, faute de touristes, ce Belge bondissant au franc sourire à la Jean-Claude Vandamme fait un tabac justifié avec une clientèle de gourmets qui dépensent sans trop compter, même si les prix ont baissé et si les menus du déjeuner offrent des alternatives raisonnables.

Les succès de Manoj Sharma

Manoj Sharma chez Sir Winston © GP

Il a créé l’événement de ce début d’été à Paris, en reprenant les fourneaux de l’ex pub Winston Churchill, près de l’Etoile, devenu Sir Winston, sous la houlette du groupe Bertrand. Le cadre, signé Laura Gonzalez, évoque Bombay Brasserie à Londres. Manoj Sharma, natif de Delhi, qui a travaillé chez Amaya des soeurs Panjabi et au Rasoi de Vineeth Bathia, deux tables indiennes étoilées à Londres, a imaginé une carte qui fait resurgir la nostalgie de l’empire des Indes, avec des chutneys de rêve, un naan croustillant, des plats à partager style « tali » et des fish & chips pour amoureux de Brighton. Mais, parallèlement, Manoj le magnifique, qu’on vit il y a peu chez Desi Road, MG Road ou au Shirvan Café Métisse pour Akrame, continue de veiller, dans le 15e, sur Seoul Mama la table créée avec sa coréenne épouse Sangmi Lee qui propose des mets épicés de haute tenue à tarifs très cléments dans un univers relax. Une formule qui pourrait faire des petits…

Manoj Sharma devant Seoul Mama © GP

Le tournant des Caudalies

Les Etangs de Corot © DR

Les Cathiard-Tourbier, qui ont un pied dans les vignes de Pessac-Léognan (le Château Smith Haut Lafitte,c’est eux), l’autre dans les pépins de raisins destinés à la remise en forme (Caudalies, c’est eux aussi) ont vendu leur demeure de proche banlieue parisienne (les Etangs de Corot de Ville d’Avray) au groupe hôtelier rennais Beautiful Life Hôtels pour se recentrer sur les vignobles : ils possèdent toujours leur premier « Caudalies » avec sa table deux fois étoilée, son spa et son bistrot-pressoir près de Bordeaux et de leur château des Graves, mais surtout il devraient ouvrir très bientôt un nouvel hôtel-château doté d’un spa Caudalies à Cheverny côté Val de Loire. Le chef Rémi Chambard, qui a vite gagné une étoile au restaurant dit le Corot (actuellement fermé) à Ville d’Avray, veille toujours sur les destinées culinaires des Etangs, avec le bistrot maison et la guinguette de bord d’eau, les Paillotes.

L’au-revoir à Edgard

Edgard Bovier © GP

Il a tiré sa révérence au Lausanne Palace la semaine passée, se replie sur ses terres du « pays d’en haut », à Rougemont, où il tient le Cerf, en lisière de Gstaad et de l’Oberland bernois,et s’apprête à diriger la cuisine de l’Hôtel de Rougemont & Spa, que doit diriger son ami Jean-Jacques Gauer, ex directeur du Lausanne-Palace et ancien président des Leading Hotels of the World. Edgard Bovier était devenu le plus niçois des cuisiniers helvètes. Valaisan conquérant, qu’on découvrit jadis à l’Ermitage de Kusnacht, sur le lac de Zurich, sous l’égide de Dominique le Stanc, alors au Negresco, après le Château Eza et la Meranda, était devenu le cuisinier suisse voyageur, l’amoureux des saveurs du Sud et de la Méditerranée, tout en défendant et valorisant les produits de son pays. Un fromage d’élite comme l’Etivaz, produit près de Château d’Oex, en chaudron de cuivre, un blanc dezaley « chemin de fer » de chez Massy à Epesses issu de chasselas, au coeur pays vaudois côté Lavaux étaient devenus les chevaux de bataille de ce généreux qui donnait des repas de charité contre le cancer avec ses amis et voisins Frédy Girardet et Franck Giovannini de l’hôtel de ville à Crissier. Son sourire jamais figé et son énergie bondissante sont les marques de ce jeune « pré-retraité » de 65 ans, qui a encore bien des combats à mener et marquera des générations de gourmets amoureux de la Suisse. Son successeur, on le sait, à sa table étoilée (revue de Table d’Edgard en Table du Palace) n’est autre que Franck Pelux, qui, relayé en salle par sa compagne Sarah Benahmed, que l’on vit au Crocodile strasbourgeois, aura pour mission, dès le 1er septembre, de faire au moins aussi bien que son prédécesseur.

Guillaume Gomez la boule à zéro

Guillaume Gomez la boule à zéro © DR

Miracle de la semaine passé : Guillaume Gomez, le si médiatique chef MOF de l’Elysée est revenu à son look initial de la boule à zéro. Le motif de cette métamorphose, après plus de six mois de look chevelu : il a offert sa crinière à l’association « falk hair don’t care« , qui oeuvre en faveur des dames atteintes de cancer fournissant, des perruques de qualité en sur mesure. On connaît la générosité légendaire du cuisinier présidentiel qui n’hésite jamais à payer de sa personne pour les bonnes causes. On se permettra de souligner que ce retour en arrière façon « rasage » de près lui va fort bien et colle comme un gant à sa flamboyante énergie combattante.

Alexandre Mazzia lance Rio

Alexandre Mazzia © DR

Il avait créé Pointe Noire, place des tanneurs, au cœur du vieil Aix, en souvenir de ses origines africaines (il est né au Congo, où son père était négociant en bois exotique). En lieu et place de cette enseigne nostalgique, Alexandre Mazzia, le cuisinier artiste de Marseille, crée Rio, entre brasserie et street food, avec la complicité du chef Philippe Sublet.  Ce vieux renard des fourneaux, ayant fait ses armes au Gavroche à Londres du temps d’Albert Roux et au Crillon époque Christian Constant, va y proposer des plats méditerranéens, volontiers relevés et épicés, comme la galette de socca au yaourt et au gingembre, le tempura de fleur de courgette à la tomate et galanga ou le tartare de cou de cochon ibérique aux noisettes torréfiées, câpres et glace moutarde. Déco colorée, prix sages, ambiance douce.

Nicole Rubi et Pierre Gagnaire au Majestic

Nicole Rubi et Pierre Gagnaire © Jean-Michel Sordello

Exit la Petite Maison de Nicole qui a déménagé récemment du Majestic Barrière pour s’installer en version XXL dans l’enceinte du nouveau Palm Beach de Cannes. Place, désormais, à « Paradiso Nicole et Pierre ». Nicole Rubi, dont la Petite Maison niçoise est légendaire, est demeurée fidèle au palace cannois en signant avec Pierre Gagnaire qu’elle affectionne la carte de cette nouvelle table qui prend ses aises jusqu’à la terrasse et autour de la piscine, rendant hommage au cinéma, comme à la cuisine soleil de la Riviera et de la riante Italie. Ambiance garantie. À suivre prochainement.

Les chuchotis du lundi : Tournadre jette l’éponge, en piste pour Demczyna, une terrasse pour l’Atelier Robuchon, les succès de Manoj Sharma, le tournant des Caudalies, l’au-revoir à Edgard, Gomez la boule à zéro, Mazzia lance Rio, Nicole et Gagnaire au Majestic” : 3 avis

  • Manon

    Je parle de la terrasse atelier robuchon

  • Manon

    Après des années sans y retourné,c’est absolument épatant ce qu’ils en ont fait, c’est un nouveau restaurant, bravo au blog et au guide Michelin sortir dans un deux étoiles sans être une vache à lait c’est sensationnelle

  • * 1 Anonymous

    Aucune cuisine ne vous excite aussi fascinante que la cuisine Français,… vous savez que tout le monde tire de l’eau à leur propre moulin penserait que quelqu’un ,.. O_o.. Mais je dis-le parce que je ne suis pas Français ,.. mais italien,.vivre la cuisine Français,.. les meilleurs au monde.

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