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Le Pré Catelan

« Paris 16e: la magie du Pré Catelan »

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Article du 27 mai 2011

Jean-Jacques Chauveau au service © GP

Il y a la magie du bois de Boulogne, sa verdure, son parc dédié à Théophile Catelan, capitaine des chasses de Louis XVI. Lieu de promenade champêtre à la fin du XVIIIe, ravagé par les Prussiens qui y établissent leur camp en 1815, laissé à l’abandon durant plusieurs années, il est rénové par Napoléon III, qui, admirant les parcs anglais, charge le Baron Haussmann d’en faire un parc paysager ouvert au public. Haussmann fait appel à l’ingénieur Davioud et à l’architecte Alphand pour créer allées, lacs, cascades, bancs, réverbères, fontaines, chalets.

Frédéric Anton © Maurice Rougemont

En 1855, Nestor Roqueplan, administrateur de l’Opéra Comique et des Variétés, implante, au milieu des pelouses et des massifs de fleurs, un buffet, que complète restaurant, laiterie, théâtre de verdure, salle de concert, fontaine de verre et aquarium. Mais l’histoire de notre restaurant moderne débute en 1905, avec l’architecte Guillaume Tronchet se voit confier par la Ville de Paris la construction d’un casino-restaurant de luxe qui s’inspire des folies du XVIIIe. Les rotondes s’ordonnent selon une symétrie classique. Pilastres, colonnes et balustres ornent les façades blanches, des groupes d’anges sculptés et des vasques garnissent les terrasses fleuries de l’étage.

La salle à manger © Maurice Rougemont

Léopold Mourier, propriétaire du Fouquet’s, des Cafés de Paris  et du Pavillon d’Armenonville, le reprend en 1908 et en fait l’un des endroits les plus courus de Paris. Le vestibule en rotonde, orné de motifs allégoriques en stuc, donne sur l’actuel salon d’honneur qui occupe toute la longueur du bâtiment. Face aux larges baies vitrées, des miroirs à cabochons renvoient l’image des jardins. Dans la salle à manger, qui abrite le restaurant d’aujourd’hui, Caran d’Ache dessine et Badin sculpte les frises ornant les plafonds et les bas-reliefs au dessus des portes : jeux d’enfants, angelots, scènes de chasse.

Le sourire du voiturier © Maurice Rougemont

A la mort de Mourier, en 1923, Charles Drouant, propriétaire du restaurant de la place Gaillon qui porte son nom, reprend l’ensemble de ses établissements, plaçant cuisine et service du Pré Catelan au plus haut niveau de la tradition parisienne. Puis son successeur et petit-neveu le cède, en 1976, à Gaston Lenôtre qui en reprend la concession et investit dans les travaux de rénovation. La grande salle à manger d’origine est dédiée aux réceptions, sa terrasse couverte peut accueillir jusqu’à 1000 convives. Les salons de l’étage sont réaménagés, pour les réceptions privées ou les réunions d’affaires, tandis que le restaurant gastronomique trouve sa place parmi les meilleures tables parisiennes.

Préparation du service © Maurice Rougemont

La cuisine voit se succéder des chefs de talent, tel Patrick Lenôtre, neveu de Gaston, et Roland Durand, qui obtient deux étoiles. C’est une nouvelle ère de la demeure que signe depuis une décennie Frédéric Anton. Ce Lorrain au crâne rasé, natif de Nancy, qui a passé son enfance à Contréxéville, est un ancien élève du lycée hôtelier de Gérardmer. Il est formé chez  Gérard Vessière au Capucin Gourmand à Nancy, apprend la créativité chez Robert Bardot au Flambard à Lille, la cuisine grande bourgeoise chez Gérard Boyer aux Crayères à Reims, avant de devenir le dernier second de Joël Robuchon avenue Raymond-Poincaré à Paris. « C’est très simple : je lui dois tout », dit-il, reconnaissant, à propos de ce dernier.

En cuisine © Maurice Rougemont

Au Pré Catelan, il récupère une deuxième étoile en 1999, en obtient une troisième en 2007. Il y a bien sûr le cadre de charme historique, revu moderne, contemporain, mais avec sobriété, par Pierre-Yves Rochon, le grand service orchestré par le fidèle Jean-Jacques Chauveau – plus de trente ans de maison et de fidélité -, qui se souvient d’avoir servi là Orson Welles, Marcello Mastroianni ou Charles Trénet, la cave fabuleuse, les desserts d’orfèvre signés de la petite Christelle Brua, lorraine de Sarrebourg, qui a notamment travaillé au Soldat de l’an II et à l’Arnsbourg. Mais la cuisine de Frédéric, MOF 2000, jouant l’esthétisme avec raffinement, sait décliner un  produit de haute tenue avec science et conscience. La recette en trois temps, redonnant à un poisson, un légume, une viande, son cadre, son esprit et son goût, entre naturel et préciosité : voilà sa manière habile. Que raconte une carte brillante et séductrice, à lire comme un poème.

Oeuf mollet au parfum de céleri © GP

Crème de morilles, croustillant © GP

Rémoulade de céleri rave © GP

Hier midi, avec seul regret que la terrasse, malgré le beau temps, soit fermée, c’était fête, salle comble et grand style, avec ses mets en deux ou temps, cette crème d’oignons, effleurée d’une crème de petits pois en amuse-gueule, cet oeuf mollet au parfum de céleri, avec ses jolis points « robuchoniens », sa crème de morilles, son croustillant, sa rémoulade de céleri. Et le désormais classique os à moelle, l’un parfumé de poivre noir et grillé en coque, l’autre farci d’un ragoût de morilles et petits pois, mijotés dans un jus de rôti. Comme la complexité d’une sole en tronçon, cuite au naturel, avec son formidable artichaut poivrade, frit, à la romaine, ou poêlée avec ses grains de caviar, sa purée d’artichaut.

Sole poêlée au caviar, purée d’artichaut © GP

Sole cuite au naturel © GP

Poivrade à la romaine © GP

Artiste, volontiers démonstrative, faisant vibrer tous les sens, cette cuisine stylée cadre fort bien avec le décor théâtral souligné par les fresques de Caran d’Ache. On louera encore l’agneau cuit à la plancha, pourvu de ses jolis abats (cervelle, ris, rognon), escortés de fines ravioles de fromage aux herbes et relevé de moutarde en grains à la réglisse. Et le grand plateau de fromage de Bernard Antony, autre gars du grand Est et affineur en Alsace, côté sud, en lisière de la Franche-Comté à vieux Ferrette, dont les jolis pâtes sèches, affinées longuement, s’accordent avec un chambolle-musigny de chez Geantet-Pansiot.

Frédéric Anton et Christelle Brua © Maurice Rougemont

Un point encore pour les desserts, qui jouent le genre riche avec éclat. La fraise des bois sur une fine tartelette genre streusel, son croustillant à la praline rose, son sorbet au basilic, sans omettre la spectaculaire pomme verte soufflée et croustillante renfermant une crème glacée au caramel, du cidre et du sucre pétillant: voilà qui est bluffant ! Parisien en diable, avec sa clientèle aussi bien « famille » que « show off », le Pré Catelan se prête à toutes les fêtes. Ici, le rayonnement est permanent et le mythe toujours vivant.

Tartelette à la fraise des bois © GP

Le Pré Catelan

Bois de Boulogne
Paris 16e
Tél. 01 44 14 41 14
Menus : 85 (déj.), 180, 230 €
Carte : 250-300 €
Site: www.precatelanparis.com

Le Pré Catelan” : 3 avis

  • Ugo calia

    Pourriez-vous m indiquez la composition des menu?

  • Anton a peut être fait évoluer sa recette… La crème de morilles et son croustillant accompagnaient bien l’oeuf mollet (cf photo).

  • Christophe

    Bonjour Gilles,
    j’aimerais vous poser une question sur l’oeuf mollet.
    La crème de morilles était-elle servie avec l’oeuf
    mollet ? (Lorsque je suis allé au Pré Catelan l’oeuf mollet
    a été servi avec la rémoulade de céleri.)

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