Yannick Alleno au Pavillon Ledoyen
« Paris 8e : Yannick le magnifique »
Un article plus récent sur le même sujet est disponible sur notre site, vous pouvez le retrouver en cliquant ici
Fortiche, séducteur, technicien de haute volée et créateur intrépide: il est tout cela Yannick Alléno, champion des extractions et des fermentations, réalisant des jus fluides, nets, purs, qui reflètent le goût de produits au mieux de leur forme, il nous bluffe avec allant. S’il doit toujours déménager sa grande table au rez de chaussée du Pavillon Ledoyen revu contemporain, s’il a revu son bar en beauté sur un mode coloré, il reçoit avec chic au premier étage revu avec un éclat intemporel dans les tons verts grisés. Proposant, en sus d’une carte tentatrice, une formule de plat à partager au déjeuner dit le « Principal », belle volaille ou poissons fins, avec les mignardises et le café, le tout servi en 30/45 mn. Une manière astucieuse de s’adapter à l’époque.
Le service a rajeuni sous la houlette de Simon Peskine. Les conseils du malicieux sommelier Vincent Javaux sont pertinents (comme ce subtil et vineux champagne blanc de blancs Pierre Peters au Mesnil sur Oger ou ce rubicond bordeaux du libournais très merlot Croix du Rival de Stefan Von Neipperg et Didier Miqueu) et la cuisine, qui joue souvent le trompe-l’œil avec malice, car elle n’est jamais là où l’on attend, offre des saveurs singulières toujours surprenantes, toujours séductrices, pleines d’envolées subtiles et franches.
Des exemples de ce qu’on trouve là ? Des amuse-gueule brillantissimes comme cette gelée de saucisson avec cette guimauve aux châtaignes, cette mousse d’anguille étuvée avec ces feuilles d’algue séchée ou encore cette huître avec topinambour et chantilly au quinoa. Ensuite? Les choses « sérieuses » commencent avec l’incroyable coque de pamplemousse brûlé contenant une soupe d’oursin servie chaude, avec la peau de canard croquante au foie gras de canard en amertume façon friandise, ainsi que son granité iodé. Mais ce ne sont là que les prémices…
Arrivent, comme des stars de saison, les incroyables saint jacques de la baie de Seine, joliment tranchées, avec ses lamelles de truffes de Touraine si odorantes et ses magnifiques feuilles d’épinard si vert – de Viroflay. Ensuite, ce qui pourrait être le clou du spectacle : une belle darne de bar sauvage au jus d’oseille et fontine, avec son riz étouffé avec des feuilles de cerisier fermentées, de fines tranches de bar à la vinaigrette. A la fois, malicieux et gourmand. Mais il y a encore le volaille bressane de chez Miéral, servie avec son pain charcutier, sa vinaigrette au gingembre et ses grains de caviar, son extraction maïs, ses pousses de navets, son porridge de céleri et son œuf conservé à la chaux avec de la moutarde.
Tout Alléno, cuisinier créatif sachant revenir aux fondamentaux, donnant un son autre aux classiques d’antan, est là, dans l’esprit de ce qui se pratiquait jadis sous sa gouverne au Meurice, mais qu’il » extrait » avec la volonté de retrouver le vrai goût de chaque produit glané aux meilleures sources. On ne néglige pas les brillants desserts, comme la gelée à la sauge, ananas et herbes sauvages, la crème brûlée passion faite devant vous au moment, sans omettre l’incroyable soufflé chocolat et olives avec sa crème fraîche à l’huile d’olive.
Création ? Tradition ? Roi des extractions, comme des fermentations, Alléno livre ici sa vision charmeuse d’une cuisine qui réconcilie anciens et modernes. Chapeau, l’artiste !