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Hommage à Jean Meyer

Article du 4 janvier 2016
Jean Meyer © DR

Jean Meyer © DR

Longtemps, il fut ce négociant qui pensait en vigneron, puis ce vigneron qui agissait en poète. Franc-tireur et amoureux des mots, des voyages et des alliances mets-vins, Jean Meyer racontait le terroir d’Alsace à sa façon. Avait inventé des étiquettes artistes, avec, comme aurait dit René Char, des « alliés substantiels« , des complices peintres. Le Fromenteau, les Pierrets, les Folastries: c’était quelques uns de ses emblèmes. Il aimait le gewurztraminer sec, cultivait l’auxerrois sur un sol de grand cru comme le Hengst et en faisait le pinot H vieilles vignes, vin de haute volée, cru de coeur.

S’il était le plus artiste des vignerons alsaciens, il avait su aussi prendre ses responsabilités, dirigeant un temps le syndicat des négociants, la Confrérie Saint-Etienne ou le CIVA. Mais son chouchou, c’était son domaine de Wintzenheim: 28 ha en biodynamie, désormais géré par ses deux filles, Céline et Isabelle, jouant l’équilibre de la terre, de l’eau et de la nature. Ce vin d’Alsace, ces cépages souvent moins connus, comme le pinot blanc, le sylvaner et le chasselas, qui étaient les parents pauvres de la famille, il en parlait avec d’autant plus d’émotion.

J’avais voyagé avec lui, une semaine au Japon, entre Tokyo, Nagoya et Kyoto, en Allemagne, chez Jean-Claude Bourgueil au Schiffchen de Dusseldorf, à Crissier en Suisse chez Rochat, en Angleterre au Waterside Inn chez Michel Roux, à Paris, bien sûr, où nous avions tenté ensemble le mariage (réussi!) du gewurz les Folastries à la fois sec, floral, fruité et épicé, mais sans nul excès, avec la cuisine thaï, au Blue Elephant. Et j’oublie Bruxelles et l’Ecailler du Palais Royal ou à Strasbourg, au Buerehiesel et au Sakura Tei, dans la Petite France, où sans cesse Jean imaginait de nouveaux accords, de tendres mariages, des alliances fécondes.

Il est décédé hier, dimanche, à 71 ans. Le coup de fil ce matin de Céline pour m’annoncer sa mort m’a abasourdi, même si je savais qu’il luttait, depuis tant et temps, contre une pernicieuse et implacable maladie. Il y a quelques mois, sa voix sautillante et fugueuse, malicieuse et toujours ardente m’avait ragaillardi au téléphone. Oui, nous allions nous revoir, deviser encore de l’éternité durable. Sa table de prédilection en Alsace: chez son voisin de Wihr-au-Val, Bernard Leray, ma table de l’année au Pudlo Alsace. Nous avions déjeuné ensemble avec Guy Untereiner, autre artiste, il y a quelques années, et nous allions remettre ça.

Le sort, la maladie, le temps en auront voulu autrement. Cher Jean, nous penserons souvent à toi et boirons encore ton vin. D’ailleurs à Noël, j’ai arrosé ma tourte au foie gras, à la volaille et aux truffes avec ton gewurz les Folastries 2005 de royale allure, au joli nez de rose, à la finale limpide, riche mais sèche. Grâce à ton vin, ton oeuvre, tu demeures vivant.

Gewurz les Folastries 2005 © GP

Gewurz les Folastries 2005 © GP

PS: La cérémonie religieuse aura lieu le vendredi 8 Janvier 2016 à 14h30 en l’église Sainte Anne de Turckheim. La famille recevra les condoléances à partir de 14h.

Josmeyer

76, rue Clémenceau, 68920 Wintzenheim.
Tél. 03 89 27 91 90.

Site: www.josmeyer.com

A propos de cet article

Publié le 4 janvier 2016 par
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Hommage à Jean Meyer” : 3 avis

  • Franceschini Luc

    Je viens d’apprendre avec tristesse le décès de Jean Meyer.Je l’ai côtoyé durant des années lors de réunions et repas de famille.Je le savais diminué et demandais régulièrement de ses nouvelles à ma fille.Je me réjouissais à l’avance de chaque rencontre.Je l’écoutais avec attention et le percevais comme un exemple à suivre pour son intelligence,son enthousiasme, sa volonté et son sens artistique.Je lui dois en grande partie l’intérêt que je porte aujourd’hui aux vins,à la cuisine,à l’art et au beau en général. Il était sans cesse à la recherche d’accords sensationnels entre mets et vins.Je me souviens encore d’un couscous sublime qu’il avait préparé avec passion.C’était un perfectionniste, un esthète et un poète. Les grands hommes et les artistes ne meurent jamais…

  • BARTMANN Luc

    Il me reste un souvenir inoubliable de ce grand monsieur : la dégustation organisée pour ses clients à l’occasion du passage de l’an 2000. Un très grand moment à l’occasion duquel des flacons précieux ont été débouchés, accompagnés de quelques spécialités culinaires non moins excellentes. J’y ai découvert des accords vins-mets inédits (pour moi) tel que le Riesling vendanges tardives sur un gâteau au citron. Encore merci à lui.

  • Lentz michel louis

    Tres beau pspier …R.I.P

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