Le Petit Nice-Passédat

S’en est on rendu compte? Cette drôle de villa blanche posée face à la mer est devenue l’une des plus belles maisons du monde. Il y a, bien sûr,  la vue plein cadre sur la grande bleue, le château d’If, les îles depuis son anse magique. Celle de la Maldormé. On se baigne au pied du rocher. Kad Merad possède sa maison à deux pas. De là, Marseille ressemble à une presqu’île, une pointe effilée, faisant une échappée solitaire vers la Méditerranée.

Gérald Passédat en a fait son domaine. Avant lui, il y avait le grand père Germain, qui achète la Villa Corinthe en 1917, puis la rebaptise aussitôt en « Petit Nice », y ouvrant une auberge. La grand-mère, Lucie, cantatrice passionnée, muse de Louis Lumière, imprime sa marque au lieu, lui donne sa magie, glisse à son fils Jean-Paul et à son petit fils, « notre » Gérald,  le sens du rythme, l’amour de la chose bien faite, le goût du beau dans son écrin méditerranéen.

Puis Gérald fait ses classes au Bristol, au Crillon, chez Troisgros et Guérard, qui seront ses grandes écoles. Il se cherche ici et là avant de découvrir que la vérité est à ses pieds. Car c’est bien en Méditerranée que Gérald se ressource, qu’il trouve les produits qui feront sa gloire et lui apporteront les trois étoiles : l’anémone de mer (qu’il cuisine en royale onctueuse et en beignet), les sarrans juste saisis et citronnés, les langues d’oursin à la gelée de tomate accordées aux totènes (le nom des calamars d’ici), la pélamide (qui est la bonite à dos rayé) et le mérou, présentés crus, façon sashimis, avec l’écorce de bergamote, sans omettre la galinette au fenouil. Et voilà comment le 3^e des Passédat aubergistes donne le sentiment de réinventer la mer.

Entre temps, le Petit Nice est devenu une maison double exquise avec ses chambres et suites zen, ultra panoramiques, sa piscine, son spa, son coin bar – où il sert à moindres frais des choses exquises (courgettes aux moules, salade de roquette, sushi de poisson du jour, pageot meunière et riz sauvage)-, qui fait un Relais & Châteaux de grand style.

Le monde entier des gourmets exigeants veut découvrir dans sa salle sobre et rénovée les bons tours du moment, accordés à ceux de toujours : le loup comme l’aimait Lucie Passédat avec ses quelques légumes en mosaïque sa royale sauce vierge tomatée, la daurade rosé au jus de la tante Nia, les bouleversants petits rougets de roche en nage d’anis étoilé ou encore le navarin de homard « au secret du bateau de Jean G ».

Le grand menu « découverte de la mer » livre en neuf plats, plus les amuse-bouche exquis (ah, ce petit maquereau cru, ce jeu sur la poulpe tendre et citronnée !) les idées poissonnières du moment. Un autre se consacre à revoir la bouillabaisse en trois paliers.

Mais les desserts (souplesse de lait, gentillesse à la mangue, mikado marron et litchi, pomme verte revisitée) valent aussi la redécouverte, comme le plus simple baba au rhum avec sa chantilly allégée du « Côté Bar » qui est une pure merveille. Il est temps de revisiter Gérald Passédat et sa maison d’un œil neuf.