Villa Eugénie et la Rotonde, à l'hôtel du Palais

A tout seigneur tout honneur, rendons en premier hommage au Palais. Y sévit depuis belle lurette un Berrichon devenu basque avec passion, MOF de son métier, faisant rimer sérieux et modestie. Jean-Marie Gautier a fait de l’ancienne demeure d’Eugénie de Montijo son royaume. Dans le magnifique décor de fête de la vaste salle en rotonde, comme dans celle plus intime dite Villa Eugénie, il sert une cuisine à deux vitesses pareillement séductrices.

On pourrait ajouter sa troisième formule: celle de l’Hippocampe, une table de cuisine où l’on se régale de choses simples et bonnes, fruits de mer, poissons du jour, quiche lorraine ou mets de brasserie. J’y ai vu Michel Guérard et Christian Parra s’y faire fête dans une anonymat heureux.

Mais c’est bien sûr à la Rotonde ou à l’enseigne de la Villa Eugénie, sous les ors de la grande salle ou son annexe intime, qu’on découvrira la « manière Gautier ». Les asperges vertes avec leur toast de foie gras à l’œuf poché et leur sauce ivoire à la truffe y font un magnifique exercice de style sur un thème très sud ouest. Les langoustines poêlées aux asperges avec émulsion de mangues et agrumes à l’huile d’olive sont d’une fraîcheur insigne.

On ajoute le blanc de bar aux jeunes poireaux à la vapeur avec sa fine crème au vin blanc, ses grains de caviar d’Aquitaine, comme l’agneau de lait des Pyrénées cuit au sautoir et décliné en fines côtes, sans omettre ris et foie, et on comprend que Gautier, prof’ de cuisine, jamais empesé, maîtrise le style riche et grand bourgeois, avec une dextérité et une agileté non feintes.

In fine, les desserts ciselés, signés Cédric Lejeune, comme « l’instant » mousseux et craquant à la fois, mariant chocolat et framboise et le vacherin contemporain, donc allégé, fraise, vanille, coulis de fruits et meringuette, sont d’une finesse insigne. On louange encore la promptitude du jeune service et les vins éloquents, proposés au fil des mets (Hautes Côtes Nuits clos St Philibert de Méo Camuzet, Dolium Escolha Alentejano du Portugal de Paulo Laureano, Mercurey rouge les Ruelles du château de Chamirey ou noir Pedro Ximenez Albala de Montilla Moriles sur le dessert) par  Benoît Castillon, sommelier au fait de son sujet. Assurément, voilà une grande maison.