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Les chuchotis du lundi : Mauro Colagreco au Japon, Alain Ducasse dit tout, les Petit passent la main au Clos des Sens, Stéphane Jego à Courchevel, Eric Lecerf le retour au Sancerre, Frédéric Vardon version bistrot au Café Max, Gabriela Stockler à Saint-Paul-de-Vence, adieu à Elisabeth Scotto

Article du 3 octobre 2022

Mauro Colagreco au Japon

Yuhei Miyamoto et Mauro Colagreco © GP

Mauro Colagreco ? Une comète en mouvement, qui, à 46 ans (il les aura le 5 octobre), compte 30 établissements, restaurants de haute tenue, bistrots, pizzerias (à Menton et Strasbourg), rôtisserie, plus boulangeries  (« Mitron Bakery » à Menton et Monaco) aussi bien en France (avec en première ligne son trois étoiles du Mirazur, classé « meilleur restaurant du monde » au 50best 2019, dont le décor a été entièrement bouleversé). Présent en Chine (à Pékin, Nankin et Macao), à Paris (au Grand Coeur), à Cannes et Courchevel (BFire), sans omettre son pays natal, l’Argentine (avec Carne à la Platas et à Olivos), à Dubai (au Célebrities et au Beach Bar & Grill), Mauro va prochainement s’implanter au Japon. Avec le groupe nippon Granada, face au Palais Impérial à Tokyo, au rez-de-chaussée d’un grand immeuble moderne, il créera au début de l’an prochain, sa première table au pays du soleil levant si féru de gourmandise. Son chef en place sera le jeune Yuhei Miyamoto, qui a notamment travaillé au restaurant Botanique dans le 11e et s’entraîne depuis plusieurs mois avec l’équipe du Mirazur dirigée par Jean-Christophe Bourguignon, ex chef de Dominique Crenn en son 3 étoiles de San Francisco. Le nom envisagé du futur restaurant de Mauro à Tokyo: « Cycle ». Une référence au cycle des saisons vu par le chef italo-argentin qui cultive trois jardins pour son approvisionnement, et notamment un, juste à côté de son restaurant de Menton.

Alain Ducasse dit tout

« Ce n’est pas un livre de mémoires, pas un livre de recettes, mais une autre de façon de présenter une émotion, de graver des souvenirs, de composer des bonheurs éphémères », glisse-il lui-même en passant. Cela s’appelle « Une vie de goûts et de passions » – goûts et passions au pluriel -, cela sort le 12 octobre en librairie et Alain Ducasse s’y confie tout entier, livre ses instants de solitude et de silence dans sa demeure du pays basque, entretient sa légende, débute par un (pieux) mensonge, souvent réitéré (« je suis né dans une ferme en Chalosse dans les Landes » – alors qu’on sait fort bien qu’il est né dans une clinique à Orthez dans le Béarn…), mais se poursuit comme la quête incessante d’une passion obstinée. Celle du goût, à commenter,  à transmettre, à partager, avec la volonté de tout découvrir en précurseur acharné. Alain Ducasse évoque les rencontres déterminantes avec Michel Guérard, Alain Chapel et Roger Vergé ou encore Gaston Lenôtre, qui lui apprendra à faire des croissants. Il évoque avec précision le fameux accident du 9 août 1984 sur lequel il se confie pour la première fois et qui lui donnera la force et le courage d’avancer sans cesse. Il se livre encore sur ses conquêtes, parfois chaotiques, du moins difficiles, de Paris (où il remplace Joël Robuchon à la suite d’un coup de fil de ce dernier en 1996), New-York et Tokyo, trois villes singulières auxquelles il rend hommage. Cite au passage ses élèves, en distingue quelques uns, dont Jean-François Piège (« grand érudit, grand technicien« ) ou encore Franck Cerutti pour sa si longue fidélité côté Riviera. ll s’explique sur son amour des « manufactures » et leur multiplication (chocolat, glaces, biscuits). Ce perfectionniste est un travailleur insatiable. Ce rescapé est un boulimique. Ce miraculé est, d’abord et avant tout, un passionné. Qui voyage pour diversifier ses idées, enrichir ses projets, leur faire rendre un son autre. Cet éternel insatisfait veut tendre vers la perfection sachant que le but reste le chemin. Il faut imaginer Ducasse heureux.

Les Petit passent la main au Clos des Sens

Les Petit avec Thomas Lorival et Franck Derouet © Mathieu Cellard

Ils préparaient leur « passage à la retraite » et leur passation de pouvoir depuis trois ans déjà, grosso modo depuis l’obtention de leur 3e étoile. Martine et Laurent Petit, qui voulaient « tirer un trait » sur leur expérience – réussie – au Clos des Sens d’Annecy-le-Vieux, après 30 ans de bons et loyaux services dédiés à la grande cuisine savoyarde, ayant trouvé son acmé avec son style « lacustre et végétal« , vendent leur maison à leurs collaborateurs privilégiés, Thomas Lorival, le directeur et sommelier expert, et à Franck Derouet, le chef fidèle en poste depuis onze ans. S’ils cèdent le fonds, ils demeurent propriétaires des murs. Ils conservent également leur « Brasserie Brunet », qui se nomma jadis « Contre Sens » et se trouve près de la gare d’Annecy, dont la gestion est confiée à une jeune couple qui en a déjà la charge sous leur responsabilité. Ils avaient déjà vendu, il y a quelques mois, leur Café Brunet, des hauts d’Annecy le Vieux. Mais ils ne vont pas rester les bras croisés pour autant. Laurent Petit, qui n’a que 59 ans, a racheté plusieurs maisons dans son bourg natal de Bussières-les-Belmont en Haute Marne, où son père tenait une boucherie-charcuterie, y accomplit son retour au pays : il en fait, en tout cas, sa résidence principale et envisage d’y créer une table d’un nouveau style. Mais, chut, c’est encore un secret…

Les Petit avec Thomas Lorival et Franck Derouet © Mathieu Cellard

Stéphane Jego à Courchevel

Stéphane Jego © DR

Il n’a jamais créé d’annexe, ni, (si l’on excepte sa « cantine » au Grand Control des Champs Elysées) de bistrot, hormis le sien : l’Ami Jean, rue Malar. Passionné de cuisine, homme de communication et défenseur de la tradition, Séphane Jégo, élève de Christian Constant au Crillon, breton amoureux des saveurs du Sud Ouest, chef éclectique sachant travailler les soupes (ah, celle au parmesan), comme le gibier en saison, s’apprête à sortir de Paris pour la saison d’hiver. Il sera, en effet, le chef invité de la Sivolière par Florence Carcassonne qui avait attiré chez elle Fanny Rey, la reine de Saint-Rémy de Provence, et son mari pâtissier Jonathan Wahid il y a deux ans. Au programme, pour toute la saison d’hiver, Stéphane Jego proposera des « tapas » à sa manière au « Secret Bar » maison ainsi qu’une cuisine de  montagne à sa façon « à la table de Madame ».

Eric Lecerf le retour au Sancerre

Anne-Cécile Faye et Eric Lecerf © DR

Il a été vingt ans durant le collaborateur de Joël Robuchon, eut son étoile à Perpignan au Chapon Fin, fut le chef de l’Astor et de l’Atelier Robuchon Saint-Germain, dont il a fait l’ouverture, puis tint une brasserie à son nom à Orléans, tout près des Halles et de la Loire. On avait un temps perdu sa trace, car il s’était exilé cinq ans durant au Québec, tenant notamment les fourneaux de  la maison Alexandre et Fils rue Peel au coeur de Montréal. Voilà Eric Lecerf de retour à Paris au Sancerre Rive Gauche d’Anne-Cécile Faye avenue Rapp, dans le 7e arrondissement. Il n’a rien perdu de son envie de cuisiner et reprend ses classiques ici même, comme le chou farci, la joue de boeuf confite et le flan vanillé.

Frédéric Vardon au Café Max

Frédéric Vardon au Café Max © DR

Il est le bon chef sérieux du VIIIe arrondissement parisien, ayant fait du 39V, au 39 de l’avenue George V, une institution gourmande avec sa terrasse « ouverte » sur le ciel. Classique chic qui ne s’ignore pas, ancien des trois Alain (Chapel, Ducasse et Dutournier), Frédéric Vardon vient de reprendre le Café Max, institution bistrotière de l’avenue la Motte Picquet. Il y propose, avec une jeune équipe déjà en place sous l’ancienne direction, le chef Régis Letourneur et le maestro de salle Julio Levée, une cuisine canaille de bon aloi. Rappelons que, dans le même esprit, il tint jadis le Zinc, dans le 2e, à deux pas de l’Opéra, ainsi que le Zinc des Neiges à Courchevel. Manière de dire que le registre bistrotier ne manque pas à sa panoplie de chef expérimenté et que ce spécialiste de la haute cuisine connaît la musique modeste mais chic…

Gabriela Stockler à Saint-Paul-de-Vence

Gabriela Stockler © AA

Le nouvelle donne hôtelière et gourmande du Saint-Paul, Relais & Châteaux de grand charme,  récemment racheté par le néo-réunionnais, Yann Le Febvre et qui appartint jadis à Régis Bulot, puis Olivier Borloo à Saint-Paul-de-Vence, on vous en a récemment parlé. On souligne ici la présence de la nouvelle cheffe aux commandes du lieu. Gabriela Stockler, espagnole et madrilène, qui a oeuvré chez quelques grands chefs européens, tels Gordon Ramsay, Heston Blumenthal et Jason Atherton à Londres, Sergi Arola dans sa ville natale, ainsi que sur la côte d’Azur, aux côtés de Didier Aniès au Grand Hôtel du Cap-Ferrat et Alain Llorca à La Colle-sur-Loup. Son style ? Méditerranéen et éclectique, avec ses influences voyageuses et un esprit créatif jouant des produits du terroir provençal avec adresse.

Adieu à Elisabeth Scotto

Eliabeth Scotto © DR

Elle était la plus jeune des soeurs Scotto, la seule qui portait qui leur nom. J’ai eu la chance de faire un livre (« France the beautiful cookbook », paru chez un éditeur australien en 1991, devenu en français, Saveur des Terroirs de France, chez Laffont) avec ces trois mousquetaires au féminin de la cuisine qui savaient tout sur tout, mêlaient le savoir encyclopédique à la gentillesse, à la tendresse et à l’humour. Elisabeth était la cadette – on l’a dit -, drôle, vive, espiègle. Marianne Comolli, décédée en 2016, était la sage, la vertueuse, la référence, l’aînée qui demeurait, Michèle Carles, le regard vif et tendre, toujours présente, possède cette lucidité qui nous émeut. Toutes trois (comme leur aînée, Jeanne, décédée il y a un quart de siècle déjà), était des italiennes d’Algérie, venues en France en 1962, à Marseille, et maniaient avec dextérité cette cuisine ce  du Sud qui nous fait tant rêver. Elisabeth, qui nous a quitté la semaine passée, avait toujours ce regard tendre et moqueur qui faisait d’elle une complice par excellence. Entre nous, sur ses collègues, elle ne mâchait pas ses mots. Je me souviens de notre dernier « repas de presse », ensemble, chez Papillon, dans le 17e. Un déjeuner tout champagne mais où rien n’allait avec rien. Nous nous en amusions. Nous avions d’autres chats à fouetter. Nous n’en voulions ni à nos amis de Pol Roger, ni au brave Christophe Saintagne. Elisabeth, qui adorait les aubergines et le gingembre, les tomates bien mûres et les pâtes comme le riz al dente, se moquait volontiers des plats « trop à la mode ». La mode ? Elle n’était pas notre ennemie, mais une balise. Durant tant d’années, Elisabeth, qui composait les fiches cuisine de Elle ou des recettes pour Madame Figaro, avait su lui tordre le cou avec tant de talent, de bonheur, de douceur et de tendresse, dans ses recettes, son blog, ses livres (comme son petit dernier « du shiso dans la crème anglaise« , une ode aux épices et aux condiment, paru aux éditions de l’épure). Tu nous manqueras, Elisabeth. Michèle, toi qui restes, nous t’embrassons très fort.

Les chuchotis du lundi : Mauro Colagreco au Japon, Alain Ducasse dit tout, les Petit passent la main au Clos des Sens, Stéphane Jego à Courchevel, Eric Lecerf le retour au Sancerre, Frédéric Vardon version bistrot au Café Max, Gabriela Stockler à Saint-Paul-de-Vence, adieu à Elisabeth Scotto” : 1 avis

  • Gabriel

    Pas de chuchotis sur le Clos des Sens?

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