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Les chuchotis du lundi : le Michelin choisit l’Alsace, le joyeux duo de Momen, le Petit Rétro version Guy Savoy et Irwin Durand, Nicolas Saltiel reprend Cap d’Antibes Beach Hôtel, Bruno Verjus lance Cavalieri, adieu à Guy-Pierre Baumann

Article du 5 septembre 2022

Le Michelin choisit l’Alsace

Gwendal Poullennec et Frédéric Bierry © BB

Mardi dernier, dans les locaux de la Maison d’Alsace, sur les Champs-Elysées, Gwendal Poullennec, directeur international des guides rouges, et Frédéric Bierry, président de la Communauté Européenne d’Alsace, annonçaient la sortie du guide Michelin France le 6 mars prochain. Ce ne sera, bien sûr, pas une surprise pour nos lecteurs, à qui nous avions, par deux fois, annoncé l’événement. La collectivité européenne d’Alsace aurait déboursé 390000 € (ht) pour accueillir l’événement et de nombreux futurs partenaires alsaciens (dont Massenez racheté par Perreux) pour collaborer à l’événement. Celui-ci, qui, sur deux jours, doit réunir le grand monde de la gastronomie non seulement française mais européenne est, évidemment, porteur. Pour Frédéric Bierry, ex président du conseil départemental du Bas-Rhin, devenu celui de toute la région Alsace (le « Grand Est » demeurant l’apanage du mulhousien Jean Rottner), c’est une manière de « mettre en valeur toutes celles et ceux qui nous nourrissent, de la fourche à la fourchette, partout en Alsace. » Pour Gwendal Poullennec, après le camouflet infligé il y trois ans à la région, après la chute de la 3e étoile de l’Auberge de l’Ill qui la détenait depuis 51 ans sans interruption, c’est une manière de réparation. Une manière aussi de saluer une entité régionale à la richesse exceptionnelle, côté produits, vins, bières, établissements populaires et de prestige. En 2022, pour deux départements, l’Alsace compte 33 tables étoilées, dont 7 deux étoiles (la Villa Lalique à Wingen-sur-Moder, le Cheval Blanc à Lembach, la Merise à Laubach, la Fourchette des Ducs à Obernai, JYS à Colmar, l’Auberge de l’Ill à Illhaeusern et le Chambard à Kayserberg), ce qui fait un total de 40 étoiles. Gageons que des promotions sont à venir.

Le joyeux duo de Momen

Romain Moreau et Louis Amen © GP

Ils s’appellent Louis Amen et Romain Moreau, se sont connus chez Laurent avenue Gabriel, avec Alain Pégouret, au temps des deux étoiles, ont fait quelques grandes maisons, comme le Meurice époque Alléno (quatre ans durant!), Guy Savoy, entre la rue Troyon et le quai de Conti, mais aussi chez les Marcon, Régis et Jacques, à Saint-Bonnet-le-Froid. Que du beau linge trois fois étoilé ! C’est dire de quel bon bois ces deux trentenaires doués et cependant modestes se chauffent. Ils ont repris une demeure, sur un angle un brin endormi du boulevard Haussmann à Paris, qui fut jadis un bistrot à vins mythique (« Ma Bourgogne »), où se réunissaient les joyeux compagnons des « Francs Mâchons », autour de notre défunt ami Michel Piot. Puis un snack libanais (« l’Emir »), enfin une table tendance (« l’Un des Sens »). Ils ont transformé cette dernière en bistrot d’aujourd’hui, drôle, gourmand, bruyant, bondé le midi, plus calme le soir, dans un quartier de bureaux où il convient de manger vite et efficace, en tout cas plein de verve et de gaieté. Ils démontrent leur savoir-faire, leur doigté et leur sens du produit de qualité, au long d’une carte raisonnable et au gré d’un menu à 36 € changé chaque midi. La dynamique Julie, déjà présente dans les lieux auparavant, propose un choix de vins au verre avec rigueur et compétence. On aime, en tout cas, tout ce qu’ils proposent comme l’oeuf parfait bio avec sa piperade, son crispy de jambon au basilic ou le malicieux velouté glacé d’aubergine, avec son yaourt à la grecque fumé et coriandre. On en reparle vite.

Le Petit Rétro version Guy Savoy et Irwin Durand

Irwin Durand au Petit Rétro © GP

Le Petit Rétro de la rue Mesnil était l’un des rades discrets et sûrs du 16e parisien. Ce vieux bistrot millésimé 1904, avec ses faïences classées, son bar, sa terrasse, son service avenant, a été repris par Guy Savoy et son chef du Chiberta Irwin Durand, tous deux associés dans l’affaire. S’ils n’ont rien touché au décor, ni à l’âme du lieu, ils ont imaginé une cuisine en rapport avec l’atmosphère rétro. Le choix de vins vous mène de Touraine (avec le chinon de Couly) en Beaujolais (avec le fleurie d’Antoine et Maxime Graillot au domaine du Ja) sans omettre d’épouser une cuisine ménagère, ouvertement « tradi » qui va comme un gant au lieu avec ces jolies salles tout en recoins. Œuf gribiche et mouillettes au confit d’échalote, tartine gratinée à la moelle et salade d’herbes, pâté en croûte version rétro  (signée de chez Conquet à Laguiole), tarte aux légumes, aubergines, courgettes et compotée de tomate pour les végétariens et les amateurs de nourritures légères, mais aussi tartare d’onglet de bœuf au couteau, huile d’argan et frites maison et surtout tomate ancienne farcie avec son jolis hachis de boeuf bien relevé et riz pilaf tomaté ont du répondant. On y ajoute des joyeusetés sucrées bien dans l’esprit du lieu, comme la profiterole au chocolat avec sa pâte à chou craquante, sa glace à la vanille de Madagascar, plus ses jolis parfums de glace de chez l’artisan Pedone, comme celles au lait d’amande et aux pralines roses. Bref, du bon, du savoureux et du pas compliqué. Réussite assurée!

Nicolas Saltiel reprend Cap d’Antibes Beach Hôtel

La plage du Cap d’Antibes Beach Hotel © DR

Il dirige, avec son père Hubert, récemment décédé, que l’on connut au Relais Boccador, la branche hôtelière du groupe d’assurances HN6. Nicolas Saltiel, qui possède, avec son groupe, les hôtels Monsieur à Paris (cinq unités dont Monsieur Helder, près des Grands Boulevards, Monsieur Cadet, dans le quartier de l’Opéra, Monsieur George en lisière des Champs Elysées, et des restaurants dont le Galanga, où exerce le jeune Thomas Danigo, rue Washington, le Café Aristide et Zapi), avait racheté l’an passé la Ponche, historique et mythique hôtel de Saint-Tropez près de la plage éponyme, que fréquentèrent Bardot, Sagan et tant d’autres. Il vient de reprendre discrètement aux Ferrante, ex casinotiers de Juan-les-Pins et de Montrond-les-Bains, le Cap d’Antibes Beach Hôtel, établissement moderne en lisière du Cap d’Antibes, affilié aux Relais & Châteaux, avec ses chambres contemporaines, sa plage des Pêcheurs, le restaurant gastronomique du même nom, étoilée, où exerce le chef Nicolas Rondelli, et une belle table de plage dite le Cap. Pour l’heure, rien ne change, même s’il y projette un rafraîchissement du décor qui peut être le signe d’une renaissance du lieu.

Bruno Verjus lance Cavalieri

Bruno Verjus © Stéphane de Bourgies

L’adresse est à la fois mythique et maudite. Mythique car Brigitte Bardot y vécut, dans un grand duplex de 1956 à 1971 – son fils Nicolas y est né en 1960. Au rez-de-chaussée, ce fut longtemps la Marée Passy qui draina les amateurs de poissons et fruits de mer du 16e à Paris, avec un accueil de choix, une ambiance familiale et un bon rapport qualité-prix. Maudite, car la maison, face à Mavrommatis Passy créé entre temps, demeura longtemps fermée après un bref intermède russe, en 2018, sous l’enseigne de Tsari, vite refermée sans trouver de repreneur. Voilà donc Cavialeri sous la houlette de Marcel Benhamou, conseil hôtelier international qui a réalisé une dizaine d’hôtels, dont l’Intercontinental Tbilissi, Moscou et Kiev, créant avec succès des hôtels en Géorgie (comme l’Hôtel Laerton à Tbilissi) et qui a en cours un mirifique projet à Dakhla au Maroc. Il a confié la carte du Cavialeri à Bruno Verjus, le deux étoiles de « Table » dans le 12e, qui signe une carte méditerranéenne « en liberté ». Les plats de cet amoureux de la Grèce feront des clins d’oeil à tout le pourtour de la Méditerranée mais sans jamais s’enfermer nulle part: Italie (à laquelle la maison emprunte son nom), Grèce, bien sûr, mais aussi Espagne, Maroc, Liban, Israël. « C’est mon imaginaire de la Méditerranée, une sorte de voyage d’Ulysse, sans obligation d’aucune sorte, ni retour possible, ni aucun plat régional connu. , précise ce dernier. Bruno Verjus, qui est « directeur artistique de la maison« , a mis là en place un de ses anciens chefs, l’italien Cristian Stradaioli qui oeuvrera avec son frère et pâtissier Kevin. Le lieu accueillera 65 couverts sur 120 m2 et devrait servir non stop, tous les jours de 12h à minuit. Ouverture prévue : le 21 septembre.

Adieu à Guy-Pierre Baumann

 

Guy-Pierre Baumann © Maurice Rougemont

En mars prochain, il aurait été ravi de saluer ses collègues de Paris et d’ailleurs venus en Alsace, lors de la prochaine sortie du Michelin. Guy-Pierre Baumann n’aura pas eu cette chance. Le repreneur de la Kammerzell, qui fut le propagateur de la choucroute aux poissons, est décédé la semaine passée à 82 ans. Ce natif de Magstatt-le-Bas, dans le Sundgau, qui avait vu le jour dans la ferme familiale en 1940, avait fait l’école hôtelière à Strasbourg au grand dam de son père qui aurait préféré le voir notaire, avocat ou médecin. Formé au Chambard à Kaysersberg, puis au Rhin et Danube à Colmar, monté à la capitale… en scooter, il sera reçu rue St Roch, à la société des cuisiniers, par un responsable de l’association, natif de Marseille, pour qui son accent alsacien est gage de sérieux et qui le fait embaucher chez Weber rue Royale. Il passera ensuite  chez Maxim’s, avant le Lutétia, Lasserre et le Ritz. Il crée le premier Baumann, en 1966, 41 rue de Clichy, le Baumann-Napoléon, avenue de Friedland, en 1968, puis le Baumann-Ternes, le Baumann-Baltard aux Halles et le Baumann-Marbeuf près des Champs Elysées. Il promeut partout belles viandes et bonnes choucroutes, proposant une choucroute d’été, aux poissons, avec saumon, lotte, flétan, où le haddock fumé remplace le lard idée, légère et diététique qui plaît aux dames. Il y aura aussi la choucroute au confit de canard, l’orientale aux merguez, comme la classique strasbourgeoise. Il rend également hommage à sa mère, avec sa salade de poireaux Adeline, qui marie poireaux croquants et  fine mayonnaise citronnée. Mais l’Alsace lui manque. En 1986, il reçoit la visite de Germain Muller, adjoint du maire de Strasbourg, et Pierre Pfimlin, le maire, ex président du conseil, qui lui suggèrent : « et si tu revenais au pays ? Et si tu reprenais la Kammerzell ? » « Et pourquoi pas la cathédrale ? », répond Guy-Pierre en riant, croyant à une blague, lui, Parisien depuis si longtemps qui ne se voit plus guère vivre au rythme plus sage de Strasbourg. Il va pourtant s’y faire assez vite. Il reprend ce joyau médiéval qu’il démocratise. Puis dirigera la Chaîne d’Or, brasserie voisine, ainsi que l’Alsace à Table, une table marine au nom paradoxal. La Kamm’ sera son joyau : il va l’embellir et l’agrandir, rachetant la maison contigüe qui abritera des salons. Lorsqu’en 2010, le jeune et entreprenant Jean- Noël Dron rachète ses diverses maisons, il nomme Guy-Pierre président du conseil de surveillance de la Kamm’ et garde Hubert Lépine, son chef fidèle, à ses côtés. Signe que la continuité assurée par ce rénovateur tranquille est respectée. Depuis quelques années, Guy-Pierre était affaibli par un Parkinson, mais il surveillait d’un oeil expert sa « Kamm' » chérie. Ce mercredi, ses obsèques officielles auront lieu tout à côté : dans la cathédrale de Strasbourg, toute de grès rose, qu’il aura tant aimé…

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Publié le 5 septembre 2022 par

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  • Michel Houglet

    En 1986 c’est Marcel Rudloff qui était maire de Strasbourg (1983 – 1989). Pflimlin avait arreté en 1983

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