Les chuchotis du lundi : Jean-Luc Brendel ou les émerveillements du cuisinier-jardinier, Jacques Rolancy un MOF façon bistrotier chic à Lorgues, adieu à Jean-Paul Passédat, relève de génération à l’Auberge de la Forêt, Ohad Amzalleg ou Tel-Aviv à Paris
Jean-Luc Brendel ou les émerveillements du cuisinier-jardinier
C’est l’un des grands chefs d’Alsace les plus singuliers, présent, eh oui, depuis quarante ans à Riquewhir, qui démarra avec une winstub, alors que sa mère tenait les Trois Lièvres dans sa ville d’origine, en l’occurrence Strasbourg, qui fut formé là bas et chez Zimmer-Sengel, transforma sa winstub en table gastronomique, la doubla d’une taverne populaire dans la grand rue du « Mont Saint Michel alsacien ». Il a imaginé entre temps un jardin extraordinaire, en lisière des vignes ou de la forêt, où il cultive melon et pastèque, en sus des tomates de variétés anciennes, des herbes et des légumes de tradition. Ce magicien du goût, ce lutin fabuleux, c’est Jean-Luc Brendel, étoile verte conquérante chez Michelin, qui pourrait très bien récolter une seconde étoile. Il est vrai que tout ce que propose ce sorcier facétieux est d’une limpidité éclatante, sous l’oeil sourcilleux de sa soeurette Fabienne, qui explique les menus symphoniques avec patience et science, et la complicité de la savante sommelière Anne Humbrecht – on la vit jadis chez Bernard Begat au Moulin du Kaegy du Steinbrunn-le-Bas, puis, durant seize ans, au Schoenenbourg avec François Kiener – qui joint vocabulaire imaginé et enthousiasme passionné pour commenter les meilleurs crus d’Alsace qui viennent en accompagnement. Ce qui vous attend là ? Du vif, du frais, du sérieux, Comme ce ce fabuleux couplet mariant courge trompette d’Albenga et pleurote jaune avec sa sauce sapide et légère auquel le délicat sylvaner 2021 du domaine Faller à Kaysersberg donne une dimension supplémentaire. On vous raconte tout très vite.
Jacques Rolancy un MOF façon bistrotier chic à Lorgues
Il fut le petit roi niçois de la rue Alphonse Karr, au Rolancy’s et au Bistrot des Viviers. Vaincu par le Covid, Jacques Rolancy a dû fermer ses deux maisons, mais comme le phénix, voilà renaît de ses cendres se transplantant à Lorgues, au coeur de l’arrière-pays varois, jouant une alléchante partition bistronomique. MOF 1996 formé par Pierre Orsi à Lyon, Alain Chapel à Mionnay, Joël Robuchon au Jamin, Philippe Legendre au Taillevent, Jacques Rolancy fut doublement étoilé de l’Auberge des Templiers aux Bézards et, pendant onze ans, chef du Hilton on Park Lane à Londres. Dans la quiétude estivale de l’été, son nouveau restaurant avec grande terrasse, un historique moulin à huile sis au pied de la collégiale Saint-Martin et à deux pas de l’un des plus grands marchés de la région, respire la gourmandise et la sérénité. Pour tout savoir, cliquez là.
Adieu à Jean-Paul Passédat
Il fut, avant Gérald, son fils, l’homme du Petit Nice à Marseille, transformant l’hôtellerie familiale de la corniche Kennedy, qui fut la maison de Lucie, cantatrice émérite, en hostellerie de luxe classée Relais & Châteaux. Lui-même, né à Marseille, en décembre 1933, au sein même du Petit Nice, aura à choisir entre l’Opéra Comique, dont il est titulaire d’un premier prix, et la cuisine, dont il possède un CAP. C’est pour cette dernière qu’il optera, obtenant une étoile, en 1977, puis deux quatre ans plus tard. Il aura fait entre temps creuser une piscine, développant la palette culinaire maison, teintée de racines périgourdines, en hommage à Germain, son père. Entre le pâté de foie gras et le rouget de roche, l’omelette aux truffes et les huîtres de Bouzigues, ce sont ces derniers qui l’emporteront. Jean-Paul Passédat poussera Gérald à lui succéder le faisant déjeuner chez Alain Chapel, où il aura sa révélation, puis l’envoyant, notamment, en stage chez ses amis Guérard et Troisgros, voyant son triomphe et la 3e étoile arriver quand le registre du Petit Nice qu’il aura vu grandir, deviendra purement marin et obtiendra la 3e étoile en 2008, la première de Marseille. A la fois bienveillant et rieur, attentionné et chaleureux, Jean-Paul Passédat, qui nous a quitté la semaine passée à 88 ans, n’aura laissé que de doux souvenirs, transmettant à son fils le goût du beau, le sens du rythme, l’amour des choses bien faites et le goût de faire plaisir aux autres. Condoléances à Gérald et aux siens.
Relève de génération à l’Auberge de la Forêt
L’Auberge de la Forêt, en lisière de la forêt d’Abreschviller, de son petit train touristique, des souvenirs d’Erckmann-Chatrian, et surtout d’Alexandre Chatrian, né tout à côté, à Grand Soldat, où travaillèrent les parents de Christelle Brua, l’actuelle pâtissière de l’Elysée, vous la connaissez par coeur, si vous lisez ce blog avec fidélité. Nicole Risch, qui la porta longtemps à bout de bras et en fit une institution lorraine, a pris sa retraite, laissant la demeure à ses enfants. Hugo Petri, le fiston, qui a fait de belles maisons, comme l’Abbaye de la Bussière en Bourgogne, le Cheval Blanc à Lembach en Alsace et l’Hostellerie de la Montagne des Natali à Combey-les-deux-Eglises,. Il tient les fourneaux avec sagacité, tandis que sa soeur, Alexandra Schmitt, dirige le service avec poigne et sûreté. Les menus ont belle mine, les produits sont de qualité, les préparations soignées et la maison fait face sans mal au succès malgré des pointes de 60 couverts au déjeuner en semaine à 120 le dimanche, avec un service en terrasse sous une magnifique charpente imaginée dans le vaste parc de 3ha, où bientôt, en fin d’année commenceront les travaux d’un projet d’hôtel. En attendant, on se régale là sans manière de choses bien faites et présentées avec élégance. Dont un foie gras mariné au muscat avec son chutney aux abricots ou un fin cannelloni de truite des Vosges aux courgettes au gel de caramel et citron. On vous en parle très vite.
Ohad Amzalleg ou Tel-Aviv à Paris
Il s’appelle Ohad Amzalleg, est né à Beerscheva, en Israël, à l’orée du désert, il y a 50 ans, a travaillé à Tel Aviv, chez Topolopompo, une des tables dans le vent de la capitale gourmande du Proche Orient, ainsi qu’à Jérusalem, au Mamilla Hôtel. Il a repris en mains les fourneaux de Shouk, table levantine de la rue de Lancry dans le 10e à Paris, lancée jadis par Pierre Bouko-Levy, qu’on connut chez Miznon. Il y travaille au sus et au vu de la grande salle façon loft à réveiller les papilles endormies avec une cuisine fine, savante, complexe, haute en couleurs. On démarre avec le pain Mechamena – pain maison d’origine marocaine au miel et aux pistaches, accompagné de labné, dukkah, olives kalamata, piments padron et lieu jaune mariné au paprika. On poursuit avec le duo de chou-fleur, rôti et en crème, avec son jaune d’œuf confit, crumble de chou-fleur au parmesan et feuilles de menthe sucrées salées. Bref, voilà une cuisine drôle, vive, inventive, proche de ce que propose par exemple Eyal Shani à Tel Aviv ou au Mahané Yehuda, par l’équipe d’Assaf Granit et de Uri Navon à Jérusalem. Pour tout savoir, cliquez là.