Les chuchotis du lundi : Camille Delcroix petit roi de Saint-Omer, Eyal Shani à Cannes, Jean Imbert chez Dior, Sables arrive rue la Fontaine, Edouard Chouteau booste la Laiterie, Justin Schmitt au Château Eza, Salvatore Ticca au Montana, Lucas Felzine chez Vesper, la Russie à l’encan

Article du 7 mars 2022

Camille Delcroix, petit roi de Saint-Omer

Camille Delcroix et Valentin Terrier © GP

Il a été le vainqueur de la saison 9  de Top Chef millésimée 2017, fut dix ans durant le lieutenant de cuisine de Marc Meurin à Busnes, s’est installé avec succès dans une demeure ancienne, face à une belle fontaine sculptée du coeur de Saint-Omer, la ville de son épouse Carla. Ce fils de bouchers-charcutiers traiteurs du Valenciennois, né à Saint-Saulve dans le Nord, est demeuré fidèle aux Hauts de France. Il a bien failli rejoindre son mentor de Top Chef, le « chaud bouillant » Philippe Etchebest, pour l’ouverture de sa neuve table bordelaise, Maison Nouvelle. Mais il est bien là, fringant, dans sa belle demeure du coeur de Saint-Omer, avec son équipe nombreuse et motivée, son second et ami d’enfance, Valentin Terrier. Sa belle énergie, son amour des légumes, des poissons, des produits du Nord, fromages, viandes, charcuteries, transparaissent dans ce qui apparait comme une cuisine du coeur. Le nom de sa demeure : « Bacôve », qui désigne le long bateau traversant les marais. Son  joli couplet d’entrée sur le thème des endives au jambon avec la tomme de Saint-Omer exprime sa profonde déférence envers les riches saveurs du Nord.

Eyal Shani à Cannes

Eyal Shani © DR

C’est la jolie nouveauté de Cannes côté hôtel et table : un lieu signé signé Samy Marciano à qui on doit, à Paris, l’Hôtel National des Arts et Métiers et le Bachaumont, qui vient de lancer le 3e volet de son groupe hôtelier le Clé Group avec l’Hôtel Belle Plage. La belle surprise gourmande du lieu : la cuisine signée par Eyal Shani, le roi de la street food israélienne à Tel Aviv, à qui on doit, notamment Miznon, Port Saïd, Salon, Abraxas North, qui a déjà essaimé son talent à New-York, Paris et Melbourne, qui proposera là, en « roof-top » avec vue sur la mer,  à l’enseigne de « Bella », un « hymne au partage, à la générosité et à la fête autour des grands classiques revisités de la cuisine provençale, d’Israël ou du Liban, dans un esprit de détente« . Ouverture : le 16 mars. Le chef exécutif sur place sera James Chauchat-Rozier qu’on a connu à l’hôtel de la Tour à Cannes et aux thermes marins de Trouville, et qui a notamment travaillé en Corse au Belvédère puis à la Casadelmar, avant le Cheval Blanc le Courchevel, le One & Only The Palm à Dubaï et au Cap d’Antibes avec Philippe Jego aux Pêcheurs.

James Chauchat-Rozier © AA

Jean Imbert chez Dior

Jean Imbert chez Dior © JI

On vous l’annonçait il y a quinze jours : Jean Imbert ouvre sa table chez Dior, avenue Montaigne, soit quasiment vis à vis du Plaza Athénée avec l’aide de son chef exécutif du groupe Cheval Blanc, Anthony Clémot. Il s’en est longuement expliqué sur son compte Instagram vendredi dernier, évoquant les difficultés de ce projet finalement abouti et qui devrait être un des événements du printemps. « Il y a presque 3 ans, la Maison Dior m’a proposé de réfléchir à un dossier pour devenir le chef de la boutique historique du 30 Montaigne. Avec pratiquement aucune chance que cela aboutisse. Ce dossier je l’avais appelé MONSIEUR DIOR. Des semaines dans les archives de Dior rue de Marignan, 15 versions du dossier, des rencontres à la Colle Noire, à Granville, des dizaines de tasting, des zooms à n’en plus finir avec Peter Marino, des centaines de détails sur les arts de la table à créer avec Olivier, 3 cuisines à dessiner de zéro, les moments dans l’atelier avec Kim pour créer les vestes de cuisine, les travaux et ses complications, le recrutement de 65 personnes autour d’Antony, les dîners chez Pietro pour me rassurer, une vingtaine de versions de la carte, la création de ma première pâtisserie dans un jardin au milieu de la boutique, le travail sur le packaging avec Diva, toutes les choses qu’on ne peut pas raconter, 3 ans de travail jusqu’au dîner d’hier soir… Au début, presque personne ne croyait en mon dossier et à mon nom: MONSIEUR DIOR. Mais dimanche c’est bien MONSIEUR DIOR qui va ouvrir ses portes et je suis fier quand je repense au travail accompli et à mon dossier d’il y a 3 ans.  J’ai la chance que toutes ces personnes incroyables me fassent confiance et le fait que le groupe LVMH me confie cette responsabilité est un véritable honneur. Maintenant hâte de vous recevoir, j’ai voulu créer dans ces lieux un hommage à l’homme passionné de cuisine qu’était Christian Dior. Il s’est installé Avenue Montaigne en 1947 pour une raison: être en face du Plaza Athénée, petit clin d’œil du destin 😉.«

Sables arrive rue la Fontaine

La façade de « Sables » © GP

Ce sera finalement un restaurant marin, hommage à la mer et au berceau familial de Sables-d’Or-les-Pins, dans les Côtes d’Armor. L’ancien Mamie de Jean Imbert, qui se nomma jadis l’Acajou, au 35 bis rue de la Fontaine à Paris, s’apprête à rouvrir sous le nom de « Sables ». Aux commandes, Léopold, 25 ans, le petit frère de Jean à qui le chef du Plaza-Athénée et de Monsieur Dior « prête » sa table, et qui a travaillé, en salle, aux « Bols de Jean », puis avec Laurent de Gourcuff pour Paris Society. L’ouverture devrait se faire dès la semaine prochaine. La galerie de Raphaël Imbert, l’autre frère de Jean, contigüe du restaurant, est transformée, elle, en espace de co-working.

Edouard Chouteau booste la Laiterie à Lambersart

Edouard Chouteau © GP

La Laiterie de Lambert, chic et gourmande, sise dans un recoin quasi-champêtre du « Neuilly Lillois », on le connaît de longue main. La maison fut largement starisée au temps du formidable Benoît Bernard, puis changea non de style mais de genre, sans dévier de la ligne bleue de la qualité sous la gouverne de Nico Gauthier, puis Christophe Scherpereel. La maison, rachetée par Pascal Boulanger, qui possède plusieurs tables de renom dans la région, dont l’Arbre à Gruzon et le Court Debout continue sur sa lancée avec le jeune Édouard Chouteau. Ce Lorientais de 29 ans, formé chez Henri et Joseph avec Philippe Le Lay et à l’Amphitryon de Jean-Paul Abadie, a travaillé à Paris pour de grands chefs, comme Pierre Gagnaire (Le Balzac), Éric Frechon (Le Bristol), Alain Passard (l’Arpège) et Christophe Pelé (Le Clarence) et gagna une étoile au restaurant Anne du Pavillon de la Reine place des Vosges. Il joue ici le produit de saison et de proximité, mettant l’accent sur la fraicheur, la modernité et la technique, inscrivant la demeure dans son époque. Son style néo-flamand et volontiers terre/mer, sans négliger le végétal, les produits de luxe, comme la truffe et le caviar, plus le meilleur des côtes environnantes. Ses splendides amuses bouches qui ont nom flamiche au pavé de Cassel, »Laiterie » (avec lait caillé aux herbes), plus la trilogie huître, cochon, caviar, œufs au pluriel (à la poutargue), les saint Jacques crues avec herbes et lard, brioche feuilletée, beurre aux algues, font de bien jolis clins d’oeil gourmands aux Hauts de France.

Justin Schmitt au Château Eza

Justin Schmitt © DR

Il fait contre mauvaise fortune bon coeur. Avait quitté Paris et le restaurant Laurent, pour créer sa table en principauté de Monaco dont son épouse est originaire. Ex-chef de la brasserie du Crillon, après avoir travaillé aux Ambassadeurs, au Bristol, à la Grande Cascade et au Grand Véfour. Justin Schmitt, avait le projet d’un restaurant indépendant du côté du Rocher et d’un potager bio en Ligurie. Mais, faute d’avoir trouvé les investisseurs  adéquats, ce sera pour plus tard. Le voilà, en tout cas, à une dizaine de kilomètres des parages monégasques, devenu le chef exécutif du Château Eza à Eze-Village. S’y illustrèrent, jadis, de nombreux chefs de talent, comme Dominique le Stanc ou Bruno Cirino, mais aussi Axel Wagner et plus récemment Matthieu Gasnier. Tous les espoirs étoilés sont en tout cas permis au fringant Justin …

Salvatore Ticca au Montana

Salvatore Ticca © GP

Salvatore Ticca, ce chef sarde, qui est chez lui dans son antre du 15e (Shardana), on vous en a parlé il y a deux ans et demi. Comme d’ailleurs du Montana, cet hôtel si germanopratin et mythique, revisité il y a sept ans. Faire coïncider les deux tient de la prouesse. Voilà, en tout cas, le talentueux et inventif Salvatore investissant deux étages de ce lieu un peu secret, sis rue Saint-Benoît, tout à côté du Flore. Le service féminin allie charme et compétence, le choix de vins fait la part belle à la Sardaigne comme à la Sicile et si les prix à la carte volent haut, les prix du menu de midi (34€, la formule, 42€ la totale) donnent ici l’envie de venir tenter une expérience gourmande pleine de tonus. Huître à la compote de pomme et agrumes, « tonno scottato », un tataki de thon rouge aux poireaux frits, crème de châtaigne et pomme, « carpaccio di  ricciola » (de sériole)  avec oignons à la myrte en aigre-doux, tomate confite, orange et burrata ou encore le « battuto de gambero rosso », les grosses crevettes rouges de Sicile « battues » en carpaccio, additionnées de mozzarella de bufflonne, citron vert et champignons de saison font des entrées toniques. On vous en reparle vite.

Lucas Felzine chez Vesper

Lucas Felzine chez Vesper © DR

Lucas Felzine ? Il fut le premier apôtre franco-français de la cuisine « nikkéi »– entre la rencontre des sushis et des ceviches, du Pérou et du Japon – à Paris, près des Tuileries et du Meurice, à l’enseigne de Uma. Juste après le premier confinement, Lucas Felzine s’est mis à jouer un registre très tel-avivien – est-ce un hasard si sa belle-mère tient un traiteur à Jaffa? – à l’enseigne d’Abstinence, à deux pas de l’Ecole Militaire, sous la bannière de Guillaume Bénard du Fitzgerald.  Le voilà désormais, toujours avec le même Guillaume Bénard, revenu à ses amours « nikkéi », avenue Bosquet. Cela s’appelle Vesper. Avec son fidèle compère Nicolas Sabre et le maître ès sushi Mitsuo Miyauchi, ancien de Kinugawa, il délivre une partition mixte et condimentée pleine de séduction. Le cadre, signé du designer espagnol Lazaro, joue le chic et la sophistication avec séduction. Quant aux desserts, signés du pâtissier Rémi Guérin, ancien du Brach, de Sinner, de Jeffrey Cagnes au temps du Casse-Noisette, dont le millefeuille chocolat, avocat et sobacha constitue le morceau de bravoure, ils représentent la cerise sur le gâteau dans la demeure.

La Russie à l’encan

La guerre en Ukraine fait des dommages gastronomiques collatéraux. Chez Gault-Millau, le russe Vladislav Skvortsov a, dès le début du conflit, quitté la présidence du conseil d’administration pour laisser sa place à l’administrateur, de nationalité suisse, Patrick Hayoun. Chez Michelin, qui avait lancé avec éclat, un guide rouge Moscou, soutenu par le maire de la ville, le très poutinien Sergueï Sobianine, la direction a pris la décision de suspendre toute activité de recommandation de restaurants en Russie, expliquant notamment :  « nous avons fait le choix de ne pas promouvoir la destination Moscou. Il n’y aura donc pas de mise à jour de la sélection Moscou cette année et les projets de développement du Guide Michelin en Russie sont, pour l’heure, gelés. » A Paris, la Maison Russe, lancée avec succès fin octobre, par le groupe Paris Society, dans l’ancien hôtel particulier Art nouveau, qui abrita les maisons Robuchon puis Ducasse, a changé de nom: c’est désormais la Maison R

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