La Nouvelle Auberge

Martine, Bernard et Charlotte Leray © GP

Bernard Leray ? Cela doit faire trois à quatre décennies que je suis ce grand chef breton rallié à l’Alsace via son épouse Martine let devenu l’artiste des des hautes terres vers le val de Munster, le ciseleur zélé des produits rustiques et de montagne, sachant mettre tous les goûts d’ici dans ses assiettes, quoique sans oublier sa terre d’Armor et d’Argoat. Bref, ce Rennais passé chez Bernard Loiseau à Saulieu, Philippe Bohrer à Rouffach, que l’on connut jadis comme chef du Mas des Sources à Malataverne, dans la Drôme, est devenu les plus aslacien des chefs d’ici, prouvant à qui en douterait que Bretons et Alsaciens étaient un peu cousins.

Amuse-bouche © GP

Le foie gras chaud GP

Depuis un quart de siècle, sur son bout de route, il a fait de ce qui fut jadis un routier une auberge de grand style : bistrot au rez de chaussée, table de grand style au premier étage. Il y a le cadre rustique, les poutres, la mise de table soignée, le comptoir/desserte où trône la collection de chartreuses de Voiron – tiens, tiens, comme chez Manu Renaut à Genève, avec qui il partage le même fournisseur de poissons du Léman, Eric Jacquier. On ajoute que sa fille Charlotte est revenue à la maison, relayant, après ses classes en salle chez Café-Terroir à Lyon, maman Martine au service.

La féra © GP

Autant dire que tout baigne ici dans la béatitude et la justesse. Les menus sont un bonheur, la carte des vins est, sans nul doute, la plus intelligente d’Alsace avec tous les crus et lieux dits expliqués par leur sol et leur géologie et que le rapport qualité-prix y est exceptionnel. On débute par un muscat du voisin Schoenheitz ou un crémant rosé de la cave de Turckheim, histoire d’accompagner dignement les amuse-bouche qui font un malicieux clin d’oeil aux traditions et aux produits de la région.

La soupe d’escargots © GP

Mousse de betterave, radis en pickles, bibeleskäs (le fromage blanc aux herbes), chevreuil fumé ou la mettwurst (la saucisse paysanne) font une belle introduction à ce qui va suivre. Ainsi, l’extraordinaire soupe d’escargots du « colimaçon »avec leur jus de persil aillé, consommé de bœuf en tasse et tartine de fricassée d’escargots, le houmous revisité avec ses tuiles au pavot, ses légumes d’ici, la féra marinée avec mousse de ventrèche, condiment citron amandes et champignons de Paris ou encore l’escalope de foie gras chaud de canard, sa tapenade d’olives vertes, sa mousse d’anchois et son fin consommé.

Le homard © GP

Les vins suivent, comme le grand riesling 2010 minéral et un rien exotique du grand cru Kitterlé du domaine Schlumberger à Guebwiller ou encore le splendide pinot noir Linsenberg de Schoenheitz 2015 qui se marie aussi bien avec le superbe homard bleu (sang breton ne saurait mentir!) aux cocos de Paimpol, girolles et salicornes, jus des carapaces, qu’avec les beaux instants carnassiers que constituent l’agneau en côte et filet, jus d’agneau, ras el hanout, compression de ratatouille ou encore le dos de chevreuil avec purée de céleri cuit au foin du petit Ballon, betteraves et fruits rouges.

L’agneau © GP

On achève sur les jolies douceurs (meringue, mousse et crémeux de chocolats Cluizel, craquant de pralin et gavottes, plus glace chicorée et crème Tonka ou abricots avec oreillons poêlés, sorbet abricot, crème d’amande et pralin maison, sans négliger en liminaire le « siasskas », c’est à dire le traditionnel fromage blanc au kirsch de la vallée de Munster. La maison n’a qu’une seule étoile? Une injustice de plus du Michelin qui a bien du mal à retrouver en Alsace le sens des vraies valeurs…

Le chocolat © GP