Le Jardin au Richemond
« Genève : un jardin gourmand »
Le cadre soigné de salle à manger tranquille, néo art déco, qui se transforme le matin en salle de petit déjeuner élégante, la terrasse d’été, le service au plus que parfait, sous la houlette d’un ancien du Bristol côté 114 Faubourg: voilà la table chic du Richemond, palace élitaire du cœur de Genève, à fleur de Léman. Aux fourneaux, officie le jeune Philippe Bourrel, 32 ans, corrézien élevé en Savoie, passé chez Bouvier à l’Essentiel, puis au Taillevent et au Plaza Athénée à Paris joue une partition moderne qui ne néglige pas les produits locaux.
Des photos en noir et blanc, aux murs du restaurant, rendent d’ailleurs hommage à quelques uns des meilleurs producteurs helvètes. Manière de dire que ce qui se propose là se veut à la fois vertueux, réfléchi, enraciné. Ce qui vous attend ? Des mets frais au gré de la saison, esthétisants, certes, plus quelques gadgets, mais aussi des cuissons précises et des assaisonnements justes.
Ainsi l’émietté de tourteau, avec son condiment citron et caviar de hareng ou le céviche de daurade royale avec son siphon à la pomme, en préliminaires, comme les Saint Jacques poêlées au butternut, parfumées aux agrumes Bachès, le saint-pierre de ligne aux endives et truffes d’automne ou encore le homard rôti au beurre de crustacés, avec ses châtaignes et sa piora (le « gruyère » tessinois).
L’un des morceaux de bravoure de la demeure? La « simple » selle de chevreuil rôtie, sauce poivrade, avec ses champignons sauvages dits cornes d’abondance et son céleri fumé. Cela file, certes, un peu dans tous les sens, frise le gadget et frôle le moléculaire (comme le tourteau façon sphère en liminaire) mais cela retombe sur ses pattes avec des choses plus terre à terre (ainsi le joli chevreuil à la cuisson maîtrisée).
Les desserts du pâtissier Sébastien Quazzola coulent de source. Ainsi le joli baba aux fruits exotiques, la pomme golden confite au caramel cidré, croquant de sésame et sorbet au cidre, l’orange sanguine, coeur coulant praliné noisette, la savante truffe noire reconstituée, l’alliance cèpe/chocolat, sur le mode de la « promenade d’automne » initiée par Régis Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid, jouent le festival de douceurs malicieuses.
Côté vins, on joue le festival suisse, avec l’arvine Phusine de Steve Bettschen, le rubicond gamay, gamaret, garanoir au domaine du Moulin de Luna May de la Côte en Canton de Vaud, le merlot du Tessin Tera Creda de Trapletti ou encore l’admirable ermitage flétrie à Leytron des frères Philippoz en Valais. Bref, voilà une jolie table en devenir.