Les chuchotis du lundi : Dellos, Ducasse et Pouchkine, les provocations de Mathieu Pacaud, la carte blanche de Perol, le devenir du Lancaster, le haché menu de Rubin, la table de Polmard, Dorr à l’italienne, le flop des GTDM, Kei version sushi, la nouvelle maison Kieny
Dellos, Ducasse et le Café Pouchkine
Le Café Pouchkine, à Moscou, c’est lui : une pure invention baroque en hommage à la chanson de Gilbert Bécaud, Nathalie. Andrey Dellos, franco-russe, qui fut étudiant aux Beaux Arts à Paris, a créé son Café moscovite pour le centenaire de l’écrivain Pouchkine, en 1990. Cette année, c’est à Paris, au 16 la place de la Madeleine, qu’il ouvre fin novembre son nouveau Café Pouchkine, sur 600 m2 avec ses staffs, lustres, moulures, beaux objets et meubles chinés, qui donnent l’illusion d’un lieu du XVIIIe, avec son étage, son bar, ses salons. Au programme, une vraie cuisine, mitonnée en collaboration avec le cuisinier-voyageur Alain Ducasse, qui, pour l’occasion, avec son label d’intervention ponctuelle « Ducasse Conseil », s’est penché sur les recettes russes d’antan. Tarte fine de cèpes aux écrevisses, millefeuille de harengs mimosa, esturgeon en fine gelée au caviar d’Aquitaine jouxteront les « snackings » originaux : le club blinis au saumon, les œufs Bénedict sur blini, bortsch, bœuf stroganoff ou pithiviers voisineront avec les douceurs de la pâtissière Nina Métayer, venue de chez Jean-François Piège: matriochka aux noix, pavlova aux fruits rouges, bostock aux fruits confits et medovic au sarrasin. Horaires prévus : 7h30-23h, tous les jours.
Les provocations de Mathieu Pacaud
Lundi dernier, peu avant dix heures, il menaçait de « nous envoyer direct au pénal » si on ne rectifiait pas les informations concernant une possible fermeture d’Histoires et nous donnait jusqu’à midi, sinon… Devant notre silence, il se contentait de signaler, sur sa page Facebook, qu’il n’avait pas l’intention de fermer Histoires et qu’il nous y attendait, avec trois de nos guides qu’il venait d’acheter ce matin même, en nous félicitant ironiquement pour notre « travail d’investigation« . Quelques semaines auparavant, il nous sommait, par lettre recommandée, de plus le mentionner et de retirer articles et photos le concernant, de nos guides et de nos textes en ligne. Mi-octobre, il s’en prenait aux « papys stars de la gastronomie« . En notant : » les vieux lions, il faut les bousculer un peu, ça va leur faire du bien« . Jusqu’où ira Mathieu Pacaud ? Il n’apparaît, en tout cas, juridiquement dans aucune des affaires dont il est le prête-nom (Hexagone, Histoire, Divellec), prétend avoir racheté Apicius, où il doit s’installer en janvier et doit toujours ouvrir à Macao sous le nom de l’Ambroisie une table dans le palace du milliardaire chinois, Stephen Hung. Même si l’ouverture semble remise sine die. Tout cela ne serait-il qu’un château de cartes ? L’avenir nous le dira…
La carte blanche de Jean-Philippe Pérol
Nouvelle déco contemporaine, nouvelle enseigne, nouveau style: c’était la Table du Baltimore, c’est devenu »Carte Blanche » et c’est la nouvelle bonne table de l’avenue Kléber, qui devient ces temps-ci très gourmande. Dans l’hôtel Baltimore, affilié à Sofitel, revu chic, sobre et contemporain, la table maison s’inspire des idées du moment revues librement par le chef Jean-Philippe Pérol, présent là depuis seize ans. Cet ancien de chez Anton au Pré Catelan, qui eut jadis là son étoile, joue la ronde des produits de saison orchestrée avec brio et une certaine simplicité. Des exemples? Le frais saumon en gravlax et tartare aux herbes au piment d’Espelette, le joli foie gras de canard mi-cuit au naturel, avec ses figues confites au miel, roquette, noix ou encore le potiron entier, évidé, farci aux légumes de saison et de châtaigne avec son joli et frais sabayon. En prime, les idées vineuses du président des sommeliers de Paris qui officie là depuis deux décennies, Jean-Luc Jamrozik. On en reparle!
Le devenir du Lancaster
Le Lancaster, rue de Berri ? C’était la table chic, snob, ambitieuse, dans l’hôtel un brin british des abords des Champs-Elysées, d’abord sous l’égide de Michel Troisgros, puis de Julien Roucheteau, c’est devenu une halte relax, toujours gourmande, plus jeune d’allure, plus jeune d’esprit, sous la gouverne du jeune duo de cuisine Sébastien Giroud et Julien Gras, le premier en leader éclairé, venu de l’Oustau Baumanière aux Baux de Provence, Relais Bernard Loiseau à Saulieu, Stéphanie Le Quellec, Eric Frechon au Bristol, qui donne son ton au nouveau lieu nommé « Monsieur Restaurant ». Son ambition, faire voyager le parisien et la parisienne de hasard à travers les régions française et ses meilleurs produits enracinés. A suivre.
Le haché menu d’Emmanuel Rubin
En psychanalyse, cela s’appelle le meurtre du père. En littérature, l’affirmation de soi. Dans le journalisme, le moment où l’on arrive ou l’avènement. Voilà donc Emmanuel Rubin, le chroniqueur artiste et talentueux du Figaroscope, publiant, le 26 octobre prochain, son « haché menu« , créé jadis par François Simon, exfiltré du Figaro, aujourd’hui au magazine « M le Monde », démontrant, s’il en était besoin, qu’il possède son propre esprit et son style personnel, à la fois imagé, constructif, savoureux et toujours surprenant, rassemblant quatre ans de chroniques aux éditions Erick Bonnier. L’ironie du sort vaut que le livre soit dédié, entre autres, au créateur de la rubrique, mais aussi à ses amis du Figaroscope, comme à ses confrères chroniqueurs, y compris votre serviteur, et à quelques personnages inattendus, comme l’aventurier escroc de la Jeune Rue, Cédric Naudon… Surprenant Rubin !
La nouvelle table d’Alexandre Polmard
Jeune boucher d’élite à à Saint-Mihiel en Meuse, proposant ses belles viandes congelées (il dit « hibernées« ), sous-vide, et longuement maturées dans sa boucherie parisienne de la rue Bourbon le Château, à Paris dans le 6e, côté Saint Germain des Près, livrant en direct à ses restaurateurs supporters (Bruno Verjus chez Table dans le 12e, Pierre Négrevergne en sa Terrasse Mirabeau, dans le 16e), Alexandre Polmard vient d’ouvrir sa première boutique/restaurant en Lorraine. La maison, qui en annonce d’autre, propose charcuteries, belles viandes rouges et volailles, au rez de chaussée, mais aussi plats, assiettes de boeuf de séché, entrecôte et tartare, plus de jolis desserts (ganache de panais et chocolats blancs) à deux pas de la place Stanislas, à Nancy. Cela vient juste d’entrouvrir ses portes, mais le succès est là. On vous en reparle très vite!
Garry Dorr joue la carte italienne
C’était le maillon faible de l’empire Dorr (Bistrot & Co, les Bar à Huîtres) sous le nom de « Bistrot Melrose ». Garry, le fiston du créateur du groupe Willy Dorr, a transformé ce qui était une table banale prônant le tout compris pas cher en italien à la mode. Décor inspiré des loft new yorkais, signé de l’architecte d’intérieur Pierre Canot, sur trois étages, avec sa terrasse chauffée, ses pizzas géantes et soignées, son jambon d’élite façon culatello de Zibello, ses divers risotti issus de riz Acquerello, ses spaghetti (maison) fait à la chitarra et sa splendide mozzarella DOP en direct des Pouilles, le tout ordonné par le maestro Massimo Curti et une équipe largement transalpine: c’est, sous le nom de « The Little Italy » une jolie pierre italienne lancée depuis le 5, place Clichy (côté 17e) en direction du duo Lugger-Seydoux, qui mène la danse transalpine mode et bonne, de l’autre côté de la place, mais vers Pigalle, dans le 9e, angle rue de Douai/rue Duperré, au Pink Mamma. On en reparle vite…
Les GTDM mettent à côté de la plaque
Ils sont contents d’eux, s’autocongratulent, se photographient en smoking face aux gratte-ciel ou façon « Ocean Eleven » au sommet de Big Apple, décernent des trophées qui indiquent qu’il n’y a guère de vérité en dehors de leur association : les Grandes Tables du Monde, présidées par David Sinapian, qui jettent des pierres dans le jardin des Relais & Châteaux désormais moins glamour, ont récompensé Louis Villeneneuve, maître d’hôtel historique – et en fin de carrière – de l’Hôtel de Ville à Crissier, comme « meilleur maître d’hôtel du monde« , Jean-Pierre Vigato, qui vient d’annoncer la vente d’Apicius, comme « meilleur restaurateur français« , Will Guidara, le co-associé du Eleven Madison Park, classé n°1 au 50Best, »meilleur restaurateur étranger« , Maguy Le Coz, la reine du Bernardin, comme « prix d’honneur« , sans omettre le trophée de « meilleur pâtissier du monde » attribué à Cédric Grolet, du Meurice, dont on sait qu’il n’est pas forcément le meilleur pâtissier de sa rue (Sébastien Gaudard est à deux pas, Angelina, tout à côté). Nul n’ignore, à Paris, que le meilleur pâtissier de palace aujourd’hui se nomme Maxime Frédéric, qu’il officie au George V et l’on donne toutes les « créations » de Grolet (prochainement édité par Alain Ducasse et programmé le 26 octobre) pour la (magique) fleur de vacherin de Frédéric. Mais il fallait sans doute donner un hochet à Alain D. absent du congrès…
Nice : Kei Matsushima version sushi
Sans doute a-t-on reproché à Kei alias Keisuke Matsushima la diversité de ses bistrots à thème, le Poséidon rue Gubernatis, avec son côté mer, l’École de Nice rue de la Buffa, avec son côté nissard, ou encore ses fréquentes absences et ses nombreux voyages au Japon dans les trois restaurants dont il s’occupe ? Mais après la perte de l’étoile de sa table gastronomique rue de France à Nice, il lui a bien fallu se remettee en question. Kei a donc décidé d’y faire en toute simplicité une cuisine plus spontanée, quoique toujours savoureuse. Il compte aussi en améliorer le confort avec un nouveau mobilier. Sa dernière création se fera dans l’espace qui a vu naitre son premier mini restaurant à Nice: Kei Passion, place Croix de Marbre, va devenir, à partir du 23 octobre, un bar à sushi, façon Kei, avec un sushiman expert qui concoctera ses délices devant la clientèle. Vu le nombre de tabourets, sept, on peut s’attendre à des tarifs en adéquation. On en parle prochainement.
Mulhouse : la nouvelle maison Kieny
On se souvient de Jean-Marc Kieny, qui fut notre chef de l’année au Pudlo Alsace 2013. Il venait d’être élu président des « étoilés d’Alsace », après avoir repris avec succès la succession de son père André, décédé en janvier dernier, dans une maison centenaire, où il avait obtenu l’étoile très vite. Cet ancien de chez Lameloise, Jung, Stucki, Outhier, visait haut. Décédé en mai dernier des suites d’un infarctus, après trois semaines de coma à 55 ans, il laisse une maison de belle allure dans le faubourg de Riedisheim, en lisière de Mulhouse. Son épouse Mariella a repris les choses en main avec vigueur, rebaptisant ce qui fut la Poste en « Maison Kieny », s’entourant des collaborateurs de son défunt mari: ses deux adjoints de cuisine Guillaume Breta et Arnaud Meregnani, plus le maître d’hôtel Adrien Stoffel, notamment passé au Clos des Sens. Les desserts sont confiés au frère de Jean-Marc, Laurent Kieny, qui tient la pâtisserie voisine à son nom.
Bonjour,
Merci pour cet article.
sylvain de kerviel
Effectivement, il arrive que GP laisse parler son coeur et nous évite d’avoir à lire entre les lignes pour savoir ce qu’il en est vraiment. Bravo pour ce coming out ! Encore un effort… on aura peut-être bientôt un avis sur la pertinence de décerner le titre de ‘meilleur restaurateur français’ à Vigato et, qui sait, un jugement sans complaisance de quelques chefs posant fièrement sur la photo, par exemple JFP et YA…
« Mais il fallait sans doute donner un hochet à Alain D. » #punchline ! Pour une fois que Pudlo dit du mal d’Alain Ducasse, ça fait du bien.
J’avoue que la schizophrénie de certains chefs commence à faire peur… Un chef qui cuisine, un restaurant, point barre ! C’est ma philosophie et celle de plus en plus de gastronomes, puissions-nous au moins l’espérer…
Cher Guy, tes compliments me touchent mais c’est à Gilles qu’ils doivent aller, surtout pour celui-là. Au plaisir de te revoir à Paris ou surtout sur la Côte.
Excellent travail cher Alain et bravo pour ton article sur le prétentieux et pas génial « chef » Pacaud Mathieu
Au plaisir de te revoir
Guy
Etes-vous bien sûr que Polmard livre sa viande à Bruno Verjus ‘restaurateur supporter’ ? Il l’a certes été en faisant connaître Alexandre Polmard aux Parisiens il y a quelques années, notamment au festival Omnivore, mais il en est sans doute nettement moins ‘supporter’ aujourd’hui… ce qui ne diminue pas la réussite méritée du boucher-éleveur meusien !