Les Ducs de Lorraine

Claude Obriot et Stephane Ringer © Maurice Rougemont

Il n’y a pas que de belles images à Epinal … La gourmandise joue désormais son rôle avec art au cœur de la capitale des Vosges. Je vous ai parlé du très tendance Citizen. Mais la table vedette et institutionnelle se nomme, et depuis belle lurette, les Ducs de Lorraine. Aux commandes, un duo original : l’ancien Claudy Aubriot et le plus jeune Stéphane Ringer. Le premier joue le vieux briscard modèle, tandis le second incarne le jeune loup, connaissant ses classiques avec art. Reste que tous les deux rusent avec les us et les coutumes de la région. Ils n’ont pas leur pareil, dans une demeure néo-classique façon Tudor, très manoir anglais à fleur de Moselle, pour conter la cuisine d’ici, qu’on aime de tout temps lorsqu’elle se fait agile.

Atmosphère © Maurice Rougemont

Le premier avait créé l’enseigne jadis dans une belle demeure bourgeoise aux abords. S’associant avec son cadet, il a déménagé de quelques pas avec profit. On a ici désormais plus d’aise pour découvrir une cuisine de tradition régionale subtilement remise au goût du jour. La beauté du lieu, sa clarté, ses tables espacées, le bois nobles, les stucs, les rideaux, les bords du fleuve proche forment un écrin de choix. Il y a même là quelques chambres de charme gérées par une équipe différente, aux étages supérieurs qui se transforment en galerie d’art, autant qu’en quatre étoiles (le moins cher de sa catégorie !). Côté plaisirs de la table, c’est le bonheur à feu continu, au gré de menus malicieux autant qu’équilibrés.

Plats © Maurice Rougemont

Le pâté lorrain avec sa fine pâte brisée, sa farce fine, œufs et porc, sa petite mâche bouclée à l’huile de noisette, la crème mousseuse de champignons aux escargots frais de Cleurie rehaussé de cacao amer, comme le dos de sandre de rivière juste poêlé et servi avec un joli risotto crémeux aux asperges. Il y aussi le pigeon du colombier du presque voisin M. Mougeolle avec ses jeunes carottes de couche au cumin et son jus réduit légèrement miellé. Bref, voilà une cuisine lorraine rajeunie qui vous attend là comme du grand art. On imagine Stanislas Leczynski, roi de Pologne en exil, duc et bienfaiteur de la région, se repaître avec plaisir de cette cuisine pour hobereau aux goûts aristos. Ni chichi, ni esbroufe, mais du sûr, du vif, de l’éprouvé.

Agnès Aubry au service © Maurice Rougemont

Claudy apprit jadis le métier chez Point à Vienne, avant de parfaire son art classique dans les hôtels de cure de Contrexéville et de Vittel. Stéphane, lui, a travaillé chez le grand voisin Jean-Claude Aiguier, qui fut, à Epinal après Remiremont, à l’enseigne des Abbesses, le Robuchon de ces parages gourmands.

Le chariot de fromages © Maurice Rougemont

A quatre mains, ils composent une cuisine adroite où le meilleur de la région est à la fête. En dessert, le soufflé à la mirabelle, avec ses fruits, son eau de vie, sa glace, compose un monument du genre. On y ajoute une carte des vins habile, avec en liminaire l’auxerrois en fût neuf du château de Vaux des Molozay ou le pinot noir alsacien des Lorentz de Bergheim.

Service des vins © Maurice Rougemont

Assez, avec la mirabelle d’Hubert Grallet à Rozelieures, in fine, pour se dire que la Lorraine vaut bien un duché, Epinal une messe et ces Ducs un éloge sans fin, pour rendre aussi bel hommage à une région gourmande, amoureuse de ses belles traditions.