Le Pont aux Chats

Valère et Véronique Diochet © GP

Il était le poète maudit de la Krutenau, l’artiste sans étoile pratiquant la cuisine de haut niveau, dans un cadre de taverne simple, mais tendance. Voilà Valère Diochet jouant une carte insolite: celle du gastro à tarif bistrot. Ce Vendéen intrépide, gagné à l’amour de l’Alsace, resté quinze ans sous la férule d’Antoine Westermann, au Buerehiesel, après des classes – tenez vous bien – chez Guy Savoy à Paris, Bernard Loiseau à Saulieu, le Cerf à Marlenheim, sans omettre le Négresco au temps de Jacques Maximin, puis de Dominique le Stanc, s’est rallié avec aise aux vertus du bon rapport qualité/prix. Et de ce point de vue, avec son menu unique à 16,80 € (servi le midi depuis deux mois et qui le sera midi et soir à partir du 15 janvier), il s’affirme comme le champion du genre.

Vitello tonnato © GP

On songe d’ailleurs à la démarche de Le Stanc quittant les ors et paillettes du Négresco pour la simplicité de la Mérenda, disant adieu à la cuisine de palace pour jouer le bouchon niçois à petits prix. De la même façon, Valère et son exquise Véronique anime leur demeure simple avec entrain sans chichi et sans apprêt, proposant de beaux produits, certes, mais fuyant tout luxe inutile, jouant la rustique version raffinée, mais sans ostentation d’aucune sorte.

Tête de veau et purée de cornichons © GP

Imaginez que cet artiste rare aux doigts de magicien, ancien du trois étoiles du Parc de l’Orangerie (le bon « Bubu » de tonton Antoine) sert pour le tarif sage de 16,80 € une marmelade d’aubergines aux crevettes et huile pimentée, une superbe tête de veau finement tranchée avec sa purée de cornichons et sa vinaigrette tiède aux oeufs durs façon gribiche, sans omettre un vitello tonnato à sa manière avec des artichauts poivrades, ou encore un bouillon de poireaux pommes de terre aux oignons et moules, sans omettre une terrine de volaille au poivre concassé. Ceci pour le côté hors d’oeuvre jolis et exquis, pleins de verve et de sapidité, de goût vrai et de bon sens.

Cabillaud et lentilles « beluga » © GP

Il y aussi des plats savants et fin comme ce dos de gros cabillaud breton cuit vapeur avec  ses petites lentilles bios dites « beluga », son jus de bouillabaisse bien relevé, ce boeuf à la niçoise et au vin rouge et aux gnocchi de pommes de terre au pesto, très Le Stanc, comme les cannellonis aux herbes et jus aux aromates plus roquette, ou encore la très alsacienne bouchée à la reine, avec veau, poule, champignons de Paris, crème et gnochetti ou encore le boudin basque au piment d’Espelette et chou braisé.

Bouchée à la reine © GP

En dessert, il y a le joli savarin au rhum, la crème renversée à l’orange ou la belle Tatin fondante du jour. Et, côté vins, le riesling de Maurice Schoech se boit sans mal à la régalade. Voilà, vous l’avez compris, la demeure strasbourgeoise, bonne, savoureuse, peu chère, malicieuse et gaie, à visiter au cœur de la Krutenau. Un seul mot d’ordre: réservez!

Savarin au rhum © GP