La Lorraine

Marcel, Lucien, Christine Keff © Maurice Rougemont

Dans les guides, cette auberge, issue d’une commune en « Z », est, immanquablement, la dernière citée. Mais elle est aussi la dernière – ou la première- avant – ou après- la frontière luxembourgeoise. Une table européenne, celle de Marcel et Lucien Keff ? D’abord, comme l’indique l’enseigne, une table lorraine.

Ce fut, il y a trente ans, un café de village. C’est devenu une table cosy,  chic, étoilée, avec chambres et cadre de charme, service stylé, accueil gracieux. Christine veille le lieu avec chic et ardeur, tandis que ses hommes cuisinent avec éclat. Marcel, qui cuisine en classique ayant le mouvement de l’allégement et de la mode, mais avec sagesse, et le fiston Lucien qui a rejoint papa aux fourneaux, après ses classes chez les grands, comme Veyrat, Ducasse et Guilloux au proche Grand Duché.

Les plats © Maurice Rougemont

Si bien que l’inspiration lorraine du début de la demeure se mêle désormais aux saveurs d’ailleurs, notamment du Sud et de la Méditerranée. Les produits de la région, notamment le fameux cochon de lait du fermier voisin de Kanfen, se marient avec les poissons de l’Atlantique. Légère, fraîche, finaude, la cuisine ici proposée joue ici de jolis tours.

Marcel, issu de la dynastie gourmande de Montenach (son frère et son neveu y tiennent l’Auberge de la Klauss), sert avec doigté un toast aux cochon de lait en amuse-gueule qui est une promesse de bonheur en terre lorraine. Il y a encore les langoustines sous le grill au jus de pommes vertes et caviar, le pavé de cabillaud vapeur avec fondue de poireaux, fumet de jambon, truffe de Meuse, ou une saint jacques proposée en mille-feuille avec pommes de terre, truffes et topinambours. Brillant !

Feu de bois © Maurice Rougemont

Mais il ne faut pas louper les moments qui ramènent au terroir, comme au temps où la demeure faisait café de village. Les escargots de Cleurie, dans les Vosges, sont proposés désormais en émulsion de pomme ratte avec un coulis de persil plat, l’anguille fumée sur son toast et le cochon de lait avec sa peau craquante demeure le grand plat de la maison, avec sa tourte de pommes de terre fine au lard à fondre littéralement sur place.

On y ajoute cette « bounenschlupp », soupe de haricots verts, qu’aiment les voisins Luxembourgeois, proposée ici comme un minestrone avec du ris de veau poêlé. Superbe ! Ou encore les gibiers chassés par Marcel lui-même comme ces noisettes de daguet, le jeune chevreuil, repéré non loin de Dabo, et qui finit là dans l’assiette avec sa sauce framboisine, sa compote de chou rouge et sa purée de céleri en émulsion.

Le pinot du Mur du Cloitre © Maurice Rougemont

Il y a encore le joli chapitre des desserts, avec le crumble aux quetsches, avec émulsion et glace vanille ou la Forêt Noire revisitée avec son sorbet griotte : du travail d’auteur à partir d’un produit de terroir comme on l’aime.

Christine et ses meringues © Maurice Rougemont

Les menus permettent de manger là à tous les prix et les vins du pays, comme ceux de Molozay à Vaux, Oury-Schreiber à Marieulle, Paquet au Mur du Cloître à Haute Kontz, sans omettre le pinot de Schengen de chez Henri Ruppert d’une bourgogne de classe, qui contribuent à la sagesse de la note. Bref, voilà une Lorraine fine et aimable, à découvrir avec ou sans sabots.