La Table de Ventabren

Dan et ses légumes © Maurice Rougemont

J’ai connu Dan Bessoudo jadis chez Claude Imbert, à Perroy: il était « la » perle du moment dénichée par Paul Bocuse dans son institut d’Ecully pour le gourmand fondateur du Point, membre éminent du club des Cent. Avec ce diablotin gourmet de Jean-François Revel, également présent cet été là à la table de Claude, nous nous étions régalé de perchettes du Léman à manger à genoux. Je l’ai retrouvé à Stockholm, alors qu’il était le chef adjoint d’Opera Källeren, la table de prédilection de la famille royale suédoise.

Dan Bessoudo en salle © Maurice Rougemont

Voilà ce natif de Toulon enraciné près d’Aix. Son village est perché, voisine avec Aix et sa gare TGV, n’est guère loin de Marignane, a vue sur l’étang de Berre. On dérive dans les venelles, en s’arrêtant sur une place qu’orne un olivier. Nous voilà à Ventabren (Bouches du Rhône). Et chez Dan Bessoudo. Ce chef studieux et sourcilleux, qui a la tête bien faite et bien pleine, avait poursuivit sa carrière chez Laurent aux côtés de Philippe Braun, chez Guy Savoy, mais aussi aux Elysées du Vernet, avec Alain Solivérès.

Les plats, le vin © Maurice Rougemont

Il est maître chez lui, depuis huit ans déjà, sur les hauts de Ventabren. Y a reçu l’onction de la première étoile au bout de quatre ans, réalise de petites merveilles avec les produits du temps, les poissons de petite pêche, les légumes du moment. Aujourd’hui, il y a le filet de maquereau au raifort, son émulsion de chantilly au concombre, les asperges blanches aux agrumes avec ses copeaux de canard séché, le denti aux fèves, avec artichauts et petits pois, la selle d’agneau de Sisteron entièrement désossée puis reconstituée avec cébettes, gratin de macaronis au parmesan et duxelles de champignons. Des instants de plaisir, de justesse, de vérité.

Dan dans le village © Maurice Rougemont

Demain tout aura changé. Y aura-t-il encore le vif blanc de Cassis du domaine du Paternel ou le merveilleux côtes du Rhône château des Tours de la famille Reynaud, reine à Rayas, en 2008, tous deux proposés au verre? C’est bien tout le mal qu’on vous souhaite. Le lieu, petit, empierré, ne paye pas de mine. Il vaut par sa sincérité, sa franchise, sa gentillesse. On y est bien, on allait dire comme chez soi.

Dan au miroir © Maurice Rougemont

Le jeune service suit avec enthousiasme. Les desserts (mousse de fraise avec dacquoise pistache, pana cotta caramel et poire, « chococho » avec mousse chocolat tiède et bonbon de banane) sont dans le ton. La carte est courte, les menus peu bavards. Mais la cuisine parle d’elle même. Et on est vite sous le charme. Il y a un cuisiner-magicien à Ventabren.