Les chuchotis du lundi : après Frechon, qui ? Takuya Watanabe crée l’événement nippon à Cheval Blanc Paris, Yann Maget fait feu de tout bois à Locguénolé, Joseph Viola roi du bouchon à Lyon, Michele Lukin double la mise à la Garenne-Colombes, Alban Chartron revient à Rochefort-en-Terre, l’avènement de Kevin Hardy à l’Ancolie, une crêperie à Monaco

Article du 4 mars 2024

Après Frechon, qui ?

Eric Frechon © Maurice Rougemont

Il quitte le Bristol, en  pleine gloire – ce sera le quinze avril -, après 25 ans de maison et 15 ans de 3 étoiles, salué par la direction du palace du Faubourg Saint-Honoré appartenant à la famille Oetker, certes, mais surtout par toute la profession, qui lui a fait un standing ovation sur les réseaux sociaux, saluant en lui un adepte de la rigueur et de la régularité, un maître engagé, formateur de talents nombreux, désormais aux commandes de belles maisons dans toute la France. Eric Frechon, qui a eu 60 ans le 16 décembre dernier, est loin de prendre sa retraite. S’il affirme vouloir se consacrer à sa famille, son épouse Clarisse et son fils Franklin, avec qui il vient d’accomplir un merveilleux voyage en Afrique du Sud, il continue de diriger sa brasserie le Lazare, de signer la carte du Drugstore Publicis et de poursuivre le consulting pour le groupe Brémond-Famose à Megève, Courchevel et bientôt Crans-Montana (la Ferme Saint-Amour) et à Saint-Tropez, Biarritz et Saint-Barth (l’Italien, la Petite Plage), sans oublier l’ouverture prochaine d’une brasserie au Royal Mansour de Casablanca. Mais la question que tout le monde se pose est, évidemment celle-ci : qui a la stature pour le remplacer au Bristol ? Son adjoint le MOF Franck Leroy a un an de plus que lui et on peut l’imaginer en chef exécutif assurant, provisoirement du moins, la permanence. Son double à Epicure, le trois étoiles maison, le japonais Shintaro Awa, né en 1986 dans la préfecture de Tochigi, au nord de Tokyo, peut fort bien, lui, assurer la transition. D’autres noms ont circulé dans le Landerneau parisien, comme celui du MOF Tom Meyer de Granit (qui a aussitôt démenti), Virginie Basselot du Negresco niçois, également MOF et ancienne du Bristol sous sa gouverne (c’est le cas encore de Yann Maget, qui fait feu de tout bois à Locguénolé et dont nous parlons ci-après). D’autres évoquent la possibilité de faire venir ici Alain Ducasse qui pourrait placer là un de ses lieutenants. Rappelons qu’Eric Frechon est jusqu’ici le dernier chef d’un palace parisien à détenir 3 étoiles avec Christian Le Squer du Four Seasons George V et Arnaud Donckèle à Cheval Blanc.

Shintaro Awa © DR

Takuya Watanabe crée l’événement nippon à Cheval Blanc Paris

Takuya Watanabe avec Arnaud Donckèle et Maxime Frédéric © DR

On l’a connu chez Jin rue de la Sourdière, où il obtint très vite une étoile pour ses sushis haut de gamme. Il exporta son art à Londres dans Mayfair, où il créa Taku Mayfair. Il revint à Paris l’an passé dans le 6e, rue de Seine avec Kaito, un « hand roll sushi bar ». Voici Takuya Watanabe, formé à l’art du sushi à Sapporo, créant l’événement à l’hôtel Cheval Blanc, qui possède le gastronomique Plénitude, la brasserie Tout Paris et l’italien Langosteria, où il remplace le Limbar. Son « Hakuba » devrait constituer la sensation nippone de l’année à Paris. Encadré par le double trois étoiles Arnaud Donckèle et le chef pâtissier Maxime Frédéric, Takuya Watanabe promet une expérience unique mettant en valeur fruits de mer ou poissons crus, cuits, caramélisés. Ouverture en douceur à partir du 5 mars et inauguration officielle le 12 mars. Le restaurant sera ouvert au déjeuner du jeudi au samedi et au dîner du mardi au samedi.

Yann Maget fait feu de tout bois à Locguénolé

Yann Maget Locguénolé © GP

Une nouvelle ère vient de sonner au château de Locguénolé de Kervignac près d’Hennebont. Dans ce qui fut jadis fut l’un des premiers deux étoiles breton dans un Relais & Châteaux. Voilà venue l’époque de Yann Maget. Ce fort en thème, MOF 2023, qui a cumulé les expériences dans les belles maisons trois étoiles (le Meurice avec Yannick Alléno, Pierre Gagnaire au Balzac, Kei Kobayashi chez Kei, sans oublier Quince à San Francisco et, enfin, le Bristol aux côtés d’Eric Frechon) signe la carte des deux restaurants de cette institution rénovée (c’est désormais le Domaine de Locguénolé et la maison est toujours affiliée aux Relais & Châteaux). Il y a le bistrot chic la Maison Alyette en rez-de-jardin, là où se trouvait l’ancienne table gastronomique, et puis, ouverte le soir seulement, l’Inattendu, qui joue la Bretagne haut de gamme version terre/mer dans un pavillon sous verrière avec ses plantes face au Blavet, qui évoque l’ancienne compagnie des Indes, avec un service de grande maison. Parmi ses plats stars : le boudin noir marié à la seiche, avec pomme et shiso, sauce encre de seiche et pommes qui livre un couplet rustico/raffiné plein de tonus et le royal homard rôti, carottes au gingembre et curry, avec tortellini de homard, bouillon au galanga. Subtils et détonnants. Etoiles en vue.

Joseph Viola roi du bouchon à Lyon

Joseph Viola © GP

Le roi du bouchon lyonnais? Joseph Viola, qui, mine de rien, s’est bâti un petit empire. Ce Vosgien de Cornimont d’origine calabraise, grandi à Saulxures-sur-Moselotte, formé chez les Remy à la Bresse, puis au Grand Hôtel Bragard à Gérardmer, a œuvré chez Michel Guérard, à Eugénie-les-Bains, où il a rencontré son épouse Françoise. Il est demeuré dix ans sous la houlette de Jean-Paul Lacombe au Léon de Lyon, obtenant le titre de MOF en 2004, avant de reprendre la demeure d’un autre MOF, Daniel Léron, venu de Dardilly.  Il est désormais propriétaire de trois bistrots à l’enseigne de « Daniel et Denise » :  le premier rue de Créqui, non loin des Halles et de la Part Dieu, le second dans le quartier du Vieux Saint-Jean, le troisième à la Croix Rousse. Et il est devenu également épicier à Villeurbanne et caviste face à sa premère maison. Rallié à la cité des Gones depuis trois décennies, il  connaît mieux que personne le répertoire d’entre Saône et Loire, publiant un livre de recettes sous le titre « la cuisine canaille ». Ses salades lyonnaises, comme des miniatures (museau, harengs pommes l’huile, lentilles) et son registre d’abats (ah sa cervelle sauce dite provençale comme les grenouilles) sont des oeuvres d’art.

Michele Lukin double la mise à la Garenne-Colombes

Michele Lukin © PA

On l’a connu dans le 17e arrondissement, jadis à la Rucola, où cet ancien de Pascal Fayet chez Sormani jouait les hôtes de charme. Voilà Michele Lukin  devenu l’aubergiste malicieux de la Garenne-Colombes avec deux maisons, l’une italienne, façon trattoria contemporaine : Bollicine, l’autre toute neuve et encore en rodage mais qui fait de l’avenue de la République de sa commune de prédilection un « spot » gourmand d’importance. Michele Lukin a imaginé, à l’enseigne du Foch, une brasserie joyeuse, moderne et gourmande, cultivant l’art de l’oeuf mayo, de la gratinée à l’oignon, de la saucisse purée et du burger. On n’est qu’au début de l’aventure, mais le succès semble assuré. Pour tout savoir, cliquez là.

Alban Chartron revient à Rochefort-en-Terre

Alban Chartron et Sarah Alba © GP

On avait perdu la trace d’Alban Chartron qui fut, brièvement, le génial maestro de Cena à Paris, rue Treilhard, avec David Lanher et Laurent Plantier. Et voilà qu’on le retrouve à Rochefort en Terre, petite cité bretonne de caractère, au coeur du Morbihan, classée parmi les plus beaux villages de France, et qui devient ces temps-ci très gourmande. Alban officie seul en cuisine dans une splendide demeure du XVIe siècle qui abrita autrefois une crêperie, tandis que sa compagne Sarah Alba, qui fut jadis cuisinière au Bristol où ils se rencontrèrent, officie en salle avec charme et efficacité. Ce natif de Collonges au Mont d’Or, qui a travaillé également chez Anne-Sophie Pic à Valence et à l’Hôtel de Ville de Crissier, s’est rallié avec adresse au parti de la modestie. Son menu a 36€ très végétal fait un tabac justifié. Et le Michelin qui l’a vite repéré vient de lui décerner un bib rouge mérité.

L’avènement de Kevin Hardy à l’Ancolie

Kevin Hardy © GP

Il est originaire de la Gacilly, a fait son apprentissage au restaurant Chandouineau à Redon, où il a été finaliste du concours meilleur apprenti de France en 2012. Il part ensuite au Taillevent à Paris durant deux ans, avant d’ouvrir les 110 Taillevent a Londres avec Émile Cotte et d’œuvrer à l’hôtel Connaught avec Hélène Darroze qui décroche la troisième étoile à sa deuxième année. Il y demeure trois ans et demi avant le retour aux sources en Morbihan. À Rochefort-en-Terre, l’un des plus beaux villages de France, Kevin Hardy, 28 ans et une sacrée maîtrise, rachète une demeure ancienne, lui donne une identité neuve et travaille le produit breton en finesse jouant terre et mer avec la même adresse. Le cadre est sobre, les tables bien espacées, la carte des vins riche de pépites à tarif sage. Son plat star ? La barbue à l’endive braisée, orange sanguine et sauce maltaise qui réussit un bel équilibre sucré/salé avec un joli brin d’amertume et d’acidité.

Une crêperie à Monaco

Mirko Pompili © GP

Constatant l’absence de crêperie dans la Principauté monégasque, François Ortelli et Taïs Ragas ont repris le Loga Café à Ketty Gastaldi. Novices en restauration, ils se sont intelligemment appuyés sur de grosses pointures pour développer leur concept. Tout d’abord, Raphaël Rouget, l’homme aux 80 ouvertures de restaurant, qui fut associé du grand Paul Bocuse durant quinze ans et consultant pour Ducasse pour les USA et le Moyen-Orient (dont l’Idam à Doha, décoré par Philippe Starck). Ensuite comme directeur, Ludovic Saussereau originaire du Mans – on se rapproche de la Bretagne – qui a passé quinze ans chez Lenôtre comme maître d’hôtel. En cuisine ? Un frontalier Mirko Pompili, second de Pino Straface, décédé en 2022, qui officiait dans la précédente équipe du Loga. Plus habituée aux crespelle italiennes qu’aux galettes de sarrasin, la crêperie Anoïa se prépare pour une ouverture lundi 4 mars.

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Publié le 4 mars 2024 par

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