L’Ebauchoir
« Paris 12e : un ébauchoir pour voir la vie en rose »
Toujours en quête de bonnes adresses bistrotières, notre ami Benjamin Berline re-découvre le bon coût de l’Ebauchoir. Suivons-le rue de Cîteaux.
Aubergiste complice, sommelier voyageur (ayant entre autres bourlingué aux USA chez Michel Richard chez Citronelle à Washington DC & Patroon à NYC), et « last but not least » issu d’une lignée de vignerons ligériens, Thierry Bruneau veille avec doigté et malice sur la destinée d’un ébauchoir haut en couleurs.
L’histoire de ce zinc qui encanaille de belle manière la rue de Cîteaux depuis près de trois décennies ? Celle d’une rencontre avec Thomas Dufour, cuisinier passé chez Laurent, à l’Arpège ou à l’Oustau de Baumanière et qui avait commencé à mettre le grappin sur l’affaire en 1998. Thomas aux fourneaux, Thierry en maître de la salle et des beaux flacons : un duo était né ouvrant dans la foulée le bien nommé et voisin bar à vins, Siffleur de Ballons, revendu depuis à un ex-employé.
Entre troquet d’antan et zinc contemporain, cet ébauchoir demeure leur QG charmeur en mouvement, rafraichi millésime après millésime. Avec son carrelage d’époque, la fresque chamarrée du peintre breton Tati Mouzo, illustrant l’effervescente vie d’un quartier parisien, la vaste salle intérieure convoquant joli comptoir, chaises Thonet, et murs immaculés, le décor emballe. Au dehors, la terrasse bienvenue s’allonge dans la ruelle perpendiculaire au charme un brin champêtre.
Au piano, alors que le fondateur et chef en la demeure, Thomas Dufour, s’accorde « un break » de quelques mois pour parcourir l’Europe à vélo, c’est le croate, Giovanni Cavozza, auparavant aux manettes d’Adrian, rue de Charenton, qui assure l’intérim avec sûreté, préservant la patte maison entre classiques de fondation, inspirations de saison et incursions méditerranéennes.
Le midi, une foule d’habitués accoure pour taquiner une formule trop belle pour être vraie. Il faut dire que pour 17 € on frôle le miracle. En liminaire, la superbe terrine de porc aux abricots et pistaches cède la place à un merlu grillé parsemé d’amandes, trônant sur un écrasé de pommes de terres et de brocolis au beurre blanc. Une affaire qui se conclut en beauté avec au choix l’exotisme du Fontainebleau revisité avec fleur d’oranger et abricots ou le gâteau au riz arrosé de crème caramel, classique maison présent à la carte depuis l’ouverture.
Sous la gouverne de l’agile Thierry, la demeure a plus d’un nectar dans sa cave. Sans orthodoxie et avec pour seul dénominateur commun l’amour du bon canon, 100 références triées sur le volet s’offrent à vous parmi lesquelles l’ample chenin du domaine du Rocher des Violettes à Montlouis, la fine palette de cuvées du domaine de l’Anglore à Tavel ou un « bijou » de beaujolais signé Métras.
Lorsque sonne l’heure du dîner, la carte, renouvelée quotidiennement, a le coeur large, naviguant entre tradition d’ici et inspirations d’ailleurs. Gracile baba ganoush avec coulis de poivron et fruit de la passion, caponata aubergine et lait de buratta côtoient des pièces plus solides à l’image du magret de canard sauce pimentée ou encore de l’épaule d’agneau confite avec jus de viande au romarin. Un ban pour cet Ebauchoir qui n’a pas fini de nous surprendre.