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Les chuchotis du lundi : le grand chic de la Liste, Olivier Nasti et le bon coup de Gault-Millau, le palmarès très culotté du G-M, François-Régis Gaudry croque Paris, les Tourbier avalent le groupe Traversac, Johan Thyriot dans la Drôme, Laetitia Rouabah le retour chez Allard

Article du 5 décembre 2022

Le grand chic de la Liste

L »hommage à Miichel Guérard © DR

C’était la soirée gourmande de l’année à ne pas manquer à Paris. Lundi dernier, presque tous les trois étoiles, l’ancien patron du Guide Michelin (Michael Ellis), une bonne partie de la presse gourmande et beaucoup de lauréats des 50best (Jordi Roca en tête) étaient présents au Quai d’Orsay, sous les ors des beaux salons de réception du ministère des Affaires Etrangères. Passée des 50best à la Liste, Hélène Pietrini a réussi à réunir deux mondes qu’on pensait irréconciliables : tous les grands chefs français et leurs homologues du monde entier, avec des cuisiniers venus des pays émergents (Corée, Rwanda, Maroc, Brésil, Australie). On connaissait déjà le palmarès et le peloton de tête  – Eric Ripert du Bernardin de New-York, Guy Savoy de Paris (1er pour la 6e année consécutive), Björn Frantzen, chef du restaurant trois étoiles éponyme à Stockholm. On a eu droit à une belle présentation des chefs et des pays participants, avec le coup de pouce de Julie Andrieu, un émouvant hommage à Michel Gurérard avec un très beau texte d’Arnaud Donckèle lu sur un ton macronien. Plus un dîner légendaire signé Anne-Sophie Pic, Niko Romito, Régis Marcon et Naraé Kim, avec le renfort de l’artiste pâtissière ukrainienne Dinara Kasko. Manière de montrer que cette Liste franco-internationale, qui fait la nique à son homologue anglo-saxonne, est bien dans le vent de l’histoire.

Olivier Nasti et le bon coup de Gault-Millau

Olivier Nasti et son épouse avec Michel Trama et JF Piège © JP

Cela aurait pu être la nuit des seconds couteaux : c’est devenu le bon coup de Gault-Millau. Le guide jaune publiait sa nouvelle édition, le même soir que la Liste, lundi dernier, et réunissait, sous les arcades 1900 du Carreau du Temple, plus de 600 chefs pour fêter son 50e anniversaire et couronner « cuisinier de l’année » Olivier Nasti du Chambard à Kaysersberg, l’un des meilleurs outsiders à l’olympe suprême chez Michelin. Si la plupart des trois étoiles étaient présents au Quai d’Orsay, certains d’eux (comme Gilles Goujon) avaient réussi à faire le grand écart et à venir ici en raccroc. D’autres (Glen Vieil de Baumanière, avec ses amis de « Top Chef », Philippe Etchebest et Paul Pairet) étaient aux premières loges (alors que Jean-André Charial, le patron de l’Oustau, était, lui, aux côtés de Michel Guérard et de la Liste). En tout cas, Gault-Millau, qui semble changer de patron chaque année, le suisse Patrick Hayoun succédant au marocain Zakari Benkadrah, lui même succédant au russe Vladimir Skvortsov et au français Jacques Bally, jouait là son va-tout avec brio. Le directeur de la rédaction Marc Esquerré, belle plume et fin palais, assure lui la continuité de l’entreprise, fondée il y a pile cinquante ans par Henri Gault et Christian Millau.

Un palmarès très culotté

S’en est-on en rendu compte? Le Gault&Millau France 2023 recèle un palmarès avant-gardiste, bien davantage, évidemment, que celui du guide rouge, dans la tradition initiée par les deux Henri G. et Chistian M., fondateurs de l’entreprise il y a cinquante ans. Les 5 toques (qui équivalent aux 4 de jadis et aux 3 étoiles Michelin) comptent 15 tables, dont celles de Alexandre Gauthier à la Grenouillère de la Madeleine-sous-Montreuil, Alexandre Couillon à Noirmoutier et Jean-François Piège à Paris ou Yoann Conte à Veyrier-du-Lac. Les 4 toques (équivalentes aux 3 toques d’autrefois et aux 2 étoiles Michelin) placent au même niveau la nouvelle « Greengastronomie » de Jean-Luc Rabanel à Arles, le facétieux Jean Imbert au Plaza-Athénée, la « Grande Table Michel Chabran » à Pont de l’Isère, le « Restaurant des Rois » de la Réserve de Beaulieu selon le MOF Julien Roucheteau à Beaulieu-sur-Mer, le créatif Loïc Villemin à Faulquemont ou encore la Maison Nouvelle de Philippe Etchebest à Bordeaux et des institutions trois étoiles telles Troisgros à Roanne, Pic à Valence, la Bouitte des Meilleur à Saint-Martin-de-Belleville, le Mirazur de Mauro Colagreco à Menton, la Villa Madie des Droisneau à Cassis, sans omettre Paul Bocuse à Collonges. La véritable audace de Gault-Millau 2022, sous l’égide de son franc-tireur de rédacteur en chef Marc Esquerré, est là, et bien là. Voilà un classement qui vaut son poids d’insolence…

François-Régis Gaudry croque Paris

C’est l‘encyclopédie gourmande parfaite pour un cadeau de fin de l’année. Tout Paris, salé, sucré, secret, historique, modeste, flamboyant, drôle, vivace, se livre ici avec ses encadrés à fois instructifs et ludiques, ses chapitres en zig zag, ses illustrations bienvenues, donnant le ton d’un guide complet et fastueux. En plus de 450 pages avec ses 150 collaborateurs, François-Régis Gaudry s’improvise chef d’orchestre avec talent et malice. Tout Paris dans ses recoins, à travers le pâté en croûte ou « pâté Pantin », le croque-monsieur, le Paris-Brest, les cuisines étrangères (on lui pardonne d’oublier le Mansouria dans les cuisines du Maghreb et de mettre Evi Evane en traiteur non en restaurant) ou régionales (un petit rappel : Caen où est né Christophe Saintagne se trouve dans le Calvados et non dans la Manche comme il est indiqué p.105), mais ce n’est qu’un détail). Voilà un livre qui donne envie de redécouvrir les boulangeries de l’Est parisien, de se pencher sur les « vieux » décors de Slavik, décrypté ici avec tendresse, de visiter, un à un, les « zincs qui comptent », de goûter les frites sous tous leurs aspects (décrits, expliqués, décryptés avec science), de dénicher les meilleures baguettes, comme les plus exquis paris-brest, les plus savants croissants, de dresser une ode au pot au feu, de redécouvrir les secrets de l’Ami Louis et de Prunier, de suivre les pas des protagonistes (Gabin, Bourvil) lors de « la Traversée de Paris », de découvrir les brasseries fétiches de Claude Sautet, les bonnes adresses de Michel Audiard ou Serge Gainsbourg, de faire un sort aux torréfacteurs et à la tripe, de cuisiner la sole dans tous ses états, et de connaître les meilleurs cavistes comme les plus séduisants bars à cocktails, les bistrots classiques comme les « bistrots de chef(fe)s ». On pourrait allonger la liste à l’infini. Voilà, inépuisable, le tonneau des Danaïdes de la gourmandise parisienne.

Les Tourbier avalent le groupe Traversac

Château d’Artigny © GP

On vous l’avait annoncé … il y a un an déjà. C’est enfin officiel depuis deux mois, même si la transaction a été discrète, le montant de la vente n’a pas été communiqué. Les Cathiard-Tourbier des Sources de Caudalies ont bien racheté les Grandes Etapes Françaises à la Famille Traversac. Celle-ci avait déjà cédé une partie de son empire au compte-goutte (comme le château d’Esclimont à Saint-Symphorien-le-Château, le domaine de Beauvois à Luynes, le Vieux Castillon à Castillon-du-Gard et le Mas d’Artigny à Saint-Paul-de-Vence) mais avait mis en vente, depuis une dizaine d’années, sa belle panoplie de châteaux, entre l’Alsace, la Bourgogne et le Val de Loire. Font ainsi partie de l’escarcelle Traversac désormais aux mains des Tourbier, le château d’Isenbourg à Rouffach et celui de l’Ile à Ostwald, le château de Gilly les Citeaux, au coeur de la Côte de Nuits, enfin le Choiseul à Amboise et le prestigieux château d’Artigny à Montbazon près de Tours. Ce dernier serait remis en vente du fait des nombreux travaux à effectuer pour lui rendre tout son lustre sinon sa splendeur d’antan. De même que le château l’Ile d’Ostwald, tout proche de Strasbourg, et davantage dévolu aux séminaires. Mais tous les autres se trouvent fin prêts, sur les routes du vin, à intégrer l’esprit de Caudalies et renforcer une chaîne qui ne compte que deux unités entre Pessac-Léognan, près de Bordeaux (les Sources de Caudalies) et Cheverny en Sologne (les Sources de Cheverny).

Johan Thyriot dans la Drôme

Johan Thyriot © J. Favin

On l’a connu à Tarascon, chez Méo, alors qu’il venait d’obtenir son étoile. Formé à la Chèvre d’Or à Eze, passé chez Bras à Laguiole et tenu pour lui sa maison sur l’île d’Hokkaido, originaire de la Meuse, près de Ligny-en-Barrois, il s’est retrouvé aux Cures Marines de Trouville en conservant l’étoile. Voilà désormais Johan Thyriot dans la Drôme, près de Montélimar, reprenant les fourneaux du domaine du Colombier de Malataverne, où l’on a connu des chefs de talent, comme Cyril Fressac et Jean-Michel Bardet. La demeure est toujours étoilée. Johan Thyriot va y jouer le locavore, le produit drômois, l’huile d’olive d’ici, l’agneau des proches parages du Tricastin, la truffe de Richerenche, le picodon qu’il traite en raviole, les poissons du Grau du Roi, les légumes de son potager bio.

Laetitia Rouabah le retour chez Allard

Laetitia Rouabah © Maurice Rougemont

Elle symbolisait le renouveau du bistrot parisien sous le sceau d’Allard. Mais était partie, il y a six ans, pour New-York où elle tenait les fourneaux de Benoît. Voilà qu’elle revient grâce à un « turnover » féminin d’importance dans le groupe Ducasse où il se passe toujours quelque chose : Charlotte Bringant part comme cheffe chez Sapid, Marvic Medina, la cheffe en titre de la table « naturalité » du 10e, retourne chez elle au Pérou. Voilà l’exquise Laetitia Rouabah qui revient chez Allard, pour quelques mois au moins, avant de repartir aux USA. A son programme, outre les classiques d’Allard remis au goût jour (grenouilles persillées, canard aux olives, glace Plombières), elle a rapporté de la Big Apple des plats dans le vent de l’Amérique, comme un crabe cake épicé avec son velouté de maïs, un lobster roll ou un homard bleu à l’américaine, un flap chuck de boeuf avec son yorkshire pudding, comme un hamburger à sa manière, un cheesecake, une « key lime pie » ou un « s’mores » (biscuit sandwich) au chocolat. On en reparle vite.

A propos de cet article

Publié le 5 décembre 2022 par

Les chuchotis du lundi : le grand chic de la Liste, Olivier Nasti et le bon coup de Gault-Millau, le palmarès très culotté du G-M, François-Régis Gaudry croque Paris, les Tourbier avalent le groupe Traversac, Johan Thyriot dans la Drôme, Laetitia Rouabah le retour chez Allard” : 2 avis

  • Alain

    Bonjour, j’ai un gros doute par rapport au guide GAULT ET MILLAU car habitant Biarritz je connais un restaurateur de cette ville qui m’a avoué avoir obtenu la note de 12/20 grâce à un chèque ! Et ce paiement doit être maintenu chaque année afin de conserver cette note ainsi que la parution dans le guide…

  • Sylvie

    C’est quand qu’on donnera une place sur des pépites qui ne sont pas dans le tourment médiatique une place.
    Car c’est eux les grands chefs, souvent seul devant leurs fourneaux dès 6heures du matin, car économiquement ils n’ont pas le choix .
    Cordialement Sylvie

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