Le Vaudésir
« Paris 14e : Vaudésir sont des ordres »
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Vous rêviez d’un bistrot parisien idéal, entre bar à vins gourmand et café de quartier complice ? Notre communiquant bavard et gourmand, Benjamin Berline, l’a découvert juste pour vous. Une pépite du genre !
Christophe Hantz, juriste dans une autre vie, a bourlingué en Afrique avant de découvrir sa vocation d’aubergiste débonnaire et de fervent bistrotier. Ce Parisien d’ascendance mi-lorraine (de Metz), mi-auvergnate, a repris, il y a vingt ans déjà, ce zinc estampillé 1896 qui, dans la non-chalande rue Dareau, ne trouvait guère preneur. A deux pas de Montsouris et de l’avenue René Coty, dans ce coin du 14e conservant son âme de village et ses accents populaires, il a façonné avec la complicité de la fidèle Michelle, oeuvrant aux fourneaux depuis les débuts, un joyeux repaire d’initiés qui accueille de l’aube jusque tard. Au fil de ce zinc sans âge, ce duo livre, chaque jour, un hommage renouvelé au troquet, au vrai.
Habitués, travailleurs pressés, jeunes ou fidèles chenus se mêlent allègrement dans ce rade désuet dont la façade écarlate annonce d’emblée : « cuisine familiale » « plat du jour » « vins de vignerons » « café à 1€ ». L’intérieur se compose de deux espaces séparés par le centre névralgique que constitue le comptoir. D’abord le QG principal arborant ses belles moulures d’époque au plafond, alignant sur les murs ses affiches d’antan, ses bons mots et les marqueurs de confréries diverses (Francs Mâchons, Bistrots Beaujolais…). Mais également l’annexe, partie la plus ancienne, plus intimiste et confortable avec sa longue banquette de cuir, théâtre des parties de belotes, religion locale, des apéros de groupes et de la retransmission des matches du moment.
Attention la maison n’accepte pas la CB mais les tarifs sont doux. Qu’il se nomme gigot d’agneau, blanquette de veau ou sauté de boeuf, l’unique plat du jour est inlassablement proposé à 8,50 €. Tradition oubliée, les oeufs durs siègent en bonne place sur le comptoir pour un casse croûte ouvrier. La recette du succès ? Outre les prix angéliques ? Une cuisine savoureuse et familiale, faite maison, à l’exception des jolis fromages en direct d’Auvergne (saint-nectaire, cantal, bleu…) rendant hommage aux origines du tôlier.
Façon « bonne franquette » sur fond de sets en papier, on se régale ainsi avec un bonheur non feint de céleri rémoulade, oeuf mayo, excellentes terrines et rillettes maison. Les desserts aussi ont la cote, comme cette jolie flognarde de pêches, façon clafoutis servi légèrement tiède. Le service se montre efficace, hélant Michelle depuis la salle vers la communicante arrière cuisine pour lancer la suite alors que l’on achève tout juste, tandis que Christophe veille avec diligence derrière son comptoir, ayant toujours un mot, une poignée de main, un sourire pour l’un ou l’autre.
Là dessus, le prix des vins en ferait rougir plus d’un ! Muscadet, côte roannaise, Chitry et canons fort décents se négocient autour de 4€ le verre, tandis que la Bise de la « résistante » et nordiste Brasserie Jeanlain, ne demande qu’à rafraichir le palais ou réchauffer les coeurs. La maison a d’ailleurs la coupe du Meilleur Pot en 2017. Ici, les heures passent, les langues se délient, les générations et les destins s’entrelacent. On se retrouve, dès l’aube, journal à la main, pour boire le café Ladoux « bio et bon » du percolateur à 1,20 €, adresser un compliment de rigueur à la chère Michelle pour sa popote réconfortante, descendre un ballon, laisser filer le temps l’après-midi et papoter de jour comme de nuit au comptoir sous le regard bienveillant du patron. Cerise sur le gâteau, la terrasse insolite et providentielle, façon jardin privatif, se dévoile en contrebas du muret la rue pentue à l’arrière. Plus qu’un bistrot, un art de vivre.
Une flognarde de pêches en février?