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Les chuchotis du lundi : revivre en 2021, Courchevel résiste aussi, Guy Legay roi des sauces, adieu à Pierre Cardin, Jean-Edern Hurstel près de Genève, Alain Ducasse et ses voyages, la résilience de la Kammerzell, Kelly Rangama revient au pays, une boulangerie pour l’Oasis

Article du 4 janvier 2021

Revivre en 2021

Carte de voeux d’Alain Ducasse © GP

Une année qui s’achève sur l’air de la grande déprime et qui débute par des voeux d’espoir : c’est 2021, un curieux millésime qui fait dire à beaucoup que « plus rien ne sera comme avant« . Dans sa carte de voeux, Alain Ducasse parle de « revival » et de « renouveau ». Marc Veyrat pense que le Covid 19 « n’aura pas raison de notre amitié« . Guy Savoy sait qu’ « après la nuit vient la lumière« . Et Pierre Gagnaire note que « nous serons plus forts« . Gilles Goujon nous souhaite, lui, « prudence et bienveillance« . Mille messages de voeux, d’amitié, de solidarité, d’espoir indiquent bien que « 2020 sera vite oublié » et que « 2021 sera forcément meilleur« . Jamais la profession n’a paru aussi soudée dans sa volonté d’aller vers l’avant, d’oublier les mois de fermeture forcée, de renouer avec des projets grandioses. A notre tour, nous vous promettons une année plus forte et plus juste. Plus humaine et plus souriante. Plus riche et plus gourmande. C’est ce que nous nous souhaitons à tous !

Courchevel résiste aussi

Préparation en cuisine au Farçon © DR

On le disait la semaine passée, les stations de ski font de la résistance pour accueillir le touriste gourmet, privé de remontées en téléphériques, télésièges  ou télécabines, mais pas forcément de bonnes tables. A Courchevel et sa périphérie immédiate, les chefs font preuve de capacité d’adaptation. Chaque semaine, Julien Machet, étoilé au Farçon, propose un menu à emporter à 35 euros pour le diner qui peut être récupéré dans différents points relais de la vallée et, bien sûr au restaurant star de la Tania. Un exemple de la semaine passée : un tartare d’omble chevalier salé à la poutargue et sa vinaigrette d’agrumes, une potée de homard bleu et truite de Savoie aux légumes de M. Allemoz, une tarine en farce de pormonier, pomme Anna et jus de béarnaise, enfin une poire de Savoie comme un tiramisu. Bref, une vraie fête aux couleurs de la Savoie! Et Julien Machet n’est pas le seul à faire preuve de résilience :  Antoine Fouchard au Bistrot du Praz propose lui aussi des menus à emporter. Jean-Luc Martin au restaurant l’Arbé fait de même depuis le début du confinement, comme l’Ecorce à Moriond et le restaurant de l’hôtel Les Peupliers. De nombreux restaurants de la station s’adaptent au contexte sanitaire et font de la vente à emporter : comme la table de Marie à Courchevel Moriond, la Cortona et la Chapelle à Courchevel Village, la Grange à Pizza, le Chalet Savoyard, la Saulire de Jacques Trauchessec ou encore le très gourmand Génepy à Courchevel 1850. Quand au taux d’occupation de la station, il est de 24 % en ce début janvier. Beaucoup moins que d’habitude, certes. Mais une manière de démontrer que neige, hauteur et prestations arrivent tout de même à occuper un quart d’un village dédié au ski, au tourisme de haut luxe et à la gastronomie de haute volée.

Guy Legay, roi des sauces

Il régna quatorze ans chez Ledoyen, puis vingt ans au Ritz, où il eut sous ses ordres de brillants sujets, comme Christian Constant, qui fut son adjoint place Vendôme et lui consacre une jolie préface où il lui rend hommage avec une vraie tendresse. Maître de son art, transmetteur d’un savoir-faire sans cesse mis en pratique, désormais retraité en Auvergne, Guy Legay s’est amusé à compiler ici ses bons trucs et ses secrets, pour les fonds de sauce, les jus, les classiques, comme le beurre blanc ou la béarnaise, distinguant sauces chaudes et froides, n’oubliant pas non plus les sauces sucrées, qui ne sont pas seulement des coulis. Suivez-le pour comprendre le « BA ba » d’une hollandaise, d’une bigarade, d’une rémoulade, sans omettre une sauce tartare, une crème anglaise ou un coulis de poires. Ce petit livre pratique et pédagogique fourmille de belles idées et permet de réviser ses bases avec art. Merci Monsieur Guy !

Un visionnaire nommé Pierre Cardin

Jeanne Moreau et Pierre Cardin ©  DR

Il était toujours là où l’on ne l’attendait pas. Créateur visionnaire, businessman et homme de mode, gentlemen voyageur, féru de design, présent dans 110 pays, star en Chine, académicien au titre des Beaux-Arts et homme des sixties, Pierre Cardin glissait volontiers « j’ai toujours eu la tête dans le futur, j’ai toujours créé pour les jeunes gens »… alors que son premier maître Christian Dior « pensait d’abord à habiller sa mère« . Il était l’un des premiers grands créateurs du « sur-mesure » et de la haute-couture à songer au tout-venant, développant une gamme de prêt à porter pour tous. Moqué par les uns, jalousé par beaucoup, il aura survécu à toutes les vogues. Ami/amant de Jeanne Moreau, propriétaire et rénovateur du château du Marquis de Sade à Lacoste en Luberon, il a mis plus qu’un pied dans la haute gastronomie en rachetant Maxim’s aux Vaudable dès 1981, développant son nom, sa gamme à l’étranger, imaginant même un « Minim’s » version fast food, qui fit long feu. Sans doute Pierre Cardin, qui nous a quitté la semaine passée à 98 ans, eût-il raison trop tôt. Dernièrement, il voulait remettre en vogue la grande maison mythique de la rue Royale avec son flamboyant cadre Art nouveau, embauchant un chef jeune plein de talent, Nicolas Castelet. Tout l’immeuble de Maxim’s, son bar, ses salons, ses salles à manger lui appartenait. Que deviendra-t-il? Souvenons-nous de sa phrase fétiche : « J’invente pour une vie qui n’existe pas encore, le monde de demain. »

Jean-Edern Hurstel rachète le Floris

Claude Legras et J-E Hurstel © DR

Jean-Edern Hurstel revient en Suisse! L’ancien chef exécutif du Peninsula Paris, installé à Paris près de l’Etoile, qui conseille Mama Shelter au Luxembourg, revient sur ses lieux d’apprentissage. Avec l’investisseur Lionel Roques, patron du groupe « Franco-Américain » , il rachète le Floris à Anières, près de Genève, la maison de son maître, le MOF deux étoiles Claude Legras, qui fut son chef au Parc des Eaux Vives. Jean-Edern, Alsacien de Rhinau, passa d’ailleurs toute son enfance à Collonges-Bellerive, situé à deux pas d’Anières. Il fut ensuite sous-chef à l’Auberge à Saint-Saphorin, dans le Lavaux, pile de l’autre côté du lac. Le Floris, avec sa vaste cuisine centrale, sa partie bistrot, son aile gastro d’origine, va subir un bouleversement décoratif et la réouverture devrait se faire, selon les directives fédérales et cantonales, fin mars prochain.

Le voyage d’après confinement d’Alain Ducasse

Alain Ducasse au Plaza © GP

Grand voyageur arrêté dans sa course à la nouveauté perpétuelle, Alain Ducasse a répondu au Figaro de mercredi dernier sur ses voyages rêvés. Du Japon, du Laos, du Panama et d’ailleurs. Sur « une destination qui vous ressource? », il glisse, non pas les Landes ou le pays basque, comme on l’aurait attendu sur le sujet, car ce chef à tête chercheuse possède de multiples racines: « La Bastide de Moustiers, à Moustiers-Sainte-Marie, près des gorges du Verdon. Lorsque je l’ai découverte, il y a vingt-cinq ans, je pensais en faire mon port d’attache. Finalement, je l’ai transformée en auberge: quelques chambres, quelques tables et surtout un lieu d’une quiétude absolue. Et puis il y a les marchés. Où que j’aille, quelles que soient les contraintes de mon emploi du temps, je me débrouille toujours pour aller flâner sur un marché. Et là, je me plonge dans la découverte des produits, je bavarde avec les marchands, les clients. C’est une source d’inspiration inépuisable. » Sur : ‘ »Le voyage que vous ferez après la crise? »,  il explique tout crânement:  « Je rendrai visite à tous mes établissements pour soutenir les équipes. Cette pandémie nous a tous fait vivre des heures difficiles. Il ne faut pas qu’elle nous arrête. Il faut continuer à avancer.« 

La résilience de la Kammerzell

Hubert Lépine, le chef de la Kamm’ © DR

A Strasbourg, près de la cathédrale, la Maison Kammerzell, qui constitue la plus grande brasserie de l’Est de la France, compte, comme ses collègues, cinq mois de fermeture dans l’année. La parade pour tromper la déprime qui guette et continuer à maintenir le lien entre collaborateurs et clients : proposer à emporter les choucroutes qui font la réputation de l’établissement. Pendant le premier confinement, les équipes de la Kamm’ , sous la houlette du chef Hubert Lépine, avaient assuré bénévolement la restauration quotidienne d’un foyer de 50 pensionnaires, déserté par ses cuisiniers habituels (midi et soir 7 jours sur 7 pendant plus de deux mois). Pour le second confinement, elle s’est lancée dans le Click & Collect, avec les deux autres maisons vedettes du groupe Trasco (la brasserie Floderer, toute voisine, et le Café Brant, près du palais de l’Université). Pour Jean-Noël Dron, son propriétaire, « l’objectif n°1 était d’occuper a minima les cadres qui perdent le plus d’argent avec le chômage partiel. Mais il ne fallait pas perdre plus d’argent que si nous étions restés fermés. Nous ne nous sommes pas contentés d’une offre internet, mais assurons une permanence téléphonique 7 jours sur 7, de très tôt à très tard, plus les livraisons. Nos objectifs initiaux, certes modestes, ont été dépassés. Sans surprise, la choucroute aux trois poissons, crée par Guy Pierre Baumann il y a presque un demi siècle, est première au hit parade des ventes, suivie, fêtes obliges, par les plateaux de fruits de mer de Floderer. Et La lumière continue à briller, avec une centaine de couverts par jour. Financièrement, cela peut paraître dérisoire, mais humainement c’est une belle expérience, de motivation, d’abnégation, de résilience… Même si on prie tous les jours pour que cette « belle expérience » prenne vite fin » 

Kelly Rangama revient au pays

Kelly Rangama, Manu Payet, Armande Hoarau et Jérôme Devresse @ TK

C’est un retour au pays pour l’ex top chef devenue étoilée, Kelly Rangama, et son mari Jérôme Devresse du Faham dans le 17e à Paris. Tous deux ont profité des fêtes pour venir à La Réunion rendre visite à leurs producteurs et dénicher d’autres pépites du terroir, comme le rare café Bourbon Pointu. Ils profitent aussi de leur séjour durant cet été austral ensoleillé pour visiter les belles tables de l’île comme celle de L’Ambéric, lauré de 3 vanilles au Guide Kaspro 2021, au Tampon. Si la patronne Armande Hoarau arbore un look moderne, elle reste très attachée aux valeurs de la cuisine traditionnelle réunionnaise au feu de bois. Dans son  jardin riche en plantes et fleurs rares, Armande et son chef Vianney proposent une fine cuisine créole où civet zourite, rougail morue, civet de queue de bœuf de 6 heures, cari bichiques, rougail zandouilles sont servis avec minutie. Cette cuisine traditionnelle réunionnaise a ravi également l’acteur Manu Payet, en vacances sur son île d’origine, qui a partagé la table de Kelly Rangama.

Une boulangerie pour l’Oasis

Nicolas Decherchi et la galette des rois © AA

Depuis qu’il est devenu le chef du mythique Oasis de La Napoule, Nicolas Decherchi met les bouchées doubles en attendant la  réouverture. Parmi les profonds travaux de réaménagements entrepris pendant le confinement, une boulangerie-pâtisserie faisant traiteur a vu le jour. Un large choix de gourmandises sucrées et salées avec des  produits réputés, y compris ceux du Domaine de Barbossi, dont le propriétaire, Iskandar Safa, est aussi celui de l’Oasis. Nicolas Decherchi est assisté côté sucré par Mathieu Marchand dont le parcours l’a mené du Grand Véfour au Mas Candille à Mougins, sans omettre La Môme des frères Lecorché à Cannes. Celui-ci dispose d’un tout nouveau labo jouxtant la terrasse et visible des convives. Il peut aussi bien fournir la boutique que le restaurant gastronomique dès que celui-ci pourra rouvrir. Une nouvelle ambiance cosy chic de vingt cinq places attend la clientèle avec l’objectif de récupérer les deux étoiles obtenues à l’ex-Paloma de Mougins.

Les chuchotis du lundi : revivre en 2021, Courchevel résiste aussi, Guy Legay roi des sauces, adieu à Pierre Cardin, Jean-Edern Hurstel près de Genève, Alain Ducasse et ses voyages, la résilience de la Kammerzell, Kelly Rangama revient au pays, une boulangerie pour l’Oasis” : 1 avis

  • Paris

    Très intéressant. Belle plume,bon goût

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