Les chuchotis du lundi : Taisne rajeunit le Michelin, l’Hexagone relancé, adieu à Jean-Marie Amat, Patou rachète Lapérouse, la Tour Rose reprend vie, Jacopo fait un tabac, Alzérat passe le relais, Burckel le retour, Rego rebondit

Article du 12 mars 2018

Taisne rajeunit le Michelin

Alexandre Taisne © Stéphane de Bourgies

La direction du Michelin n’aura pas été longue à remplacer Claire Dorland-Clauzel. Son successeur est Alexandre Taisne, le big boss de Michelin Travel Partner, 41 ans, ex confondateur de Groupon et patron de Toast Gallery, diplômé de l’IEP (Sciences Po) Strasbourg, donc le regard est naturellement tourné vers l’Est, comme la patronne des guides Europe, l’allemande Juliane Caspar. Les équipes de Michael Ellis travailleront donc sous sa houlette. On savait le Michelin en mal de rajeunissement. Cette nomination participe de cette démarche avec éloquence.

L’Hexagone relancé

L’enseigne © GP

On s’interrogeait depuis quelques mois sur le devenir de ce bel ensemble proche du Trocadéro, qui, malgré ses multiples articles dans la presse et ses distinctions dans les guides, avait sombré financièrement. La bonne nouvelle de la semaine? Un groupe d’investisseurs franco-libanais s’apprête à reprendre l’Hexagone, avenue Kléber, qui est toujours titulaire – eh oui – d’une étoile au Michelin, laissée inexplicablement malgré le départ de Mathieu Pacaud pour Apicius, malgré les nombreuses informations filtrant sur le sujet. Le deux étoiles du lieu, Histoires, ferme, lui, définitivement ses portes. Le lieu, après travaux, devrait regrouper plusieurs tables et un bar de nuit, sur le modèle de ce que réalise la multi-table à succès à Londres, Novikov, qui joue aussi bien la cuisine asiatique, que la trattoria chic et le bar lounge. Le lieu devait fermer pour travaux et réouvrir avant l’été.

Adieu à Jean-Marie Amat

Jean-Marie Amat, au Prince Noir © Maurice Rougemont

Il a été un Bocuse bordelais, rassembleur des chefs girondins dans les années 1980, à l’heure où les châtelains bordelais ne sortaient guère de chez eux. Il avait conquis les étoiles, déjà, rue Buhan. Deviendra à son tour châtelain de Bouliac au Saint-James dans un domaine moderne à sa mesure, avec son hôtel révolutionnaire signée Jean Nouvel, son bistrot tendance avant la lettre – le Bistroy -, plus le café de l’Espérance. Poète et visionnaire, gourmet et passionné, plus que gestionnaire rigoureux, on le retrouvera à la Maison du Fleuve de Camblanes, au Bistrot du Théâtre, à nouveau au coeur de Bordeaux, enfin au Prince Noir de Bordeaux. Ce voyageur de tous les sens, amoureux du Maroc, mettant un peu de Maghreb dans son Aquitaine, avec sa pastilla de pigeon, sa terrine d’aubergine et à la tomate au cumin, était un rebelle sensible et fier, un sensuel passionné, un romantique avide de faire partager ses émotions. Pour le congrès des Relais & Châteaux, il avait organisé chez lui, pour ses amis chefs tels Loiseau, Veyrat et d’autres, un « repas des interdits » avec ortolans et bécasse. Rien ne s’efface de sa belle empreinte. Il nous laisse orphelins de sa manière et de sa sensibilité. A 72 ans , il nous quitte avec une discrétion qui était bien sa personnalité, si prenante, si attachante.

Benjamin Patou rachète Lapérouse

Benjamin Patou © GP

Benjamin Patou rachète tout. Ou presque. Ce petit roi de l’événement est au Victoria 1836, qui a succédé à l’Arc, au Manko avenue Montaigne, chez Noto à Pleyel, au Rural by Veyrat dans le Palais des Congrès de la porte Maillot. Il vient de racheter la majorité du fonds de Lapérouse, sur les quais, rive gauche, qui eut jadis trois étoiles, au temps de Roger Topolinski (qui les gagna en 1933, puis en 1951 et les garda jusqu’en 1968 avec les chefs Charles Delorme et Fernand Poisson). L’ambition? Outre redonner de la vie au lieu : regagner un peu de sa gloire étoilée. Il devrait  faire appel à  un grand chef – qui pourrait Jean-Pierre Vigato, libre depuis la vente d’Apicius. Benjamin Patou a également mis la main sur la Gare à la Muette, vendue par le groupe Bertrand. Mais, contrairement à la rumeur parisienne, il a décliné la reprise du Boeuf sur le Toit, également mis sur le marché par le même groupe qui solde une part de son empire.

La Tour Rose reprend vie

Stéphanie Marquez, Nathalie Grynbaum, Tabata et Ludovic Mey © DR

Depuis la glorieuse époque étoilée de Philippe Chavent, la belle Tour Rose de la rue du Boeuf à Lyon, au coeur du vieux Saint-Jean, avec ses chambres dédiées aux soyeux et sa grande cuisine créative un peu foldingue, attendait sa résurrection. C’est désormais en bonne voie après la reprise de la cette demeure renaissance par une équipe double: Stéphanie  Marquez  et  Nathalie  Grynbaum  du groupe « MiHotel », et, côté cuisine, de Tabata et Ludovic Mey, chefs  des  Apothicaires. Ils vont d’une part imaginer des suites digitales et connectées au design contemporain et d’autre part un « food court », qui jouera la « food traboule ». Le projet est neuf, l’équipe jeune. La nouvelle Tour Rose devrait voir le jour en fin d’année 2018.

Jacopo fait un tabac

Jacopo ©  GP

On l’annonçait ici même il y a quelques mois. La neuve adresse des Champs promue par Alex Bril, entrepreneur franco-russe, qui possède  Yeeels, avenue George V, fait un tabac sur le mode « bistronomique », sitôt ouverte. La carte est signée Thibault Sombardier, ex-star de Top Chef (il fut finaliste 2014), étoilé chez Antoine avenue de New York, aubergiste à son compte, dans le 19e, à l’enseigne de Mensae, jadis passé chez Dutournier – il fut le chef du Trou Gascon. Nous sommes là rue Vernet, angle Bassano, dans un discret immeuble haussmannien, juste en face au cabaret Raspoutine, à quelques mètres des Champs-Elysées et du métro George V. Le nom Jacopo vient de Bassano (peintre de la Renaissance qui a donné son nom à la rue), même si la cuisine proposée n’est pas italienne, mais française, traditionnelle, avec malice et légèreté. Pour tout savoir, cliquez .

Serge Alzérat passe le relais

Serge Alzerat avec Robert Charlebois © GP

Il fête son quart de siècle de bistrot rive gauche, dans son bouchon néo-lyonnais, sis près de la Tour Montparnasse (et du cimetière éponyme), où il a reçu le tout Paris et sa banlieue, de Charlebois à Wolinski. Serge Alzerat, natif de Roanne, beaujolothérapeute distingué, continue de prôner le brouilly et le chiroubles, les oeufs en meurette, l’andouillette et le tablier de sapeur, même s’il passe le relais à sa fille Morgande. Cette diplômée en communication, stagiaire à l’école Ferrandi, gagnée, sous l’influence de son gourmand papa, à l’amour des bonnes choses, va peu à peu prendre en main cette maison de coeur.

Serge Burckel, le énième retour

Sabine et Serge Burckel © GP

Le fou chantant de la cuisine alsacienne est de retour! Fou, Serge Burckel l’a toujours été, créatif aussi. Cet ancien de chez Gaertner à Ammerschwihr, Maximin à Nice, Witzigman à Munich, qui fut étoilé à Colmar au Rendez-Vous de Chasse à Colmar, chez Serge & Co à Schiltigheim, passé au Chandioux à Dôle, égaré un temps à Hong-Kong, Los Angeles et Doha au Quatar, s’est souvenu de ses origines mulhousiennes en s’installant dans un lieu improbable, au coeur du parc musée de Wesserling. Dans ce qui fut jadis un centre industriel du tissage alsacien,  son épouse Sabine accueille avec charme. Sa demeure bourgeoise, avec son jardin, sa déco baroque, se découvre avec ravissement d’un véritable gymkhana fléché. Les menus sont des symphonies surprises. Les plats constituent des points de repère d’un parcours à la fois fugueurs et buissonniers.  L’Alsace donne la main à l’Asie, à l’Italie ou à l’Orient proche ou lointain. On vous en reparle vite.

Rego rebondit

Raphael Rego © DR

La saga Rego, vous la connaissez. Ce Brésilien de Paris, natif de Rio, formé en Australie et en France, passé chez Robuchon, Taillevent et Rostang, avait ouvert trois maisons: Maloka, rue de la Tour d’Auvergne dans le 9e, la rôtisserie Maloka Fogo Brasileira dans le 7e, enfin Oka, sa belle table gastronomique, avec ambiance raffinée, dans le 5e, dans ce qui fut jadis Botequim Brasilero, le plus vieux restaurant brésilien à Paris, rue Berthollet. En proie à des retards et problèmes dans ses travaux, il avait fermé cette dernière maison, qui devait être la figure de proue de son empire. Le voilà finalement qui la rouvre – après avoir fermé sa maison de la rue de Tour d’Auvergne, pour réouvrir avec panache sa grande maison du 5e. Ouverture officielle: le 13 mars prochain. Objectif annoncé: l’obtention d’une étoile, qui serait la première pour une table brésilienne à Paris.

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