Les chuchotis du lundi : Akrame brasse fort, Kei le nippon, Samuelle s’émancipe, Goût de/Good France remet le couvert, Marx roi de la boulange, le Michelin est-il sinophobe? Gené s’en va
Akrame brasse fort
Succès de curiosité, mais pas seulement: le nouveau concept de brasserie métissée signé Akrame fait un tabac légitime. Shirvan (‘le feu » en langue azeri) mêle les cuisines de l’Orient proche ou lointain avec une habileté très rouée sous la houlette du doué Manoj Sharma, indien de Delhi, passé à Londres au Rasoi de Vineeth Bathia, qui nous bluffa au Desi Road de la rue Dauphine. Au programme, notamment, un curry de lentilles, un porc vindaloo, des salades crues ou cuites, du chou fleur condimenté, des desserts à tomber par terre, dont un millefeuille bigaradier déjà légendaire: bref, du bon, du très bon, du charmeur. On en a parlé, on en reparlera.
Kei le nippon
Kei, « notre » Kei Kobayashi, le neuf deux étoiles de la rue du Coq Héron, revient à ses origines avec des idées de cuisine nippone nouvelle manière en collaborant à Sushi Shop. Le numéro des un des « livreurs » de suhi/rolls et makis version luxe lui a commandé un « à la manière de »… avec le quel il fait sa pub du moment. Au programme: le roll saumon gravlax, avec carottes, concombre, navet blanc, roquette, aneth, menthe, oeuf de saumon, crumble, sauce tapenade, la salade concombre au miso rouge, le frais maki du jardin, mariant carotte, concombre, miso, cacahuète, sésame, sirop d’érable, yuzu, piment ou encore le « gyu » spécial roll avec son boeuf maqué sauce teriyaki, qui pourrait être plus tendre, mais on est dans le grand nombre, avec piment, mayonnaise, oignons frits et j’en oublie. Bref, c’est pour un peu moins de 30 €, à partager à deux, avec des sauce sucrées, salées fournies, une manière amusante, de goûter aux plats magiciens de Kei l’artiste qui s’efforce là de faire plaisir au plus grand nombre.
Samuelle Dorol s’émancipe
Du Michelin nouveau style, elle est la nouvelle star. Tête bien faite et bien pleine, diplômée de Sciences Po et du Celsa, experte en communication contemporaine, formée dans les cabinets ministériels, passée chez Valérie Pécresse et François Baroin, fan de Jacques Chirac, elle a largement contribué à rajeunir, avec sagesse, mais fermeté, l’image du guide rouge dont elle est un peu plus que l’attachée de presse: sa vigie nouvelle vague, sa neuve gardienne du temple. Elle sait faire le black out quand il faut, interdisant une photo sauvage de Michael Ellis, tout en l’introduisant dans la nouvelle critique, faisant barrage contre toute intrusion des équipes intérieures, empêchant même qu’on communique avec la big boss de l’ombre Juliane Caspar. C’est à elle qu’on doit l’exposition l’an passé des chefs trois étoiles vus par son photographe de coeur, Stéphane de Bourgies, comme la présentation cette année du guide des bonnes tables couronnées d’un bib devant Jouvence dans le 12e. C’est elle encore qui a mis en scène la dernière conférence de presse de la sortie du Guide France au Palais Brongniart, en direct sur les réseaux sociaux. Si elle est prolixe sur Facebook, abondante sur instagram où elle livre des avis très incisifs sur les tables parisiennes en vogue (elle a notamment adoré Shirvan d’Akrame – dont elle apprécie « la contemporanéité » et « le métissage« -, aime la table deux étoiles de Sylvestre Wahid rue Saint-Dominique et raffole du très branché Bar des Près de Cyril Lignac rue du Dragon ou encore le George de Simone Zanoni dans le cadre du George V), elle sait être modeste quand il faut, assurant n’être pas présente sur Twitter car elle « n’a rien d’intelligent à y écrire« . Protégeant les uns et les autres, s’interdisant d’aller au delà de son rôle, elle se fait tout de même remarquer par ses tenues élégantes et signées, comme si (nombreuses) sorties en ville avec ses copines blogueuses ou influenceuses Raphaëlle Marchal ou Hélène Luzin. Bref, jeune, drôle, pimpante, glamour, sexy, charmeuse, elle est présente partout, même là où on ne l’attend pas.
Goût de/Good France remet le couvert
2000 restaurants sur les 500 continents pour 200000 convives: cette année, l’événement « Goût de France/Good France », parrainé par le ministère des affaires étrangères, avec de grands noms comme Paul Bocuse, Alain Ducasse, Guy Savoy, Joël Robuchon, mais aussi Kiyomi Mikuni à Tokyo, Michel Roth à Genève et Raymond Blanc en Angleterre, développera son activité au service de la culture française. Le détail des manifestations sera annoncé au Quai d’Orsay, ce mardi 7 mars à 17h45, par Jean-Marc Ayrault et Alain Ducasse. Au programme de la journée parisienne, le 21 mars, les chefs et des élèves des écoles de formation seront sur le toit de l’Arc de Triomphe pour proposer au touristes et aux parisiens des bouchées à la française. Parmi les participants, Thierry Marx, Eric Briffard du Cordon Bleu, Marc Williams de l’école Ducasse, le pâtissier Kevin Pannier et Romain Gourmoud de l’institut Ferrières et Jean-Louis Nomicos.
Thierry Marx, roi de la boulange
On savait qu’il savait tout faire. Voilà qu’en compagnie du MOF boulanger Joël Defives, Thierry Marx ne se contente pas de jouer les créateurs azimutés. Il rend d’abord hommage aux grands classiques de la pâtisserie, proposant une tarte au chocolat renversante ou une version de la tarte alsacienne aux pommes (et crème pâtissière), proprement à fondre. On trouve là, bien sûr, en grignotage, à emporter, à croquer sur place, des sandwichs au gré de la saison, des viennoiseries craquantes (croissants, pains aux raisins et au chocolat, chausson aux pommes), sans omettre, bien sûr, ses fameux « breadmakis » – club sandwich roulé, avec œuf dur, pain de mie, mayonnaise, Savora, jambon de volaille-. Mais le pain complet et la baguette, dont font leur miel nombre de restaurateurs étoilés du 8e qui restent discrets sur le sujet, sont pile-poil. Bref, côté produits popus, il faut compter avec le bouillonnant Thierry Marx.
Le Michelin est-il sinophobe ?
10 tables chinoises signalées en tout et pour tout (avec une seule étoile au Shang Palace et un seul bib rouge à l’Impérial Choisy) contre 27 tables japonaises (avec 3 tables étoilées): le palmarès du Michelin France 2017 reflète-t-il la réalité parisienne du moment? Ou n’y a-t-il pas là quelque ostracisme anti-chinois? On ne parle pas bien sûr des nombreuses tables françaises étoilées et dirigées par des chefs japonais (Kei dans le 1er, Passage 53 dans le 2e, Alliance dans le 5e, Neige d’Eté dans le 15e, l’Archeste dans le 16e, ES dans le 7e, comme Nakatani, Pages dans le 16e, Sola dans le 5e, mais aussi le Village à Marly-le-Roi) qui indiquent l’attention portée par les inspecteurs et la direction du guide rouge à tout ce qui vient de Tokyo et d’Osaka, où la maison Michelin réalise d’excellentes ventes avec des guides très largement suivis par le public et les médias nippons.
A l’inverse, on ne s’explique pas l’absence du Michelin de maisons chinoises de grande qualité, louangée par la critique pour une fois unanime, comme Vong dans le 1er, Chen-le Soleil d’Est dans le 15e, qui eut jadis son étoile, et le Bonheur de Chine à Rueil-Malmaison, qui avait, il y a peu encore, un bib gourmand. Mais quel est le problème du guide rouge avec la Chine?
L’adieu poignant de JP Gené
On connait de longue main notre ami et confrère JP Gené, chroniqueur au « Monde », qui nous avait donné une jolie autobiographie en forme de confession gourmande (Mes Chemins de Table). Le voici qui vient de rendre publique quoique discrètement, par email envoyé à ses correspondants privilégiés, sa grave maladie et son prochain départ de ce monde cruel. Voici ce témoignage poignant, sous titre d' »Hasta Luego » (à plus tard, en espagnol dans le texte): « Un jour nous nous sommes rencontrés à table ou en cuisine , plus rarement en voyage de presse et vous êtes entrés dans mon carnet d’adresses pour un instant ou pour toujours. Lecteurs fidèles ou occasionnels vous avez pu constater que depuis quelques temps la chronique est devenue épisodique voire absente. J’ai essayé de la tenir le plus longtemps possible mais aujourd’hui je vous dois la vérité : le crabe a été le plus fort et la maladie m’ accorde encore quelques semaines parmi vous. La moindre des politesses était de vous dire adieu et merci pour votre présence et votre émulation stimulante. Bon courage dans ce monde de bring’zingues qui nous entoure !!!! » Adieu, l’ami, on aimait ta franchise, la sûreté de ton jugement, la vigueur de ta prose juteuse. On ne t’oubliera pas!
Dans le magnifique portrait de Samuelle Dorol vous avez oublié, parmi les nombreux qualificatifs qui rythment votre article, modestie et discrétion, deux qualités essentielles pour une attachée de presse…