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La drôle de famille de Stéphane Hoffmann

Article du 18 août 2016

9782226325808-j

De Stéphane Hoffmann, on connaît au moins les Auto-Tamponneuses, ce portrait un tantinet acide de la bourgeoise bretonnante du golfe du Morbihan, qui s’ennuie avec verve. Mais on n’a pas oublié que ce joyeux lettré, dandy discret quoiqu’impénitent, autobiographe modeste pratiquant l’auto-dérision avec art (« le Gros Nul », « Journal d’un Crétin », tous deux parus au Rocher), était l’auteur d’un joli prix Nimier (« Château Bougon ») et de quelques romans narquois mettant en scène les enfants de la bourgeoisie de l’Ouest, milieu qu’il connait bien (« Des filles qui dansent », « Des garçons qui tremblent »). Ses fidèles lecteurs ne seront pas dépaysés par son nouveau livre qui emprunte son titre à Larbaud, dont les héros pourraient sortir des nouvelles de Morand, mais avec des clins d’oeil sages à Queneau. Bref, c’est vif, drôle, ironique, avec toujours ce côté portrait de famille burlesque qui lui sied à merveille.

Le jeune Antoine qui donne son titre à l’ouvrage est le produit des amours brèves de Baladine Griggs, entrepreneuse surdouée, présidente de sa confédération patronale, future ministre, et de Rudyard Griggs, riche oisif londonien, fidèle à ses collections de vêtements et de voitures. Comme ses parents sont séparés, Antoine vit entre sa pension suisse et sa grand-mère – la mère de Baladine -, ex chanteuse de rock à succès, qui vit à Chamonix et possède une Rolls « bleu glacier ».

Cela paraît loufoque – il y aussi l’avocat anglais qui boit, le nouveau mari de Mamie, son impresario qui veut faire redémarrer sa carrière coûte que coûte, un chien adorable, qui est sans doute l’un des personnages les plus sympathiques du livre -, c’est surtout drôle, écrit à bride abattue, dans un style sec, nerveux, fort bien tenu. Autant dire qu’on marche, tout en étant intrigué. On voyage là entre Londres, la Savoie, la principauté de Monaco et le Lac Majeur. Hoffmann, qui connaît ses classiques, sa géographie européenne, comme ses bonnes adresses, vous livre quelques unes des bonnes tables à visiter ça et là, et glisse, mine de rien, ses recettes du bien-vivre.

Chemin faisant, on se prend d’amitié et même d’affection pour ces personnages truculents notamment le si sage Antoine, si plein d’angoisse aussi, dont le destin tout tracé est d’abord celui de héros de roman. Autant dire que l’ouvrage – insolite – est drôle, vif, truculent, bref fort réussi. Et que le prix Interallié tient là son favori tout trouvé.

Un enfant plein d’angoisse et très sage, de Stéphane Hoffmann (Albin Michel, 18,50 €, 263 pages).

A propos de cet article

Publié le 18 août 2016 par

La drôle de famille de Stéphane Hoffmann” : 1 avis

  • Aumon Claude

    Une petite merveille à déguster sous les derniers rayons du soleil estival-automnal comme un macaron confiture allégé de quelques gorgées de thé vert.
    Un héros ado de treize ans qui parle comme un grand face aux enfantillages d’adultes inconsistants, une histoire de famille dont le sérieux apparent est régulièrement mis à mal par l’ironie douce (et parfois tendre) d’un enfant dont le regard lucide transperce les apparences. Une leçon de morale pour les aînés mais jamais assénée, livrée en touches impressionnistes, presque pointillistes, avec, parfois, un lourd pâté d’encre quand il faut user de « gros mots » pour bien faire passer le message.
    Moment de bonheur avec Antoine, le « héros » abandonné que l’on adopte dès les premières lignes et Jojo le ratier, chien court sur pattes mais à l’affection géante… Joli moment qui donne l’envie de tout lire de Stéphane Hoffmann, écrivain dont les sélections pour les prix va faire, (si ce n’est déjà le cas), je l’espère, un « best-seller », mot anglais comme l’humour souvent judicieusement décalé de cet amoureux des mots et des « belles » lettres.

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