L'Epicure à l’hôtel Bristol

Eric Fréchon © GP

Les grands chefs, rien de mieux que goûter leur cuisine pour en parler. Ce qui pourrait passer pour un truisme n’est qu’une vérité simple à énoncer. Il faut dire qu’on a si souvent le sentiment de « manger du Fréchon » ici ou là (le merlan en croûte de pain récemment goûté au Stay, les macaronis au foie gras chez Nomicos qui inaugura le genre, sans parler de la fameuse boîte de caviar chez le royal belge Mattagne au Sea Grill, jadis au Régent de Bordeaux et chez Nicolas Stamm à la Fourchette des Ducs) qu’un retour aux sources et à la version originale (ou fréchonienne) fait du bien, s’impose pour une réflexion saine et durable.

Boîte de caviar © GP

Le cadre de son travail est l’un des lieux les plus chics de Paris. L’Epicure, cette salle grande bourgeoise où j’aperçois de (pas si) loin Jean d’Ormesson ou, à une autre table, le banquier Philippe Villin, avec la vue sur de splendides jardins intérieurs, sa cave somptueuse, son personnel attentionné, sa verrerie et son orfèvrerie si soignées. Tout cela frise évidemment l’exceptionnel. Que dis-je? Le dépasse. L’exception, c’est bien sûr ici même avec ce service précis, vif, tourbillonnant. Et ces mets au diapason.

Asperges © GP

MOF à qui rien n’échappe, que nulle technique ne rebute et chez qui l’agileté est reine, le maestro Fréchon signe des mets de haute tenue. D’abord, bien sûr, cette admirable boîte de caviar de Sologne avec sa mousseline de pomme de terre fumée au haddock, son croustillant de sarrasin à la crème aigrelette, ce poireau Ile de France cuit entier au grillé avec son beurre aux algues, son tartare d’huître perle blanche, cébette et citron ou encore les asperges du Pertuis lustrées à l’huile de noix, poudrées de jaune, blanc d’oeuf et truffe noire, comme des mises en bouche magiques.

Poireau © GP

On sait que la mer, chez ce natif de Corbie dans la Somme, élevé du côté du Tréport, livre toujours ici de grands moments. Que les saint-jacques dorées à la plaque avec purée de topinambours et émulsion au jus de truffe noire, comme le saint-pierre de petit bateau cuit au jus de poisson de roche et coquillages avec son vrai/faux galet de pomme charlotte à l’encre de seiche ne démentent guère.

Saint-jacques © GP

Le clou du spectacle, ces temps-ci? La truffe noire entière cuite au gros sel avec ses senteurs de bois exaltantes, sa mousseline de topinambours dorés à la moelle: un chef du genre rustique-raffiné où les odeurs, saveurs, textures croquantes des racines font un sublime mariage.

Truffe © GP

Là-dessus, les vins coups de coeur du moment: riche riesling Frédéric Emile de Trimbach 2008, séveux puligny-montrachet de Jacques Carillon 2011, insolite et veloutée petite arvine du Valais du même millésime, de la cave des Armandiers, séducteur et odorant domaine de l’A, bordeaux signé Derenoncourt en 2010. Bref, du grandiose tutoyant le sublime.

Litchie © GP

On achève sur de surprenants litchis meringués et glacés aux parfums de rose, poire, citron, d’une légèreté insigne. Et si digestes ! Histoire de fermer le ban sur un mode frais, fin, aérien. Vive le maestro Fréchon!

Eric Fréchon et le service © GP