L'Arnsbourg

Jean-Georges Klein © GP

Pour une fois, on va vous la faire courte. S’agissant d’une maison qu’on a louangé maintes fois, mais qui s’apprête à vivre sa révolution, notons que nous avons fait là le dernier grand repas de l’année ici même, avant non pas la fin du monde, mais l’avènement du nouvel Arnsbourg. Les trois étoiles du Michelin risquent fort sinon de s’envoler, du moins d’être suspendues en février prochain. Jean-Georges Klein s’apprête, en effet, à prendre officiellement sa retraite ici même et d’opérer, à près de 64 ans et des poussières, un nouveau démarrage.

Le service avec Cathy Klein © GP

Ce sera, non pas, comme prévu, au printemps prochain, mais à l’automne prochain sous la gouverne de Silvio Denz, le magnat helvète de Lalique, qui ouvrira à cet effet une villa Art déco. Trop tôt, bien sûr, pour en parler. Assez, en tout cas, pour souligner que l’Arnsbourg continuera sans lui sous l’égide de sa soeur Cathy qui est la tête pensante de la demeure depuis deux et même trois décennies, et qui va continuer avec, grosso modo, le même personnel de salle – moins le sommelier Romain Iltis – et une équipe de cuisine à la fois partiellement rajeunie et renouvelée, conservant les mêmes bases.

Poire Dauphine et « Comme une Caroline » © GP

Cette cuisine de magicien zélé, inspirée partiellement par le surdoué Moshik Roth de Sahmoud Places à Amsterdam, c’est bien en tout ce que l’on goûtait ici encore avec un plaisir renouvelé, plus des idées classiques rajeunies. Pour le premier terme, on notera les savoureux apéritifs avec ces exquises cuillers façon cocktail solide, comme cette incroyable « poire dauphine » avec sorbet poire, liqueur de sureau, gel de citron, mousse poire Williams et gin, plus huile d’olive et sel de Maldon. Une cuiller qui vaut à elle, avec sa provocante note sucrée, mais si digeste, le voyage dans la clairière d’Untermulhtal.

Gnocchis de potimarron © GP

On citera, pour faire simple, le croustillant d’amandes, tourteau et citronnelle, le bonbon à la crème de céviche et crevette à la thaï, la « caroline » avec crème de foie d’oie, mini-éclair, ganache chocolat amer et café ou l’oeuf parfait avec sa joue de cabillaud façon pil pil. Il y a ensuite la déclinaison de légumes d’antan – dont les gnocchis de potimarron), l’oeuf de caille à la truffe blanche, la trilogie de céleri au goût d’umami (et truffe), la bouleversante découpe de saint-jacques (crues marinées), couvertes de truffes noires, présentées façon demi-deuil.

Saint jacques demi-deuil © GP

L’Arnsbourg version néo-classique, qui se peut être le prélude de l’an 2015 ici même? La solette poêlée avec sa hollandaise au beurre noisette, sa fine chapelure noisetée, sa vinaigrette de tanaisie, son gel d’argousier, ensuite la petite- et simple d’apparence – salade de mâche à la truffe noire d’hiver, et ces deux morceaux de bravoure de tradition revue que sont le dos de chevreuil auy chou rouge, compotée de coing, groseille et tamarillo, plus jus réduit à la cardamome. Ou le suprême de poularde pattes noires sauce Albufera avec salsifis et risotto de fregula sarde avec sa rapée de truffe banche: simplement grandiose!

Solette au beurre noisette © GP

Après les fromages du maestro Bernard Antony, dont cette incroyable tomme des Chartreux et ce camembert coulant à fondre, on craque sur les desserts créatifs mais qui font garder les pieds sur terre: tarte tiède au chocolat, râpée de fève de Tonka et crème glacée au grué de cacao, crémeux au praliné noisette plus orange confite et glace aux cèpes façon « promenade dans les sous bois », compotée et sorbet au coing, pottimarron en texture et écume de rhum.

Chevreuil et chou rouge © GP

Vous en voulez encore? On citera juste la folie des vins d’Alsace (muscat signé Dirler-Cadé, gewurz et riesling clos St Landelin de Muré) comme de Bourgogne (vougeot du domaine Bertagna et nuits saint georges les Porrets d’Henri Gouges). Bref, rendez vous très vite pour le nouveau chapitre de la maison. Qui ferme en ce début janvier pour réouvrir le 25. C’est presque demain.

Tartelette au chocolat © GP