L’Auberge du roi Gradlon

Une découverte néo-bretonne à Paris signée de notre avocat gourmet Didier Chambeau.

Antoine Bertho et Geoffroy Damville © DC

A l’angle du boulevard Arago et de la rue Broca, ne manquez pas cette entrée fort discrète derrière un rideau rayé bleu blanc, quelques tables dressées au rez-de-chaussée d’où descend un bel escalier qui mène dans une salle profonde et de fière allure, des murs en grosses pierres, vestige des fondations de l’abbaye des Cordelières, vieilles poutres en charpente, parquet en bois, appliques en laiton style empire, un cadre élégant avec une cuisine ouverte à la salle.

Bar et coquillages © DC

Deux bretons, Geoffroy Damville, œnologue de formation et le chef Antoine Bertho qui fit ses classes chez Robuchon à l’Atelier puis à la Table avant d’ouvrir le Sauvage rue Roy, se sont associés à Nicolas Castelet de l’Auberge du 15, toute proche, pour ouvrir de concert cette auberge du roi Gradlon, monarque légendaire de Cornouaille. Nous voilà donc bien en Bretagne, choisissant de mettre à l’honneur une belle gastronomie de la mer et du terroir, avec des produits labellisés. Après quelques crudités accompagnées d’un beurre breton au salicorne, câpres et anchois, les huîtres de « Pra-t-Ar-Coum », vinaigre de vin vieux aux échalotes ciselées, sont agrémentées de sarrasin grillé pour le craquant, d’une fine tranche de Granny pour le coté acidulé et d’une fleur de bourrache qui ajoute aux fragrances d’iode.

Homard breton © DC

Cela fouette comme les embruns. Un vrai délice que ces « chèvres », appellation purement bretonne des étrilles de roches, farcies à la chair de crabe émiettée posée sur une purée de chou fleur, surplombée d’une fine gelée de carapace, avec ses grains de caviar. Belle technique, assurément, voilà un plat signature comme on aime les découvrir. On craque encore pour le bar et coquillages, galette de blé noir au sarrasin avec un émincé de bar, une sauce marinière et de petites coques parfumées, accompagné d’une purée d’artichaut, cuisson au millimètre. Le homard breton est un top, mijoté à l’Armoricaine, émincé de chair de homard avec du sarrasin mitonné aux oignons de Roscoff. Un parfum d’océan…

Kig Ha Farz © DC

Mais revenons sur terre pour déguster le Kig Ha Farz, plat de tradition bretonne, paleron de bœuf, poitrine de porc, rutabaga, topinambour, poireau, navet, carotte, ce qu’on appelle un pot au feu chez nos cousins de Bretagne. On ne saurait résister aux parfums d’une crêpe aux agrumes sur le thème de l’orange sanguine dans tous ses états, fraiche, confite, en purée, avec une sauce au Grand Marnier. Mais si la Bretagne est pays de Cocagne, on se damne pour le Kouign Amann, et sa coulée généreuse d’un caramel chaud au beurre salé. La cave est fournie mais comment pourrait-il en être autrement puisque le maître de céans a la passion des vins. Une grande terrasse est promise pour l’été prochain. Un bel exemple d’une maison qui respecte les valeurs du bon et de la tradition, une cuisine de mémoire, de terroir et d’histoire. Et pour être légendaire, le roi Gradlon peut être assuré de retrouver ici ses lettres de noblesse.

Crêpe aux agrumes © DC