Le Bacon

Des bouillabaisses, il en des bonnes, des fines, des savoureuses, des balourdes, des pas fraîches, des lourdingues; des mythiques. A Marseille, chez Fonfon, au Miramar, chez Michel, entre le boulevard des Catalans et le Vieux Port, ou en version moderne « bouillabaisso aux parfums d’Orient » au Petit Nice, on en trouve de toutes sortes. Il y a la classique de Tétou à Golfe Juan, ou même celle de Paris, plutôt en forme, chez Charlot roi des Coquillages, sur une place Clichy, très abîmée en ce moment (la place, pas la bouillabaisse!). Mais la plus juste de ton, où chaque poisson (vive, saint-pierre, grondin, galinette), cuit au millimètre, garde son jus avec netteté, c’est, bien sûr au Bacon, à Antibes, qu’il faut la goûter.

Nous sommes chez les frères Sordello. Adrien dit « Didi » choisit le meilleur de la mer du moment avec ses copains pêcheurs ou/et à la marée cannoise de Forville. Eve, sa fille, accueille avec élégance face à la mer, sur la pointe du Cap d’Antibes. On vient pour la gentillesse non feinte, le sourire, la vue, le décor clair, et, bien sûr, les poissons d’exception, cuisinés avec maestria par le fidèle Serge Philippin qui sait respecter des produits d’une qualité rare. Soupe légèrement épicée, poissons cuits au petit point, croûtons, rouille et ail: leur bouillabaisse est bien « le » monument du genre. Et les poissons du jour sont du même acabit: salade de rouget, loup cru aux agrumes, saint-pierre juste grillé, chapon façon grand-mère aux pommes de terre avec oignons et citron. Avec un château Rasque rosé et un millefeuille craquant digne de celui de Guy Savoy à Paris, c’est tout le bonheur sur terre.