GästeHaus Klaus Erfort

Il est le plus discret de nos grands voisins gourmands, « le » trois étoiles le plus sage et le plus modeste. Qui ça ? Mais Klaus Erfort. Star de Sarrebruck depuis 7 ans, Grand Chef Relais & Châteaux et  trois fois étoilé au Michelin Deutschland depuis 2008, brillant, affable, chef d’instinct et de science, se cachant dans sa cuisine ouverte, renouvelant son inspiration au fil du temps, du marché, des saisons : voilà un cuisinier vedette qui n’a pas la grosse tête.

Klaus Erfort (avec Jérôme, le maître d’hôtel) © Maurice Rougemont

On connut ce pur Sarrois, jadis, alors qu’il était chef au Park Hôtel de Wölklingen, alors qu’il démontrait déjà de belles prouesses. On le retrouve là au mieux de son art. Quadra en pleine forme, il a gardé de sa formation en Forêt Noire chez Harald Wolfhart, au Schwarzwalstube de Traube Tonbach et au Bareiss de Mitteltal, deux voisins célèbres et pareillement trois fois étoilés, un sens de l’équilibre des goûts sans pareil.

Dans la noble demeure patricienne, qui appartient aux houillères locales, mais dont il détient les clés avec élégance, il fait montre d’une grande délicatesse. On aime le lieu avec sa décoration sobre en blanc cassé et beige, sans tapage, son jardin où l’on sert à la  belle saison,  son service complice, sa carte des vins superbe.

Ses menus, pour tant de qualité, sont là d’une évidente sagesse, si on les compare avec un « trois étoiles » français. Ce que l’on trouve là ? Des produits de grande qualité (ses calamars, ses langoustines royales, son bar de ligne et son turbot sont d’une fraîcheur irréfragable !), apprêtés avec une finesse insigne et une virtuosité technique constante. Pas de chichi, mais le vrai goût et lui seul. Illustrant l’adage curnonskyen selon laquelle la « bonne cuisine c’est quand les choses ont le goût de ce qu’elles sont ».

Les amuse-gueule sont affriolants : on songe ainsi à la fine tarte flambée en mignardise, qui est une des jolies réussites du genre, la superbe caille pochée à la galantine de volaille aux truffes, à l’incroyable croquant de yaourt enfermant un tartare de thon, à l’huître de Gillardeau si iodée, avec pomme et soja, au macaron rose avec sa mousse de foie gras. Des alliances de classe, des goûts qui fusent, des mariages à risque qui sonnent juste…

Selle de chevreuil © Maurice Rougemont

S’il y a, chez Erfort, une propension évidente au sucré/salé, rien ici n’est laissé au hasard et aucun mariage n’est gratuit. Ainsi le superbe pavé de foie gras à l’ananas poivré et aux amandes ou encore cet autre foie gras marié aux langoustines hachées en tartare : carrément superbes ! Il y encore le filet de bœuf mariné en rouleau avec caviar, concombre, wasabi, le homard aux pêches et chanterelles, sans omettre le concombre de mer catalan (que les Espagnols nomment « espardenyes ») et que relève une jolie vinaigrette à tomate et basilic. Voilà autant de belles idées légères, fraîches, sapides, qui font des entrées créatives  de haute volée.

On aime aussi la sole à l’infusion de cèpes avec ses cèpes crus râpés sur son fin bouillon si digeste, la poitrine de pigeon de chez Miéral en Bresse, présentée en croûte de sel et flanquée d’une crème de céleri, la selle de chevreuil de l’Eifel au poivre de Sichuan, qui font des recréations classiques de toute beauté. On y ajoute le choix de fromages français sélectionnés par Bernard Antony à Vieux-Ferrette, les brillants desserts revus à l’aune moderne, comme cette superbe déclinaison sur le thème de la poire Belle Hélène, avec poire, vanille, chocolat chaud, glace qui sont proposés séparément et … divinement.

Le service sait sourire, parle français, conseille avec aise les meilleurs crus de Moselle, de la Nahe en Palatinat et du proche du Pays de Bade. Bref, voilà une grande table proche de la perfection et au sommet de son art. Française, certes, en Allemagne. Mais la Sarre n’est-elle pas notre cousine proche ?