Le V au Four Seasons George V

Eric Briffard et Eric Beaumard © GP

Est-ce mon mauvais goût à moi? J’aime le V, sa salle néo-Louis quelque chose, son style un brin « chichi panpan », ses tables larges, rectangulaires ou rondes, la cuisine savante et chantournée d’Eric Briffard, comme le service de la classe mené avec gaîté par Eric Beaumard. Ce vice-meilleur sommelier du monde fameux jadis à la Poularde à Montrond-les-Bains est devenu, mine de rien, l’un des deux ou trois meilleurs directeurs de salle à Paris (devinez les autres!).

Ambiance © GP

Le lieu où il exerce est le palace de plus discret dans le coeur le « plus bling bling » de Paris d’aujourd’hui.  Aux fourneaux, Eric Briffard, bon génie, modeste et franc, natif d’Auxerre, formé jadis chez Robuchon, qui fut le dernier maître queux du Plaza avant Ducasse, fait peu parler de lui, même s’il vient de sortir un livre avec succès. Il est l’une des têtes chercheuses de son métier et l’une des plus brillantes aussi, même s’il a tendance à faire riche, à couper volontiers les meilleurs produits en quatre et en huit, bref à chercher la complication à tout va.

Asperges et morilles en folie printaniere © GP

Il nous éblouit, il n’y a pas si longtemps, aux Elysées du Vernet, avec des assiettes parfois surchargées, riches comme le repas entier d’un autre. Il y a du Gagnaire en plus bourgeois dans sa manière. Ce bel héritier de Joël Robuchon est d’abord un technicien de haute volée qui donne au produit de qualité la primauté sur le reste. Il a, certesn un tantinet, épuré son style, élagué sa manière, affiné ses mariages, éliminé les prises de risque, quoiqu’il se « lâche » encore.

Mousseline de petits pois et oeuf © GP

Ainsi avec ses variations complexes à l’envi, frisant le chichi, et le coupage de légumes en quatre et en huit (on l’a déjà dit!) sur les asperges et morilles déclinées en « folie printanière », en mousseline de petits pois avec jaune d’oeuf poivre et sel et enfin son bouillon de morilles au cerfeuil où l’on n’est plus tout à fait spur de reconnaître le produit premier. Sa ventrèche de thon rouge de Méditerranée est, elle, en deux temps: tartare au caviar de France, gelée de pomme verte et wasabi, puis en escabèche de légumes croquants.

Bouillon de morilles au cerfeuil © GP

Briffard, qui s’est  fait une spécialité du produit rare, bluffe son monde avec son couteau de Galice nacré au beurre d’algues et gingembre, sa crevette dite « carabineros » sauvage à la plancha, avec asperge verte, pistache givrée ou encore son rare saumon de l’Adour proposée à la basse température. Et les viandes (agneau Allaiton d’Aveyron avec la selle rôtie aux piments doux, puis le gigot en navarin minute aux pétales de poivrons, noix de ris de veau dorée et croustillante au bâton de réglisse, avec asperges en blanquette) sont sur le même mode.

Couteau de Galice au beurre d'algues et gingembre © GP

Les desserts jouent la tradition redéfinie sur le même mode brillant et frais. Ainsi, les tiges de rhubarbe rose confite avec le fabuleux fontainebleau aux framboises, sa crème glacée au rhum, sa fève Tonka, ou encore le fraisier minute en granité aux fleurs de violette et sorbet à la fraise fraîche. Tandis que la carte des vins s’affirme toujours, comme l’une des plus impressionnantes de la capitale, riche de bouteilles de grande classe dans tous les millésimes et de découvertes parallèles de bon aloi (comme cet étonnant muscat rose italien qui fait merveille sur les desserts).

Agneau allaiton d'Aveyron © GP

La maison vaut la redécouverte. Le « petit » menu dit « liberté » à midi (95 €) fait une belle invite. Il est temps de redécouvrir le maestro Briffard. Qui nous éblouirait plus encore s’il faisait plus simple…

Fraisier minute © GP