Philippe
« Biarritz: Philippe, cuisinier artiste »
Ce cuisinier à tête chercheuse, cheveux blancs ébouriffés, regard lumineux, n’a pas le profil classique du jeune cuisinier conquérant. Même s’il a fait, comme tant d’autres, ses classes chez Ducasse au Louis XV, Chibois au Gray d’Albion, sans omettre le Palais et le Miramar à Biarritz. Philippe Lafargue, natif de Bordeaux, issus de parents landais, a traversé l’Atlantique pour se perfectionner aux Caraïbes (la Samana à Saint-Martin), en Asie ou en Uruguay (le Conrad Hilton à Punta del Este), sans omettre d’aller se faire voir en Espagne à la Residencia de Palma de Majorque.
Ce cuisinier singulier et solitaire est un artiste tranquille. Son restaurant, caché dans une demeure moderne à l’écart du centre, toute voisine de l’hippodrome, avec sa façade intrigante, se donne des allures d’atelier contemporain. Il y a le comptoir, les salons, le patio, la cuisine apparente, les toiles modernes et rieuses, les fauteuils signés Pierre Paulin ou Charles Ray Eames, les menus qui louvoient et changent, les idées qui volètent au gré du marché. Bref, on est ailleurs.
Les Biarrots gourmets l’ont compris, qui se font fête, chez lui, le soir seulement, histoire de goûter une cuisine vive d’inspiration et d’expression, de l’instant et des saisons. Les tapas déferlent en rafale. Anchois aux grenades, carpaccio foie de lotte aux noisettes et coriandre, riz noir vénéré au noir de Bigorre, jambon 5 Bellotas « grand reserva » vous refont le palais net. On aime d’emblée le foie gras mi-cuit avec sa confiture d’hibiscus ou les asperges banches nature.
Cela fuse, s’instille, donne le ton. Il y a encore les splendides cèpes à l’ail confit à l’huile d’olive et croquant au vinaigre, les chipirons aux mousserons de la Saint-Georges, le merlu ou la lotte aux asperges. Les assiettes changent. L’humeur est vagabonde. Pas le temps, à coup sûr, de s’ennuyer chez Philippe Lafargue, Pierrot lunaire conscient de ses dons.
Les desserts d’apparence simple sont pareillement séducteurs : fraises Mara des bois et cédrat à l’oseille ou chocolat à l’orange à la fois en mousse et joliment » crispys » font des instants choisis. Un repas ici ressemble à une expérience, une conversation entre amis. Le service, mené par Servane, qui est kiné-osthéopate le soir, sommelière de nuit, est complice.
Les vins, choisis, sortent des caves nouveau style de la Navarre nouveau style ou du Bordelais. Quand Philippe s’enquiert de votre bonheur en fin de repas, on a déjà envie de reprendre rendez-vous pour la prochaine fois.