La Crème de la Crème – Vong : « sentir les produits, c’est la base de ma cuisine »
L’un des temples les plus authentiques, les plus secrets et les plus séducteurs de la cuisine chinoise à Paris ? Chez Vong, rue de la Grande Truanderie à quelques pas du forum des Halles et de sa canopée, dévoilant ses savoureuses facéties et son décor surprenant de demeure cantonaise bucolique. Ses statues, ses bibelots, sa grande salle à colonnades, ses vitraux qui laissent passer une lumière douce se cachent derrière une façade quasi anodine d’une étroite rue des anciennes halles au nom moyennâgeux.
L’élancé et alerte maestro des lieux ? Il se nomme Vai Kuan Vong. Natif de Macao, rallié à Paris depuis belle lurette, il cisèle dim sum et raviolis avec une maestria sans pareille, érige la confection et la découpe du canard laqué comme un bel art et n’a de cesse, depuis 43 ans précisément, de mitonner une exquise partition honorant le meilleur des saveurs de l’empire du Milieu avec des clins d’oeil à Hong Kong, Canton, Pékin ou Shanghai.
Depuis quatre décennies, Vai Kuan Vong et son épouse, qui veille à tout et notamment à l’accueil fort civil, fréquentent avec assiduité le marché de Rungis qu’ils considèrent comme une « chance inestimable » et dont ils font un rituel hebdomadaire immanquable. Ecumant le pavillon de la marée mais aussi celui des fleurs où il glane, selon les saisons azalées, hortensias et orchidées pour les riches besoins de sa décoration végétale, ce gourmand ambassadeur déclare « on trouve de tout à Rungis » ajoutant « pour moi c’est essentiel de voir, de toucher et de sentir les produits pour sélectionner les meilleures pièces, c’est la base de ma cuisine ».
Son mareyeur de confiance ? La Maison Reynaud, qui s’apprête à célébrer son centenaire en 2024. Outre son statut de grossiste spécialiste, elle arbore une importante casquette de producteur avec la fameuse crevette sauvage OSO de Madagascar, pratiquant également l’élevage de bars et de daurades bio profitant d’un écrin idéal dans les eaux pures du golfe de Corinthe et, bien sûr, les fameuses huîtres Perles Blanches, nées en Charentes et élevées en Normandie.
Quelques semaines par an, en automne précisément, un trésor iodé fait ainsi naitre des étincelles dans les yeux de Vai Kuan Vong. Chasse bien gardée de son partenaire ostréiculteur, la crevette impériale des marais charentais a la particularité d’être livrée vivante, conditionné sans délais, à consommer dans les 48h. Saisonnalité très courte, quantités limitées, élevages à faible densité concourent à en faire une Rolls du genre atteignant des sommets de délicatesse et de fraicheur.
Prenant des allures de fête, cette impératrice rare et précieuse fait Chez Vong l’objet d’une préparation et d’un cérémonial en rapport. Après avoir fendu leur emballage d’un coup de couteau bien placé puis contemplé, sourire aux lèvres, le frétillement et la palette grise et nacrée de la livraison du jour, le maestro Vong fait prestement mariner les crevettes encore gigotantes dans quelques lampées de vinaigre de vin de riz avant de les plonger dans l’eau bouillante. Ainsi cuites et instantanément tuées, les crevettes sont réunies dans un récipient évoquant la Chine impériale par une armée de baguettes habiles avant d’être apportées et présentées à table au client puis flambées au guéridon via une liqueur de rose parfumant à point leur chair délicate.
Outre ses qualités gustatives indéniables, cette crevette d’exception, particulièrement prisée de la restauration asiatique haut de gamme mais trouvant également les faveurs d’un nombre croissant de grandes tables tricolores, revêt un intérêt écologique et productiviste pour l’ostréiculteur Reynaud. Elevées en Charentes, directement dans les claires des Perles Blanches, échappant à tout antibiotiques et produit de synthèse, les impériales des marais ont plus d’un tour dans leur sac. Elles possèdent en effet la particularité de soulever les sédiments, contribuant à améliorer l’alimentation des huîtres, de limiter la prolifération des algues nocives tout en se nourrissant des parasites présents dans les claires, participant par là même à un affinage et à une croissance optimisés des « spéciales ». Un échange de bons procédés, totalement naturel, dont crevettes et huîtres sortent grandes gagnantes.
Aux côtés de ces décapodes convoités, le malicieux Vong pioche avec soin d’autres belles prises dans les filets de son partenaire marin. Langoustes bretonnes, saint-jaques de Normandie qu’il agrémentera d’une sauce aux haricots noirs à la mode de Sichuan ou encore ce bar de ligne « haute couture » en direct de Bretagne sud avec lequel ce cuisinier jamais à court d’idée façonne un autre plat emblématique de la demeure : le succulent bar au curry safrané. Les crevettes OSO figurent quant à elles aux premières loges de la collection de dim-sum dont cet artiste du genre étire et façonne la pâte avec un doigté déconcertant.
Au chapitre du canard laqué dont raffolent tous les initiés de la demeure, c’est à Julien Bissonnet, spécialiste des belles volailles, à l’enseigne du Coq Saint-Honoré que s’adresse Vai Kuan. Il glane chez lui canards de premier choix mais aussi poulets et poulardes de Bresse pouvant eux aussi être servis laqués. Enfin pour les références chinoises plus spécifiques, cet artisan pointilleux complète sa panoplie du côté des frères Tang.
Il convient d’ajouter que les bons tours de Vai Kuan Vong ne se limitent pas au salé. Témoins, le taro au lait de coco en glace ou cette malicieuse composition en trompe l’oeil au sein de laquelle une tasse en chocolat contenant un sirop d’orgeat partage l’assiette avec un nuage de coco rappelant l’aspect d’un oeuf au plat. Pas de doute, la Chine est une fête chez Vong !
Chez Vong
Paris 1er
Tél. 01 40 26 09 36
Menus : 39,50 (déj., sem.), 82 (dégiustation) €
Carte : 75-95 €
Horaires : 12h-14h, 19h-23h30
Fermeture hebdo. : Dimanche
Métro(s) proche(s) : Les Halles, Etienne Marcel
Site: www.chez-vong.com
vous parlez de plats chinois alors que la carte du resto évoque plus le Vietnam !!!