Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

Brach

« La Crème de la Crème – Adam Bentalha : « vive le produit brut ! » »

Article du 15 mai 2023

Adam Bentalha et Jean-Baptiste Bissonnet © MR

Adam Bentalha ? Il est le chef un brin sorcier, beaucoup sourcier, de deux des belles tables du groupe d’hôtels de charme Evok : le Brach et le Sinner. Lui, que l’on connut jadis en Suisse au Royal Savoy de Lausanne, anime une partition habile et agile avec finesse et technicité, entre idées de voyage et retour aux racines du Maghreb, avec des clins d’oeil au levant. Pour la cuisine fusion, qu’il met en valeur dans un cadre signé Philippe Starck, au Brach dans une ancienne poste, rue Richepin, à deux pas de la Muette, le bon produit frais est fondamental. Sa source ? Evidemment « Rungis. C’est un vivier de talents, note-t-il, et une interface essentielle entre les petits producteurs et les cuisiniers. Je suis, précise-t-il, très admiratif du travail acharné de tous ces passionnés qui s’activent au coeur de la nuit pour que l’on ait les meilleurs produits dès 7h du matin ».

Jean-Baptiste Bissonnet et sa côte de bœuf © MR

« Ce qui me marque systématiquement lors de mes visites au MIN, c’est cette ambiance si particulière, les odeurs, les couleurs et le bruit de cette agitation, savamment organisée, qui en devient presque plaisant. Au Brach, explique-t-il encore, comme au Sinner, la cuisine est très axée sur le produit brut. »  D’où son mantra : « de la fourche à la fourchette » Son dernier projet ? L’organisation, en collaboration avec ses fournisseurs et amis, de visites immersives du MIN. Histoire, sur une demi-journée, de permettre aux clients du Brach de partir à la rencontre des grossistes du Marché pour découvrir l’envers du décor, avant de revenir au restaurant pour préparer et déguster le fruit des emplettes du jour. Adam note « de plus en plus de gourmets veulent comprendre l’histoire et le travail des produits »

Le Brach signé Starck © MR

Depuis l’ouverture de l’établissement en 2018, le chef du Brach collabore avec son boucher complice, ami et « couturier », comme il le désigne affectueusement, Jean-Baptiste Bissonnet des Boucheries Nivernaises. Lorsqu’il oeuvrait au Shangri-La et au Prince de Galles, Adam, féru de bons produits, avait déjà bichonné de près les morceaux d’exception de ce boucher haute-couture. Entre les deux hommes, proximité et confiance se sont ainsi immédiatement révélées.  « Jean-Baptiste est quelqu’un d’incroyablement passionné. Il parle des viandes comme personne et demeure toujours à l’écoute. Ce que j’apprécie tout particulièrement chez lui, c’est cette notion de conseil. Il s’imprègne, goûte, s’adapte en permanence afin de trouver le meilleur produit pour mes besoins ».

L’os à moelle © MR

L’un des savoir-faire ayant conquis le chef du Brach ? L’expertise des Nivernaises dans l’art de la maturation, résultant d’une approche millimétrée, avec des chambres froides à l’hydratation précise, sans omettre des relations privilégiées avec des éleveurs triés sur le volet et une volonté de traçabilité irréprochable de « la naissance à l’abattoir »…Témoin ce jour là ? La livraison d’un impressionnant train de boeuf normand, plantureuse limousine, affichant 13 kg sur la balance et maturée 90 jours… Tendreté exceptionnelle, gras fondant et savoureux, marbré majestueux et saveur racée : une pièce de roi, prestement découpée en cinq portions, avant d’atterrir dans la poêle d’Adam, pour être grillée et nourrie avec force beurre, ail et échalotes. La suite ? Une découpe au guéridon et un tour de moulin à poivre plus tard, se livrait la recette d’un grand moment carnassier, illustrant à la fois le travail d’orfèvre des Nivernaises mais aussi le respect du produit mêlé à l’esprit de convivialité promu par le sémillant Adam.

Tartare de bœuf © MR

A l’origine réservé vis-à-vis de la maturation, le chef du Brach confie avoir changé de braquet, largement convaincu par les bénéfices sur le plan gustatif mais aussi par le travail remarquable fourni par Jean-Baptiste et de ses équipes. T-bone et tomahawk ont ainsi rapidement trouvé leur place au Sinner, autre table festive du groupe Evok, également chapeautée par Adam qui y joue la carte d’une cuisine métissée sur un mode ethnique et fusion. « J’ai des frigos de maturation au Sinner, où je règle l’hydrométrie et affine les pièces avec du sel rose d’Himalaya. Mais avec ces viandes là, on est très souvent sur du « one-shot ». Jean-Baptiste me les livre prêtes à l’emploi et je les garde très peu. »

Côte de bœuf normande maturée trois mois © MR

Aux côtés de ces pièces maturées, la besace de J-B Bissonnet regorge de beaux morceaux dont Adam fait son miel : tendres filets de boeuf, finement émincés pour le joli tartare ponctué d’olives noires et de toum, la crème d’ail libanaise, ou encore magistrale épaule d’agneau de lait de l’Aveyron, cuite à basse température pendant 2 jours, travaillée en saumure puis grillée à la manière d’un méchoui marocain, que l’on partage à deux ou trois avec sa sauce au zaatar. On y ajoute cette volaille jaune des Landes, signé de l’expert Arnaud Tauzin, rapidement levée et désossée, avant d’être servie sous la forme d’un tendre suprême flanqué d’une savoureuse garniture printanière avec champignons et petits pois. Adam indique « même sur un produit comme l’os à moelle, Jean-Baptiste et ses équipes parviennent à faire preuve d’une régularité exceptionnelle ».

Suprême de volaille garniture printanière © MR

Autre partenaire privilégié, occupant une place de choix au sein des approvisionnements et de la partition volontiers végétale du Brach : Primeurs Passion, spécialiste pointu chez qui Adam se ravitaille pour tous les fruits, agrumes et légumes. « Gautier & Harrisson gèrent l’intégralité de mes volumes. Une relation de confiance qui a également donné lieu à une belle histoire d’amitié » note-t-il. Ainsi la tétragone variété d’épinard dont Adam apprécie « le goût marqué », les belles asperges sauvages et les aubergines du sud de la France (ces dernières étant utilisées pour la confection de l’onctueux baba ganoush ou travaillées en frites avec un subtil mélange d’épices Cajun) sans oublier les artichauts, topinambours et avocats (israéliens ou tricolores), dansent la sarabande dans le riche panier légumier du Brach.

Tiramisu pistache aux saveurs d’orient © MR

A la recherche d’un champignon « avec de la texture, qui ne rejette pas trop d’eau » pour les besoins de sa garniture printanière, Adam est tombé sous le charme des magnifiques « Oreilles-de-Judas » au croquant rare et au parfum boisé. Au chapitre du chou-fleur, incontournable du répertoire telavivien au sein duquel Adam aime à puiser, la tête du Brach a soin de privilégier des pièces de 750 à 800g comme pour ce chou-fleur maraicher rôti, grillé au four avec une délicieuse sauce tahina. Avec le concours de Primeurs Passion, il a d’ailleurs trouvé un producteur francilien dédié chez qui il dispose de sa propre parcelle afin de satisfaire ses besoins conséquents en la matière. Enfin parmi les dernières trouvailles de son maraicher fétiche, Adam ne manque pas de louer cet « exceptionnel » citron caviar de Corse signé d’une petite productrice artisanale de l’ile de beauté ou encore la merveilleuse gamme de vinaigres estampillés de l’Huilerie du Beaujolais à Beaujeu.

Le poivrage de la côte de bœuf par Adam © MR

Côté mareyeurs, deux spécialistes basés à Rungis trouvent les faveurs du chef du Brach et du Sinner : Horca Marée et la Maison Reynaud. Adam évoque ainsi avec enthousiasme ce superbe bar entier d’un kilo fourni par Reynaud, qu’il prépare avec une robuste enveloppe « façon pâté croute », agrémenté d’une chermoula (la sauce au persil, ail, cumin, paprika et huile d’olive). Toujours au sein des casiers de la Maison Reynaud, Adam est également friand du saumon label Rouge d’Ecosse dont il sert un dos rôti avec chou fleur aux épices et labneh. On ajoute au passage qu’au sein du Brach, un bar à sushi fait son apparition au premier étage de mai à octobre.

Adam Bentalha  © MR

Les fromages sont quant à eux signés de l’expert du genre, Alexandre Gayral, à l’enseigne de la Ferme d’Alexandre. Au gré des inspirations, ce spécialiste des belles pâtes ravitaille Adam en délices caprins et fromages de brebis choisis sans omettre de lui fournir une divine double crème crue de Normandie et, plus original, un magnifique lait ribot au sein duquel Adam fait mariner la sfgolia de mozzarella pendant 12 heures avant d’agrémenter cette dernière d’une sauce à base de poires. Le halloumi, originaire de Grèce, est lui fourni par Terroirs d’Avenirs. On l’a dit, entre mezzés, influences orientales, levantines, transalpines, touches épicées et végétales, le Brach navigue à travers toute la Méditerranée, célébrant avec ferveur sa richesse gourmande. Ainsi au registre des produits italiens, Adam fait confiance à Franco Gulli, véritable « chasseur de trésors » de la Botte qui lui déniche une « incroyable » burrata ou encore ce formidable pecorino 30 mois.

Sur la terrasse, le jardinier tient de poulailler de l’hôtel © MR

Au chapitre de l’huile d’olive, Adam fait confiance à Cédric Casanova, fondateur de la bien nommée « Tête dans les Olives » dans le 10e Pour les épices, prépondérantes dans la cuisine voyageuse du Brach, Adam revendique la même exigence de qualité. Cumin, paprika, zaatar, sumac… il fait confiance sur ce terrain à Youness Naceri, fondateur de Spiksa avec lequel il a élaboré des mélanges signatures. Adam nous raconte ainsi « On a un four à tandoor au Brach. J’avais en tête de faire un kebab de lotte que je souhaitais revisiter de manière gastronomique. Donc je me suis dit que j’allais faire une marinade. Avec Youness, j’ai trouvé la combinaison parfaite avec le juste dosage de coriandre et depuis j’ai mon mélange estampillé A.B ». C’est également à Spiksa qu’Adam s’adresse pour ces formidables pistaches d’Iran dont il vante « la rondeur et la délicatesse » et avec lesquelles il réalise cet irrésistible tiramisu à la pistache que l’on partage allègrement.

Ambiance en cuisine © MR

 

 

Brach

1-7 rue Jean Richepin
Paris 16e
Tél. 01 44 30 10 00
Carte : 55-95 €
Horaires : 8h-2h
Fermeture hebdo. : Ouvert tous les jours
Métro(s) proche(s) : La Muette, Rue de la Pompe
Site: brachparis.com

A propos de cet article

Publié le 15 mai 2023 par

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !

Brach