La Crème de la Crème – Jean-François Rouquette au Pur : la qualité, c’est la diversité
Jean-François Rouquette ? On connaît par coeur cette grande bringue d’Aveyronnais charmeur qui gère les tables du Park-Hyatt Vendôme, « le Pur » étoilé, ouvert le soir seulement, et le « Café Jeanne » sous la grande verrière, avec ses plats façon snacks, plus simples, quoique raffinés. Ce fou du bon produit, qui travailla notamment dans la dream team du Crillon avec Jean-Paul Bonin, aux Ambassadeurs et du Martinez avec Christian Willer, puis fut chef à la Cantine des Gourmets et au Scribe, l’affirme tout crûment : « la qualité, c’est la diversité » . Et il ajoute : « Rungis, c’est une chance incroyable. Le plus grand marché d’Europe, les meilleurs produits, le professionnalisme, des petits producteurs, un vrai savoir-faire, le tout à un vol d’oiseau de nos maisons. C’est aussi un avantage concurrentiel pour la gastronomie parisienne et francilienne, par rapport à d’autres capitales gastronomiques. La capacité d’avoir les meilleurs produits nous permet souvent d’avoir un temps d’avance. On incarne la dernière ligne de la filière et on se doit de garantir la meilleure expression du produit. »
« Ma première fois à Rungis ? C’était déjà il y a un petit moment » plaisante-t-il, « je garde un souvenir particulièrement marquant du poisson qu’on décaissait à l’époque (ce qu’on ne peut plus faire aujourd’hui avec l’évolution des normes sanitaires). Spectacle à part entière et excellent moyen de dénicher les meilleures pièces du lot. » Ajoutant « Dans nos métiers, on garde de l’humain et de la légèreté, c’est indispensable au quotidien » Sa vision de la relation avec ses équipes et ses fournisseurs : l’amitié, la complicité, certes, mais aussi l’exigence et la rigueur dans les choix. « L’ennui est l’ennemi du goût », note-t-il, détourant une formule de Picasso « le goût est l’ennemi de la créativité ». Notant encore avec lucidité : « le bon produit a un prix. Si vous ne le payez pas lors de votre repas, vous le payerez plus tard. »
Au Park Hyatt Vendôme, palace de charme, sis à deux pas de la mythique place des joailliers, il veille sur tous les désirs, les plus sages, comme les plus fous. Dans cet écrin chic, design et contemporain qui voit défiler gourmets, clientèle d’affaire et hôtes de prestige, il doit répondre à toutes les attentes. « En ce moment c’est toute l’équipe NBA des Chicago Bulls qui est pensionnaire pour une semaine avec un petit déjeuner sur-mesure. Demain, ce sera une star hollywoodienne qui nous demandera un repas royal ou frugal en chambre. Et il faut savoir répondre présent» glisse-t-il, déambulant à travers les différents espaces gastronomiques de l’établissement.
Toujours en quête de nouveauté, ce chef audacieux à l’esprit voyageur, signant sur son menu des carnets de voyage, insiste sur son amour des épices, distillant de longue date influences nipponnes et touches d’ailleurs au fil de la partition raffinée et étoilée du « Pur ». » J’adore la vanille, le cumin, le safran. La vanille était autrefois limitée à quelques variétés, mais le choix évolue avec la cuisine et on a aujourd’hui accès à une diversité extraordinaire » Ce qu’illustre l’un de ses plats signatures associant Saint-Jacques, café torréfié et vanille de Tahiti, le tout lié avec une émulsion de beurre noisette et une pointe de vinaigre de cidre. De Rungis lui viennent environ 60% des produits pour les deux établissements du Park Hyatt Paris Vendôme.
Son partenaire favori pour la viande : le maestro Jean-Claude Huguenin. Tout le gibier qu’il propose vient essentiellement de Sologne et de Champagne, les sangliers et chevreuils sont signés d’un petit ramasseur en forêt de Soissons, tout comme les lièvres sauvages pour l’élaboration du lièvre à la royale. La volaille, elle, provient de Bresse, mais la jaune des landes (pour les filets) et le boeuf Simmental, le paleron de boeuf, ou le gigot d’agneau de lait d’Aveyron sont également présents chez lui. Du Café Jeanne au Pur’, Jean-François, pioche avec soin, dans la besace de ce boucher haute couture. Jean-Claude Huguenin indique d’ailleurs : « cela fait 30 ans que l’on travaille ensemble avec Jean-François. Je l’ai connu à ses débuts dans le 7ème à la Cantine des Gourmets en jeune chef alerte et fringant . Et aujourd’hui, pour tous les espaces du Park Hyatt, il continue à me faire confiance »
Ce spécialiste attentif, qui livre bon nombre d’établissements étoilés, sait s’adapter aux exigences du chef du Pur’ dont il connaît les goûts et les habitudes. Exemple avec le Simmental pour lequel Rouquette et sa brigade demandent un poids de 4 kg minimum le réclamant systématiquement « bien rassi ». A la réception d’un superbe gigot d’agneau de lait d’Aveyron, sa région d’origine, Jean-François souligne « ce que je relève immédiatement c’est ce côté soyeux, gage de qualité » Une pièce de choix rapidement désossée, farcie d’aubergines puis lentement rôtie, avant d’être servie au Café Jeanne avec fregola sarde et un jus d’agneau, des pois chiches et du maïs.
Au meilleur de leur forme et de la saison, les légumes sont eux signés des Vergers Saint-Eustache. Une grande diversité de champignons (trompettes de la mort, chanterelles, morilles, champignons des bois…) côtoie en ce moment fenouil et légumes racines (chou kale, chou de Pontoise, carottes, céleri, poireaux) à l’honneur en cette fin d’hiver. Au Café Jeanne, la douceur parfumée du potiron se révèle ainsi dans un crémeux velouté avec émulsion au pain brulé tandis que le céleri prend la forme d’un granola au sein de cette amusante et régionale polenta basque avec champignons des bois. Côté poissons, le fournisseur de référence se nomme Transgourmet Seafood ravitaillant quotidiennement les cuisines de la rue de la Paix au plus proche de la marée : lieu jaune, Saint-Jacques mais aussi tourteaux encore frétillants, langoustines ou saumon d’élevage pouvant venir d’Ecosse ou de Bretagne (comme c’est le cas actuellement).
Pour l’épicerie et plus particulièrement le sec, Jean-François fait confiance de longue date au Delas, véritable caverne d’Ali Baba gourmande, où il déniche « jambons et charcuteries de grande qualité » comme cette « magnifique viandes de grisons ». En matière de truffes et de foie gras, c’est la Maison Masse, référence du genre, qui s’affirme comme partenaire privilégié fournissant des produits « triés sur le volet » dont Jean-François fait son miel. Le diamant noir se retrouve ainsi sur l’oeuf au plat au Café Jeanne et est sublimé au Pur’ avec cette superbe Belle de Fontenay aux truffes noires agrémentée d’un bouillon aigu boulido et de poireaux crayons en vinaigrette.
Enfin, côté sucré, Jean-François chante aisément les louanges des« exceptionnelles » fraises des bois et framboises de la Maison Bourgeault, produites en Seine & Marne. Ce cuisinier passionné ne manque pas d’insister sur les artisans d’exception qu’il a déniché et parfois contribué à faire connaitre au fil des années. C’est le cas de Sylvain Huchette, orfèvre des ormeaux avec son élevage pionnier et labellisé BIO à Plouguerneau dans le Finistère. « On a démarré ensemble. Nous sommes la première maison avec laquelle il a travaillé et je suis très fier de continuer à être l’un de ses ambassadeurs » Une rencontre et une histoire iodée qui continue de s’écrire puisque, sur les rivages finistériens, Sylvain veille avec soin sur « la réserve Rouquette » et ses mollusques s’affinant au gré des marées avant d’atterrir dans les assiettes de la rue de la Paix.
Autre talent désormais largement reconnu auquel Jean-François a été l’un des premiers à faire confiance : Frédéric Lalos, MOF boulanger qui fournit quantité de grands chefs dont Alain Ducasse. Le Chef du Pur’ mentionne avec ferveur ce « formidable pain feuilleté roulé avec du miel » conquis par la qualité des farines, la « croûte croustillante », les variations avec farine de châtaignes et surtout la précieuse diversité offerte par ce boulanger artiste lui permettant de satisfaire les besoins variés de sa clientèle. Concernant le beurre, tandis que Bordier obtient les faveurs des petit-déjeuners de l’hôtel, c’est toujours en Bretagne mais côté Morbihan, plus précisément à Bubry, que Jean-François trouve son bonheur avec les beurres fermiers exceptionnels de la Ferme Kerbarstard.
Du nord au sud, deux maraichers pointus viennent ponctuellement étoffer le panier végétal déjà bien rempli par les Vergers Saint-Eustache. Le premier : Bruno Cairon, « un fou de bio qui fait de superbes tomates, des aubergines et des poivrons à tomber » du côté d’Aix en Provence. mais aussi Elise Riant dans les Yvelines avec une production dont Jean-François souligne la grande qualité. « L’avantage étant que, selon la météo, on n’a pas forcément les produits au même moment ». Les fromages sont, quant à eux, griffés Quatrehomme dont JFR ne manque pas de louer la régularité, les affinages soignés et les pâtes d’exception, prenant l’exemple récent de cette superbe raclette fermière qu’il propose en saison d’hiver et jusqu’au 26 mars dans son éphémère « Chalet du Park ».
Enfin gardant jalousement secrète l’identité d’un chasseur de trésors gourmets dépêché par ses soins, Jean-François évoque avec passion deux trouvailles plus confidentielles en direct de petits producteurs : de formidables pois cassés carrés et la mélasse de caroube qu’il aime appliquer sur un pigeonneau rôti. On n’est jamais au bout de ses (bonnes) surprises avec Jean-François Rouquette …
Le Pur’ au Park Hyatt Paris Vendôme
Paris 2e
Tél. 01 58 71 12 34
Menus : 250, 320 €
Carte : 200-300 €
Fermeture hebdo. : Tous les midis
Fermeture annuelle : Août
Métro(s) proche(s) : Opéra
Site: parisvendome.park.hyatt.com
Superbe reportage très complet