Le Pouilly-Reuilly
« Le Bistrot du mois – il faut sauver le soldat Pouilly-Reuilly ! »
Attention, chef d’oeuvre en péril ! Christian Millet, fils du pâtissier historique de la rue Saint-Dominique et patron depuis un quart de siècle, déjà, de ce bistrot à l’ancienne, sis à la porte de Paris – la Villette n’est pas loin, la porte de Pantin non plus – le soutient à bout de bras en y mettant tout son coeur. Depuis l’épisode du Covid, la clientèle s’est raréfiée. Les Parisiens gourmands en ont un peu oublié l’adresse, même si tout ou presque est comme avant.
Certes, la façade est un peu encombrée de travaux, les nappes ont disparu au profit de sets rouges sur des tables en bois patinées par le temps et les serviettes sont désormais en papier. Mais le beau zinc d’entrée est toujours là, comme l’horloge légendaire, les miroirs, les diplômes et les professions de foi, dont celle-ci qui compte et s’applique encore à ce qui se propose là aujourd’hui : « cuisine comme autrefois« .
Car on sent battre ici l’âme d’un vrai bistrot d’antan que Christian le magnifique, par ailleurs président de l’association des Cuisiniers de France, s’efforce de rajeunir avec ardeur. Aux fourneaux, le minot Victor Leclercq, passé chez Sodexo prestige, mitonne une cuisine à l’ancienne qui ne démérite guère de son passé. On se souvient que la maison y eut jadis une étoile dans un cadre simple et sans apprêt, avec des escargots au beurre persillé et du poulet aux écrevisses sous l’aile du solognot de caractère, Jean Thibault.
C’était au temps où le gourmand Marcel Debarge alors maire du Pré Saint-Gervais, y menait François Mitterrand, adepte des nourritures solides et généreuses. Rien ou presque n’a changé dans le registre maison que vante en salle le joyeux Thomas Kornfeld (dont le père Guy fut jadis le directeur commercial de Gault & Millau et qui proclamait : « je suis le « et » de Gault et Millau…« ) et son adjoint Ali dit « le président ».
Œuf en meurette, boudin de Christian Parra, salade d’endives aux noix, céleri rémoulade (tranché sans doute un peu épais, et qu’on aimerait avec une rémoulade plus moutardée), confit de canard, rognon de veau servi entier, escorté de sa sauce moutarde, foie de veau poêlé pommes purée, cuissot de biche mijoté avec ses légumes du pot, en saison de gibier, ou encore côte de bœuf individuelle, servie avec son jus de cuisson, assurent avec justesse.
Le registre des desserts est fort bien vu, comme le fin millefeuille avec son feuilletage arachnéen et sa splendide crème vanille, les pruneaux à l’eau de vie (de prune) et le moelleux baba au rhum servi avec son sirop du beau nectar. La carte des vins est réduite mais recèle quelques pépites comme ce délicieux château Martet « réserve de la famille » en appellation sainte-foy-bordeaux propriété des de Coninck, vinifié par les Mitjavile du château Tertre Roteboeuf et de Roc de Cambes, qui coule en bouche comme du velours… Réservez vite : il faut sauver le soldat Pouilly-Reuilly…