Les chuchotis du lundi : le retour de la grande débrouille – les hôtels accueillent toujours – Courchevel l’optimiste – Mathieu Rostaing-Tayard au Pays Basque – Sébastien Ripari, l’ami des chefs – Antoine Pétrus à Châteauneuf-du-Pape – adieu à Lily Klein.

Article du 9 novembre 2020

Le retour de la grande débrouille

Tomy Gousset © DR

Ils ont paré très tôt à la fermeture, ont conservé leurs fourneaux ouverts, continuant à cuisiner pour les autres, choisissant la formule du « click & collect », du marché pour tous, de la livraison aux environs, de l’envoi d’une « box » en colis express,  comme Christophe Hay, le deux étoiles de Montlivault près de Chambord, Olivier Nasti, le MOF doublement macaronné de Kaysersberg ou encore Laurent Petit, le trois étoiles d’Annecy-le-Vieux, proposant, avec des plats et des produits choisis, la grande cuisine pour tous.  Serge Vieira, le Bocuse d’Or deux étoiles de Chaudes-Aigues, livre, lui, les plats de sa brasserie Saudade et, à Paris, Eric Frechon, mitonne sa saucisse/purée du Lazare en vente à emporter. « S’occuper l’esprit, faire plaisir aux autres » : c’est le mantra de Christian Etchebest qui prépare chaque jour, du lundi au dimanche, des plats à emporter dans ses sept « cantines », depuis son vaisseau amiral de la Cantine du Troquet Dupleix. Soulignant : « et peu importe si on ne gagne pas d’argent; au moins, on n’en perd pas et on remplit sa mission« . C’est exactement le propos de  Franck Potier-Sodaro, chez Sormani, qui, dès le reconfinement, a remis en route sa formule de caviste/épicier/traiteur/restaurateur pour tous, proposant livraison de ses mets et produits italiens. Les rois de la pizza margherita, Big Mamma, se sont mis en mode « Napoli Gang », avec Uber Eats, David Baroche, le petit prince du pâté en croûte aux abords des Champs-Elysées, le propose ainsi à tous en livraison, comme l’Etoile Marocaine et son annexe l’Etoile Longchamp, livre couscous, tagines et pastillas dans tout Paris. Ainsi, Alan Geeam, qui a doublé son bistrot libanais de la rue Saint-Martin, Qasti, d’une épicerie dédiée aux saveurs du Proche-Orient, Doukan, ou encore Stéphanie Le Quellec, la deux étoiles, de l’avenue Matignon, Juan Arbelaez, le cuisinier parigot-colombien, qui se voue ces temps aux saveurs hellènes (avec Yaya) ou encore le déluré Tomy Gousset, dans sa table étoilée en mouvement, Tomy & Co, comme ses annexes Hugo & Co ou encore Marso & Co. Les idées ne manquent pas et la débrouille est partout.

Les hôtels accueillent toujours

Le Bristol © Claire Cocano

Si les restaurants et les cafés ont été contraints de fermer, les hôtels, eux, n’ont pas subi la même contrainte. Ils peuvent toujours accueillir leur clientèle, ne s’en privent pas, proposant une offre de restauration diversifiée en room service. C’est le cas, du côté des palaces parisiens, du Plaza Athénée, du Meurice et du Bristol. Ce dernier précise d’ailleurs « notre room service, emmené par le chef 3 étoiles et MOF Eric Frechon et le champion du Monde de pâtisserie Julien Alvarez, se chargera de préparer les mets étoilés ou les divines pâtisseries » (des hôtes de l’hôtel). De même, au Plaza Athénée et au Meurice, les divers talents maison, sous la gouverne du multi-étoilé globe trotter Alain Ducasse et les formules de « tea time » avec viennoiseries sous la gouverne de ses deux maestros  pâtissiers, le MOF Angelo Musa et le petit roi d’Instagram, Cédric Grolet. Mais beaucoup de groupes hôteliers plus abordables sont également au rendez-vous. C’est le cas des Mama Shelter Paris West (celui de Paris East est, lui, fermé), Lille et Toulouse. C’est encore le cas du groupe Evok avec ses beaux hôtels souvent insolites qui misent sur le charme, le luxe mesuré, la gourmandise avec ses deux chefs de talent, Philip Chronopoulos et Adam Benthalla, au Sinner, au Brach, au Nolinski et à la Cour des Vosges. Manière de dire que, malgré le reconfinement, Paris demeure une fête.

Courchevel l’optimiste

La Sivolière © DR

Elle est « la » station de luxe des Alpes françaises, ne fonctionne jusqu’ici qu’avec une clientèle très largement étrangère, notamment russe, saoudienne, brésilienne, qui devrait être aux abonnés absents cette année. Courchevel, qui doit théoriquement ouvrir sa saison d’hiver le samedi 5 décembre  est optimiste, annonçant quantité de nouveautés de prestige. Ainsi, le groupe Ultima, qu’on a connu à Gstaad, et doit faire cet hiver, avec l’Ultima Courchevel, sa « Grande Ouverture » , avec neuf chalets privés, un spa, un cinéma, un bar et deux restaurants. L’ancien hôtel de la famille Jacob, qui tinrent là, jadis, une table deux étoiles (le Bateau Ivre), et se nomma la Pomme de Pin, est repris par le groupe Maison Tournier. Il devient l’hôtel la Pomme et contiendra deux nouveaux restaurants : La Pomme et la Plage (le second avec une carte autour des saveurs méditerranéennes). Face au Chabichou, la brasserie Katz est repris par David Brémond qui déclinera le concept initié à Megève sous la signature d’Eric Frechon: la Ferme de Saint-Amour. Toujours au Chabichou, le bar de l’hôtel, Le Sidonie propose cette année une offre restauration sous la gouverne du MOF deux étoiles Stéphane Buron, qui y proposera tartiflettes au jambon de pays, crozets au beaufort et truffe ou encore velouté de courge à la châtaigne. Propriétaire du Chabichou, le groupe Lavorel a repris le tout voisin hôtel du Rond Point des Pistes qui devient le Grand Hôtel et proposera une cuisine traditionnelle et savoyarde revisitée.  À la Sivolière, où l’on a connu le talentueux Bilal Amrani, passé depuis au Bagatelle, puis, l’an passé, Fanny Rey, un nouveau chef, Nicolas Vambre, qui travailla jadis dans le groupe Tournier, proposera, au 1850, une cuisine française, de saison et élaborée à partir de produit locaux. Le dimanche, la directrice de l’hôtel, Florence Carcassonne, recevra à « La Table de Madame » autour de plats de partage gourmands qui font partie de la mémoire collective et inspirés des déjeuners dominicaux en famille. Cocottes mijotées, viande braisées et volailles rôties, pour des dîners réconfortants. Enfin, on signalait la semaine passée la venue de Sylvestre Wahid, ou plutôt son retour dans la station après ses saisons au Strato, sous le label Baumanière. Il sera présent cet hiver, à l’Hôtel des Grandes Alpes 1850, dans un écrin signé Tristan Auer.

Mathieu Rostaing-Tayard au Pays Basque

Mathieu Rostaing-Tayard ? On l’a connu à Lyon il y a dix ans, au 126 rue de Sèze. Puis on  l’a revu au savoureux Café Sillon. Ce savoyard voyageur, élève de grands chefs (Pierre Gagnaire et Eric Briffard à Paris, Nicolas Le Bec à Lyon, Michel Portos à Bordeaux et Pierre Carrier au temps de l’Albert 1er à Chamonix), s’apprête à quitter la capitale des Gones pour rejoindre le pays basque, son territoire secret. Il projette d’y lancer, après le confinement, une table à sa mesure, jouant terre/mer avec créativité. Pour l’heure, avec le complice chroniqueur italo-lyonnais, Andrea Petrini, il mitonne des plats en livraison aux gourmets parisiens, sous le label du Silencio Club. On en reparle.

Sébastien Ripari, l’ami des chefs

Depuis vingt ans, il se balade à travers le monde, en chuchotant à l’oreille des chefs, animant ici des conférences, donnant là le bon conseil, aidant à mettre en place une formule qui gagne voire à recruter un cuisinier. Genevois d’origine, parisien par hasard, voyageur par nature, gourmand de naissance, citoyen du monde, à l’aise partout, Sébastien Ripari est ce lutin bondissant qui raconte la planète tel qu’il va avec un formidable appétit. Avec son bureau d’études, il est chez lui à Hong-Kong, Athènes, Singapour, Sydney, Megève ou Fort de France, dégage ses ondes positives sur ce petit monde de la gastronomie qui parfois se chamaille et se chagrine. Il communique à tous son bel enthousiasme qui équivaut à une bonne dose d’optimisme. Bref, lire aujourd’hui son livre confession, publié cette semaine chez Harper et Collins, avec la collaboration de sa complice Anne Akrich, fait du bien. Le titre – l’Ami des Chefs – lui va comme un gant. Il y défend les uns avec ferveur, pourfend les trusts qui standardisent le monde, plaide pour le locavore, demande aux vignerons d’ici et de là de travailler d’abord leurs cépages, explique le bien fondé de la bistronomie et de la cuisine fusion, pourfend le sexisme et vante la place des femmes en cuisine, défend avec une astucieuse malice critique la télé-réalité gourmande façon « Top Chef », explique pourquoi l’aura des grands guides est en berne, tirant au passage à boulets rouges sur le Michelin qui compromet son image, lançant cette métaphore vrombissante: « ‘quand on conduit une Ferrari, on ne ne pose pas dessus un autocollant expliquant : je roule en Ferrari ». Bref, voilà un livre et un homme qui donnent à réfléchir sur un métier en mouvement et qui font du bien.

Antoine Pétrus à Châteauneuf-du-Pape

Antoine Pétrus © GP

On le voyait près d’Aix en Provence, dans un domaine déjà bien établi, sous la gouverne d’un grand groupe étranger. Et le voilà aux portes d’Avignon, résident de Châteauneuf-du-Pape, en quête de vignobles à racheter dans le Vaucluse et la vallée du Rhône. Antoine Petrus, double MOF sommelier et de salle, qu’on connut chez Lasserre en directeur et sommelier éclairé, puis au Clarence, aux côtés de Christophe Pelé, quitte Paris, les frères Gardinier et le groupe Taillevent, pour devenir directeur général de Maisons et Vignobles de Provence. Pour le moment, cette dernière entité ne comporte qu’une seule unité : la Mère Germaine, sauvée de l’oubli et rénovée par la présidente de ce groupe en devenir, Isabelle Strasser, et où officient deux jeunes anciens du Clarence, Agathe Richou et Camille Lacome. Mais les projets sont déjà en voie d’aboutissement. Ainsi, au cours du premier semestre 2020, un comptoir et sa restauration type brasserie provençale au cœur de Châteauneuf, plus une offre hôtelière doublant celle actuelle de la Mère Germaine, avec, au cœur du village, des chambres plus spacieuses. En plus, pour la partie vignobles, deux domaines sur des secteurs nord de Châteauneuf-du-Pape et d’Orange, un autre dans le Lubéron à Ansouis sont au programme. Un itinéraire à suivre.

Adieu à Lily Klein

Jean-Georges et Lily Klein © DR

L’Arnsbourg de Baerenthal? Un lieu légendaire qui fut, dans les années 1920, un relais de charbonniers et de bûcherons. Ce fut, dans les années 1950 la pension de la grand-mère Rose Donnenwirth « où les ouvriers venaient réchauffer leurs gamelles, tandis que le grand-père était sabotier« . C’est Lily, la fille de Rose, la mère de Cathy et Jean-Georges, qui donnera ses lettres de noblesse à la maison, gagnant la première étoile en 1988. Ensuite? Ses enfants poursuivront le chemin, obtenant deux étoiles en 1998 et la 3e en 2002, en créant une sorte de El Bulli lorrain, qui attira le monde entier des gourmets dans leur clairière isolée un peu magique. Depuis, si leurs chemins ont divergé – Jean-Georges est aujourd’hui le chef deux étoiles de la Villa Lalique à Wingen-sur-Moder, Cathy, après la vente de l’Arnsbourg aux Mengus de Gundershoffen, fut un temps la bonne hôtesse du Crocodile à Strasbourg -, ils se rejoignaient pour visiter leur maman dans la clairière d’Untermunthal. Lily, qui vient de nous quitter, allait avoir 93 ans. Un bel âge pour mesurer le chemin parcouru.

 

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Publié le 9 novembre 2020 par

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