Poilâne Belgravia
« Londres : Poilâne version Elizabeth Street »
Cette boutique historique, la première que créa le grand Lionel à l’étranger, est à la fois un rite, un mythe et un symbole. Lionel, qui m’emmenait souvent dans ses bagages à Londres, trouvait qu’Elizabeth Street, ce coin relax Belgravia, ressemblait beaucoup à « sa » rue du Cherche-Midi parisienne. Il disait même – ou est-ce nous deux en chœur, reprenant l’antienne de Morand, que Belgravia figurait une sorte de Londres en résumé. Avec ses ses nobles demeures à colonnades, portiques et stucs, ses « squares », « terraces », « places », toutes aristocratiques, avec jardins ou jardinets, ses anciens immeubles nobles et bourgeois colonisés par les ambassades, ses « mews », qui sont des venelles de campagne, avec leurs pavés lisses et leurs maisonnettes de brique couvertes de lierre, au cœur de la ville.
Un « arrondissement » de Londres, qui cousinerait avec notre septième parisien et, plus particulièrement, le faubourg Saint-Germain? C’est tout cela, Belgravia, à travers lequel il est loisible de comprendre l’esprit de l’Angleterre, île fière, malgré le tunnel. « Belgravia, écrit Paul Morand dans son indémodable « Londres », est l’archétype auquel toute l’Angleterre essaye de se conformer. Les maisons y sont le modèle parfait qu’imitent à des degrés décroissants dans le luxe, l’aisance et jusqu’à l’extrême pauvreté, toutes les autres maisons de Londres. » Et pour ce qui nous concerne ici, la boutique Poilâne Belgravia, doublée aujourd’hui d’une autre à Chelsea, sur laquelle veille Apollonia, propose, avec un four et des boulangers à demeure – Lionel n’aimait pas les « boutiques mortes » – les mêmes pains divins et les craquants biscuits identiques à ceux de Paris. Vive Poilâne, Belgravia, l’amitié, le culte du souvenir et ce lieu béni du Londres éternel.