Le Strato

La folie des Boix-Vives, leur neuf hôtel déjà mythique, à la décoration savoyarde nouveau style, belle,  baroque, contemporaine, saluée et couronnée par les magazines de déco: on vous en a déjà parlé. Mais si le Strato est un bijou hôtelier, sa table est une perle. Le lieu est signé Jean-André Charial de l’Oustau des Baux-de-Provence pour lequel on s’attend à deux étoiles d’un seul coup dans le prochain Michelin. D’ailleurs le maestro de Baumanière  ne s’est pas contenté de déléguer ici son équipe compétente : il gère à son compte toute la partie bar et restauration de la maison. Bref, il est le véritable patron gourmand de la demeure. Il s’engage, il est là et tous les siens  s’impliquent dans sa démarche.

Sous l’apparence classique d’un chalet de montagne, voilà donc une table new look, qui mêle en finesse les saveurs d’ici et d’ailleurs, important en Savoie le goût de la Provence et de la Méditerranée en majesté, mais pas seulement. Les raviolis de poireaux, foie gras et truffes noires jouxtent ainsi le crabe d’Alaska au saumon gravlax et caviar osciètre. L’œuf poule avec céleri, fumet de truffe, vin rouge façon meurette voisine avec l’oursin violet et sa gelée de citron, comme la saint-jacques au bouillon de roche tremblotant. Et c’est bluffant.

Baroque? Il y a de ça. Fou? Pourquoi pas. Nous sommes à Courchevel où toutes les folies sont permises. Prenez ce sandre sauvage d’Alaska cuit à la seconde près, à la vapeur d’algues, avec sa texture juteuse, ses champignons blancs, sa grosse langoustine rôtie au beurre de crustacé: superbe. Il rivalise avec le bar de ligne en pavé épais, son cresson de Fontaine aux huîtres Gillardeau à l’infusion de citronnelle. Pareillement éclatant et frais.

Aux fourneaux, Sylvestre Wahid, élève brillant d’Alain Ducasse, d’Alain Soliveres et de Thierry Marx, homme de confiance du maestro Charial à l’Oustau, sait jouer de tous les atouts de la séduction avec un art confondant de subtilité. Son morceau de bravoure de l’heure : un bouleversant dos d’agneau de lait – de l’allaiton de l’Aveyron -, son filet cuit à la plancha, sa côte grillée à la graine de moutarde torréfiée, sa peau craquante, plus des gnocchis gratinés au vieux beaufort d’alpage et des côtes de romaine: bref un mixte parfait et savant entre tradition provençale et goût savoyard de toujours.

Les desserts sont signés Jonathan Wahid, frère de Sylvestre. Ils sont de la même belle eau que le reste. On se lèche les babines avec ce pré-dessert qui fête le mariage de la crème légère à la vanille, de la noix de coco, du tapioca et des fruits exotiques ou encore de ce chocolat pur cru 24 carats ménageant un subtil dialogue entre cacao amer et framboise. Evidemment, tout cela a un prix : mais c’est celui de l’excellence. Et puis quand on est à Courchevel, on ne compte pas.