Flocons de Sel

Emmanuel Renaut face au chalet © GP

Il était le petit roi de Megève, plein centre, aux Flocons de Sel, il a déménagé son domaine au bas du massif de Rochebrune à quatre km du centre, imaginant, dans 4 chalets, avec une déco zen, sobre et boisée, un cadre qui lui ressemble. Parisien aux racines picardes, formé notamment au Crillon époque Constant, puis chez Veyrat à Veyrier du lac, chef au Claridge’s à Londres, Emmanuel dit Manu Renaut est d’abord un moderne, gardant son visage d’enfant rieur et malicieux, un brin gavroche, jamais revêche.

Il fait partie de cette neuve génération de chefs qui renouvellent son terroir, utilisent le produit local (on les dit « locavores »), raconte sa quête d’une énergie durable et renouvelable qui permet à la terre de se renouveler et de se retrouver. Le gourmet, lui, n’est pas lésé par cette démarche « écho-logique ». Au contraire, il applaudit des deux mains quand Manu crée des amuse-bouche au lait caillé ou aux chips de cèpes, imaginant de somptueux gnocchis de betteraves au parmesan avec un faux biscuit de Savoie au cresson.

Cuisine végétale, usant des légumes racines avec justesse et un sens de l’équilibre du goût: voilà sa démarche, qui le rapproche, par exemple, d’un Alain Passard à Paris, Manu éblouit avec son fabuleux « met signature » qu’est le gâteau de topinambour aux champignons, truffes, bouillon beurré au clou de girofle: un chef d’oeuvre végétalien. S’il y a mieux dans le genre, en 2011, à la montagne, qu’on nous le dise: on arrive de suite!

Manu Renaut, qui publia, il y a peu, une sorte de livre non pas testament (c’est trop tôt, dieu merci), mais de foi et de conviction (« la Montagne et le Cuisinier »,  Aubanel), continue d’épater avec des bons tours qui évitent toujours l’écueil du gadget. Sa fine farce de brochet, avec les écrevisses du lac et son jus d’étrilles au Campari, évoque la plus fine des quenelles, classique, certes, mais revue en légèreté à l’aune du goût du jour.

Les spaghettis de salsifis au lard d’Arnad à la truffe, l’agneau de lait en côte et filet avec sa purée de radis noir et pruneaux, son gratin savoyard nouvelle vague, dit pommes raphia, comme le filet de chevreuil rôti sauce gibier au balsamique avec sa purée de racines en quenelle, choux rouges et myrtilles, sans omettre d’exquises et fort classiques pommes soufflées sont de la même belle eau: légers, frais, sur des thèmes riches, savoyards, revus en finesse, affinés avec délicatesse.

On ne fait pas, ici, l’impasse sur le chariot de fromages, somptueux hommages à la Savoie éternelle, ni les desserts de tradition revus, eux aussi, avec un sens de la modernité concrète et séductrice: sabayon glacé à la chartreuse, citron Meyer en coque sucrée et gelée, tarte au chocolat fumé meringue et sa glace au bois (oui, vous avez bien lu, du bois de chêne infusé dans une crème anglaise glacée, l’illustration même de cette cuisine d’énergie durable – et en plus c’est bon!), sans omettre, in fine, le plus classique soufflé chaud à la myrtille avec son onctueuse glace au même fruit des montagnes.

Les vins suivent le mouvement, reflètent la Savoie nouveau style : Argile blanc du domaine des Ardoisières, odorante Roussette du domaine Blard, Mondeuse cuvée Confidentielle très cassis/violette de Charles Trosset… Bref, que du bonheur, version fruitée, qui donne envie de gambader dans les alpages après un festin de haute volée. Même si de jolies chambres et suites estampillées Relais & Châteaux vous attendent sur place.

Avec Manu Renaut © GP