Le Cheval Blanc aux Trois Rois
« Bâle: les délices de Knogl »
Bâle, sa foire dédiée à l’art contemporain, ses musées, sa gourmandise proverbiale et le Rhin en ligne de mire, qui coupe la ville en deux possède une vedette, pile au bord du fleuve roi, le Grand Hôtel des Trois Rois, entièrement rénové en 2006. Ce palace riche d’histoire (sa présence et son nom sont mentionnés dans les ouvrages d’époque dès 1681) possède une table proprement royale sous la houlette du Bavarois Peter Knogl.
Ce garçon discret, formé chez Heinz Winkler à Aschau, mais aussi au Negresco du temps de l’Alsacien devenu méditerranéen Dominique le Stanc, a vite obtenu deux étoiles et guigne la troisième avec évidence. Il a d’ailleurs été nommé chef de l’année au Gault-Millau suisse, atteignant la note de 19 sur 20. Son chic: proposer des produits exceptionnels et les traiter avec doigté sans fard pour leur faire un son autre, mais sans les travestir aucunement.
Le service, sous la baguette stylée de Jérôme Danner, qui fut jadis chez Rochat à Crissier et au Schiffchen à Dusseldorf, a de la classe et la carte des vins est d’une grande richesse dans tous les vignobles, à commencer par la Suisse. La bonne surprise: une terrasse sur le Rhin, unique en son genre plus un menu du déjeuner à 88 CHF, soit quasi la même chose en euros, ce qui permet d’aborder cette grande table, complète longtemps à l’avance le soir, sans folie et avec mesure.
L’assiette, elle, joue finesse, légèreté, sapidité, à travers des mets très franco-français, d’obédience sudiste et quelques clins d’œil asiatiques. Les petits amuses bouches sont un festival, entre concombre avec yaourt et escabèche, textures de champignons et pata negra, moule de bouchot au citron vert, calamar avec tomate et pomme de terre.
Les choses sérieuses commencent avec un foie gras de canard râpé sur un tourteau (où ce dernier passe un peu à l’as) et pomme verte, puis de gosses crevettes dites carabineros avec algue et citron et encore ce plat signature qu’est le filet de rouget avec ses écailles croustillantes, jus au safran, ail noir et vinaigrette de tomate.
Côté viande, le ris de veau rôti au yuzu, poivre, échalote et crème de champignons est une grande chose et le juteux pigeon de Bresse aux arômes du Maroc, citron au sel et mousseline de carottes est d’une grande délicatesse. On n’oublie pas non plus le bien joli couplet sur le turbot au poivron et concombre ou encore le tendre filet de veau avec sauce à l’artichaut et pousse de poireaux.
On ne fait pas l’impasse sur le grand plateau de fromages de Suisse et de France, choisis et affinés par Bernard Antony à Vieux Ferrette, ni, bien sûr, les desserts tout en légèreté, comme le chocolat exotique et craquant avec sa glace yuzu. Et cède aux vins helvètes comme le chasselas du grand cru Villette La Combe du Lavaux en canton de Vaud ou le rouge du Tessin cabernet merlot Sotto Bosco. Bref, une grande table à laquelle on peut promettre un bel avenir.