Le Carré des Feuillants

Alain Dutournier vu par Maurice Rougemont

C’est mon trois étoiles de coeur. Celui aussi d’une bonne partie de la critique et d’un nombre important de gourmets qui se demande ce qui peut bien retenir le Michelin d’étoiler trois fois la grande maison d’Alain Dutournier. On vous a parlé maintes fois. L’hiver, avec la truffe dans tous ses états, le gibier, les crustacés, fournit l’occasion de retrouver cette très grande maison parisienne, qui a su garder l’accent des Landes, au mieux de sa forme et de son bel esprit.

Velouté de faisane et châtaigne © GP

Des idées d’une fête ici dans ce cadre à la fois chaleureux et moderne, éclairé de toiles modernes, veillé par un service amical, prompt et complice? Il y a la langoustine royale crue marinée au citron caviar sur son lit de chou romanesco, le bouillon mousseux de poule faisane à la châtaigne et truffe blanche, les huîtres spéciales d’Arcachon en gelée d’eau de mer avec leur tartare d’algues et leur caviar ébène d’Aquitaine, les saint-jacques avec truffe et roquette en salade « bon pain », la « truffe à la truffe », avec la truffe noire entière cuite à l’étouffée dans sa coque truffée. Aussi jolis à voir que délicieux à savourer.

Huîtres et caviar © GP

Les plats joue la mer avec joliesse, comme ce rouget entier désarêté, au blé cassé et olives noires, marinière de coques et caviar,  la chasse avec délicatesse, comme ce chevreuil façon noisettes couvertes d’une fine croûte de truffe, avec céleri, raviole de chou de civet, les abats en finesse, comme ce ris de veau au sautoir, aux girolles, jus d’huître pointu, artichauts poivrades. Mais le couplet sur l’agneau des Pyrénées (en carré rôti, épaule confite, ris poêlé) avec une bouleversante charlotte aux asperges et des cèpes persillés, fait tout simplement figure de morceau de bravoure.

Agneau des Pyrénées © GP

Pas question de faire l’impasse sur les desserts qui constituent toujours ici un temps fort. Avec la coque de chocolat blanc à l’infusion de thé vert et rhum, la fraise des bois andalouse en pavlova légère avec son splendide sorbet à la rose et gelée de litchis, le fameux montansier au chocolat et pistache qui est la version maison du légendaire « russe » de Dax, les variations sur le Mont Blanc (avec perles de mangoustan, pascaline vanillée, gelée de rhum) ou la gourmande crêpe Suzette vous ramènent en enfance.

Chevreuil en croûte de truffe © GP

Voilà, avec sa grande cave, son choix d’armagnac immense, une grande maison de bouche qui est aussi et avant tout une maison de coeur.

Montansier © GP