Pierre Gagnaire
« Paris 8e: le génie Gagnaire »
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Génie: voilà le qualificatif qu’on n’emploie pas souvent, mais qui revient forcément quand on évoque Pierre Gagnaire, sa manière d’envisager le monde, sa cuisine, ses plats. Ce créateur, sans cesse en éveil, imagine des mets comme des poèmes. Sa carte peut se lire telle une leçon de choses. Le « printemps » chez lui? Une cocotte de légumes aromatiques, dans laquelle on fume quelques instants des ravioles croustillantes d’herbes fraîches au foie gras de canard, que l’on escorte d’une confiture de tomate à l’argouse, d’un navet kabu, de cordifole, d’une infusion d’artichaut avec raisins muscat, fèves, crème glacée de petits pois, à la verveine, mais aussi d’asperges blanches de Monsieur Caillot, d’asperges sauvages, de blettes, d’un velouté de morilles parfumé au macvin, d’une pascaline de féra du lac Léman avec oxalis et soupe d’ortie.
Vous pigez l’esprit du bonhomme? Car tout cela ne fait qu’un seul plat avec sa multitude de choses exquises, de petites assiettes, qui se répondent, se complètent, se racontent. Le goût précis, fin, aiguisé, le vrai sens des choses, l’ode à dame Nature et le piquant, l’acide et le frais sont bien au rendez vous. Comme un musicien de jazz, Pierre Gagnaire fait son boeuf, se saisit d’une phrase, reconstruit sa musique propre, instille sa manière.
La langoustine? Elle sera rôtie, façon Terre de Sienne, avec râpée d’artichaut poivrade et mini brocolis et il y a les « navets Buren » avec cette composition géométrique et savoureuse, façon colonnes, en noir et blanc. Et on oublie le couplet cru et givré, grillé à l’épine-vinette, la laitue farcie à la morue, les pommes soufflées au sumac. On n’en finit jamais avec le grand Pierre, qui fut le maestro solitaire de St Etienne jadis, avant de devenir ce cuisinier de choc, fameux à Shangaï, Hong Kong, Londres ou Courchevel, sans omettre chic laboratoire parisien.
Avec lui, le métier de cuisinier s’apparente à celui d’artiste en figure libre, d’équilibriste sans cesse sur le fil, de funambule ailé. On aime ces menus bourrés d’esprit toujours neuf, qui font jongler rouget (en gelée), grenouilles (en cocotte façon poulette avec anguille fumée et champignons de Paris, consommé de poule, jambon et huîtres) ou encore canette des Dombes avec citron confit et gingembre frais.
Chaque plat chez Gagnaire est riche comme le repas entier d’un autre.