Entre Vigne & Garrigue
« Pujaut: Serge Chenet, entre vignes et garrigues »
Serge Chenet, qui fut, vingt ans durant le chef sérieux et classique, mais si chic, du Prieuré à Villeneuve-les-Avignon, est devenu l’étoilé sage et sûr à quelques pas de son domaine d’élection, en pleine nature. Il s’est installé en lisière dans ce qui fut la ferme de ses beaux-parents, à fleur de falaises et près d’un champs de lavande, au coeur d’un ancien mas occupé par des chartreux en 1610. Le lieu a du charme. Il y a la salle sous les voûtes, celle plus colorée avec les vignes au dehors, le grand jardin, la piscine.
Serge est désormais relayé en cuisine par son fils Maxime qui est passé notamment chez Jean-Pierre Jacob au Bateau Ivre à Courchevel. Ce MOF 1993, natif de St Quay Portrieux, au pays de la Saint Jacques en Côtes d’Armor (on les nommait alors les côtes du Nord), est devenu un cuisine provençal raisonné. Il joue avec une habileté rare des meilleurs produits des marchés voisins et des côtes de sa Bretagne natale. Il y a là quelques chambres d »hôtes, des menus qui parlent d’or, une ambiance alerte et des tablées heureuses des clients locaux le dimanche.
Représentant le briscard éclairé de sa région, Serge Chenet conte avec justesse ses mets du moment et de la saison, fuit l’esbroufe avec aise, joue en technicien expert le produit de qualité qu’il magnifie sans l’édulcorer. On aime, sans mal, sa lotte rôtie avec ses carottes au cumin, son bouillon mousseux de homard et langoustines parfumé à la réglisse d’Uzès, son turbot aux asperges vertes craquantes, petits pois, fèves et morilles qui font des exercices de style tenus de bout en bout avec talent, superbe.
Le morceau de bravoure? Ce pourrait être cette splendide côte de veau rôtie, découpée en salle, servie avec une lasagne d’artichauts violets sauce marbrée au chèvre frais et tapenade.
Là-dessus des vins dans l’esprit du pays ou de guère de loin font des alliances de classe: châteauneuf du Pape blanc servi au verre de Paul Coulon et fils au domaine de Beaurenard, viognier les Contours de Deponcin Il de François Villard des collines rhodaniennes IGP, mais valant, haut la main, un condrieu, surprenant rouge du Salagou estampillé Mère Michel de Philippe Ramon à Octon, offrant un splendide rapport qualité-prix, bref, des flacons qui surprennent et enseignent sur le beau travail des vrais artisans de la vigne qui cousinent à l’évidence avec cet artisan des fourneaux.
Côté desserts, on revient aux garrigues, comme aux vergers, avec le duo de fraises et olives noires confites, sa madeleine à la tapenade, sa glace à l’huile d’olive, ou encore le bien joli couplet sur le thème de la pomme et de la rhubarbe sur une tarte fine, flanquée d’une crème légère à la vanille, d’un sorbet pomme verte et calvados. Il y a là cinq chambres pour l’étape heureuse, la campagne et les champs de lavande pour rêver. Et côté histoire et culture, Avignon ou Villeneuve sont à deux pas.