Le Saint Placide

Ils aiment bien les citations. En truffent leur carte, qui ressemble d’ailleurs plus à un jeu de tarot qu’à un menu, de sentences empruntées aux meilleures plumes. Après « la bonne cuisine, c’est lorsque les choses ont le goût de ce qu’elles sont » (Curnonsky), voilà « choisir, c’est se priver du reste » (André Gide).

Manière de dire Luc et Isabelle Mobihan ne font rien comme tout le monde. Elle possède un faux air de Véronique Abadie de l’Amphytrion de Lorient : même charme instinctif, même dynamisme serein, même attention portée aux (bons) vins de partout, même look, savamment déstructuré, griffé Marithé & François Girbaud. Pas de surprise : tous deux ont travaillé là-bas. Isabelle d’ailleurs est de Lorient, si Luc est du Finistère.

Il a également été se faire voir à l’Auberge des Templiers aux Bézards. Puis ils ont tous deux gagné une étoile au château de Sully de Port-en-Bessin. Ils ont investi enfin une ancienne gare de tramway du quartier de St-Servan, le Neuilly de St-Malo, l’ont revue moderne, imaginant un lieu à leur manière et, le bouche à oreille aidant, la demeure affiche un beau succès.

Bref, ils sont fortiches et séducteurs les Mobihan ! Ces  deux lurons pros, ludiques et enthousiastes ont créé un lieu moderne à leur image, devenu le temple de la cuisine bretonne dans le vent à St Malo. Les menus sont bien dosés, les crus choisis par Isabelle superbes (chablis du domaine Servin, crozes de Graillot) et les plats ciselés par Luc épatants, même s’il y a parfois des tics en vogue, comme les émulsions à répétition ou la présentation en verre (d’un excellent risotto de homard au bacon).

Topinambour joliment marié au café, araignée, chorizo et asperges, langoustines présentées façon nems avec parmesan, basilic et tomate juteuse ou encore bar à la purée truffée donnent envie de prendre pension. Et les desserts (raviole de framboise et coco, chocolat et caramel au beurre salé) sont à se pourlécher.